Il doit maudire le jour où sur un coup de colère peu admissible à ce niveau de responsabilités étatiques, il lui a pris de déverser sa bile sur les députés provinciaux et nationaux. C’était à l’occasion de la clôture de l’Atelier d’appropriation du Programme de développement des 145 territoires de la RDC (PDS-145T). Excédé par le chahut tonitruant des centaines de députés provinciaux qui lui reprochaient sans aménités ses immixtions dans la gestion des provinces, le vice-1er ministre, ministre de l’Intérieur, l’UDPS Daniel Aselo, avait littéralement pété les plombs. Vociférant, tremblant de rage, cet avocat kinois a eu des mots fort désobligeants à l’endroit de tous les élus au mépris des devoirs de sa haute charge, puisqu’il est allé jusqu’à livrer à une opinion médusée, les sommes engagées pour l’organisation de cette rencontre consacrée à un projet auquel le président de la République Félix Tshisekedi tient comme à la prunelle de ses yeux. «Le président de la République a envoyé de l’argent, 500.000 USD à chaque province. Nous sommes informés qu’il y a des gouverneurs des provinces qui ont pris cet argent et qu’ils se le sont distribué avec certains députés pour qu’ils ne soient pas évincés de leurs postes. Pour les députés provinciaux de toute la République Démocratique du Congo, la stabilisation de leurs assemblées passe par l’instabilisation et la déstabilisation des gouvernements provinciaux», avait-il crié à la cantonnade. Sans avoir tort nécessairement, mais sur le moment, ce sont les chiffres avancés qui auront retenu l’attention. 500.000 USD x 26 provinces, cela fait tout de même la bagatelle de 13.000.000USDdépenséspour ce forum. Les commentaires sont allés bon train, et pas toujours dans le meilleur sens pour le gouvernement auquel l’irascible vice-1er ministre fait partie.
Indiscrétions
Sur sa lancée, le n° 1 du ministère de l’Intérieur a poursuivi en assénant que «les députés provinciaux de la RDC n’arrivent pas à comprendre la chose politique qui est en train de se passer». Puis passant du coq à l’âne, il a ajouté : «je ne peux pas m’empêcher de parler de moi-même, ma province du Sankuru, ça fait trois ans que Félix Tshisekedi est président de la République, cette province n’a jamais eu un gouvernement provincial. C’est à cause des députés provinciaux qui ne cherchent que l’argent. Suite aux instructions leur données par les députés nationaux et sénateurs, ils ont mis cette province du Sankuru dans la situation où elle est aujourd’hui». Tout d’une traite, comme de la bouche du premier Congolais lambda venu : «je suis déterminé à démanteler ce réseau, la corruption, le détournement et même le complot qui ont élu domicile dans le gestion quotidienne des entités territoriales décentralisées », a bûcheronné cet homme qui est aussi l’autorité de tutelle de la police et des services de sécurité en RDC.
Alors que les professionnels des médias exprimaient leur ahurissement de voir celui qui passe dans l’opinion pour le bourreau des députés et des autorités provinciales se décomposer littéralement, d’autres se sont insurgés contre son attitude peu digne d’un homme d’Etat. Et ce qui devait arriver arriva.
Sous la forme d’une question orale du député national Jean-Pierre Kayembe Ilunga relative à la «gestion tendancieuse des conflits dans les provinces et les relations avec les institutions provinciales», le vice-premier ministre Aselo a été invité à s’en expliquer devant la représentation nationale mercredi 30 avril 2022, peu avant que son collègue en charge de l’Economie, Jean- Marie Kalumba, également convoqué mais pour une motion de défiance, ne soit déchu par la plénière de la chambre basse du parlement.
Courroucé et hors de lui
Il ne faisait donc pas bon vivre pour Me Aselo qui a entendu son interpellateur lui demander de démissionner. «Le vice-premier ministre de l’Intérieur a reconnu devant ce micro qu’il a été hué par les députés provinciaux. Or, ces élus représentent la nation congolaise et donc, cher ministre de l’Intérieur, vous avez été désavoué par la nation congolaise et je vous demande de prendre le courage et déposer dans les minutes qui suivent votre démission», a déclaré le député national Kayembe suivi par plusieurs autres de ses collègues.
Le vice-1er ministre chargé de l’Intérieur avait pourtant pris soin de s’excuser en liminaire avant de retirer les durs propos qu’il avait prononcés contre les élus provinciaux et nationaux. «Je me sens dans l’obligation dans l’obligation de vous présenter toutes mes excuses et de retirer par-là les quelques mots qui ont choqué les députés nationaux», avait déclaré en substance Me Daniel Aselo. Mais rien n’y a fait.
Au moment de mettre sous presses, nos rédactions ont été informées que plus d’une cinquantaine de députés nationaux ont décidé d’aller plus loin que leur collègue Kayembe, auteur de la question orale avec débat à laquelle il aura à dépondre mercredi 6 avril en signant carrément une motion de défiance à son encontre. Sales temps en perspective pour le n° 2 du gouvernement Sama Lukonde.
JACQUES NTSHUL