Le procès dit des 100 jours, opposant le ministère public à Vital Kamerhe et consorts dans le cadre du programme de construction des maisons préfabriquées pour l’armée, a connu un rebondissement lundi 11 avril 2022. Statuant sur l’appel de la défense de l’ancien directeur du cabinet présidentiel, la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe pour vice de procédure. Selon l’instance de cassation, la Cour d’appel avait mené l’instruction du dossier Kamerhe malgré la récusation de sa composition par ce dernier qui avait saisi la Cour constitutionnelle à cet effet. Ce qui a énervé l’article 104 du code de procédure pénale qui stipule qu’un dossier ne peut être examiné que s’il est en état.
Il est aussi reproché au juge d’appel de n’avoir pas respecté les droits de la défense de Vital Kamerhe en statuant sur la base d’une notification de date d’audience plutôt qu’une citation à prévenu en violation de l’article 19 de la constitution.
Case départ
L’arrêt intervenu lundi remet le compteur à zéro et annule la condamnation à 13 ans de servitude pénale prononcée par la Cour d’appel.
Le président de l’UNC en séjour médical en France, demeure donc entretemps sous le coup de la première condamnation de 20 ans de servitude pénale prononcée par le TGI de Kinshasa-Gombe. En attendant que la Cour d’appel reprenne le procès en modifiant sa composition.
Cet arrêt de la Cour de cassation, très attendu, a relancé les spéculations autour du procès des 100 jours. Aussitôt prononcé, l’UNC, parti de Vital Kamerhe, a publié un communiqué saluant «les méritesdelajusticecongolaise et la sagesse du président de la République qui s’est gardé d’influencer le cours du procès». Les partisans de l’ancien dircab de Tshisekedi s’en donnent à coeur joie car pour eux, l’arrêt de la haute Cour sonne comme le début de la fin du calvaire de leur leader. Tandis que ses détracteurs, à l’instar de Georges Kapiamba de l’ACAJ y voient «un frein àlaluttecontrelacorruption» prônée par le chef de l’Etat. Dans un communiqué, mardi 12 avril, Kapiamba argue que la haute cour a perdu de vue le fait qu’ayant été condamné au maximum de peine en première instance sans que le procureur général ait interjeté appel, Vital Kamerhe n’encourait pas de risque d’aggravation de sa situation et qu’il n’y avait donc pas lieu de casser la décision intervenue au degré d’appel.
Partisans et détracteurs
Partisans et détracteurs de Vital Kamerhe versent donc dans la polémique autour de cette décision de justice. Les premiers en la présentant déjà comme une victoire. Pourtant, la Cour de cassation n’a pas blanchi Kamerhe, puisqu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le fond de l’affaire. «Son rôle se limite à l’examendujugementrendu au degré d’appel du point de vue de la forme », fait valoir notre chroniqueur judiciaire.
Willy Wenga, avocat au barreau de Kinshasa-Gombe estime pour sa part qu’il n’y a pas lieu de se réjouir d’un arrêt qui rétablit la condamnation de 20 ans de prison en annulant celle de 13 ans, prononcée par la cour d’appel. «De nouveau devant le juge de fond en appel mais en état de liberté provisoire, Vital Kamehre reste dans cette position jusqu’à l’arrêt définitif sauf si, condamné de nouveau, son arrestation immédiate est ordonnée», explique-t-il.
Analysant le communiqué de l’ACAJ du 12 avril, le professeur de droit Kodjo Ndukuma le qualifie de «critique politique sur un arrêt judiciaire» qui énerve l’éthique en ce qu’il «tacle tout même le prestige de la plus haute cour de l’ordre judiciaire. Le juge est soumis à l’autorité de la loi et les juges de la Cour de cassation ont clairementévoquéladisposition de la loi sur base de laquelle ils ont retoqué l’oeuvre du juge d’appel. Il n’a jamais été question d’une sanction plus douce à encourir pour ce qui avait déjà été écopé, car ce serait un jugement de fond, voire de valeur, ne revenant qu’à la Cour d’appel à qui l’affaire est renvoyée», a-t-il rappelé.
Politisation et pressions
Tout indique donc que, comme précédemment, le procès dit des 100 jours, qui oppose le ministère public à Kamerhe, Samih Jammal et Jeannot Muhima, tous poursuivis pour détournements des fonds destinés à la mise en oeuvre du programme des 100 premiers jours du mandat présidentiel, s’avère très politisé. Les commentaires etprises de position semblent destinés à faire pression sur les juges dans l’espoir d’influencer leurs décisions à venir dans un sens ou un autre.
Pas étonnant puisque l’ancien directeur de cabinet du président de la République est le patron d’un parti politique ayant pignon sur rue en RDC.
LE MAXIMUM