A la Commission électorale nationale indépendante (CENI), les chiens aboient, la caravane passe. Chaque jour, l’imposant immeuble de la centrale électorale congolaise sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa voit défiler son lot de représentants d’organisations internationales. A l’évidence, le train est lancé et ne devrait pas tarder à atteindre sa vitesse de croisière.
Les rodomontades rituelles dans les rangs de l’opposition, particulièrement chez Lamuka aile Muzito-Fayulu n’y ont rien fait. Lundi 13 décembre encore, le tandem avait tenté de se signaler par un sit-in. Cette fois-ci sans le concours des églises catholique et protestante, manifestement revenues à plus de circonspection conformément à leur mission évangélique.
Le 15 décembre, Bienvenu Ilanga, le vice-président de la CENI, a reçu une délégation des Allemands de la firme Dermalog, qui n’est pas passée inaperçue. Conduite par le chargé d’affaires a.i. de l’ambassade allemande en RDC, cette entreprise spécialisée en matière électorale a proposé des solutions biométriques pour l’identification des électeurs et la sécurisation des résultats électoraux afin que les scrutins demeurent transparents.
Le chien aboie, la caravane passe
Dermalog suggère l’acquisition de deux machines, l’une pour l’enrôlement, et l’autre pour le vote, le tout dans un kit de moins de 20 kg. Ce sont des appareils fabriqués en Chine mais avec des algorithmes allemands.
Un jour plus tôt, le 14 décembre, la CENI avait publié un appel à candidature au poste de secrétaire exécutif national (SEN), qui semble être passé inaperçue (à l’opposition, particulièrement). Pourtant le SEN, est le nerf du dispositif électoral. Dirigé jusqu’à ce jour par l’avocat central kongolais Ronsard Malonda dont la compétence ne fait l’ombre d’aucun doute, mais qui a eu maille à partir avec l’opposition et l’église catholique dès qu’il a eu l’idée de postuler à la présidence de la centrale électorale elle-même.
Qui tient le SEN tient la CENI entre ses mains.
Les prélats catholiques qui en savent quelque chose depuis 2018, lorsque des partenariats plus ou moins obscurs leur avaient permis de se muer en centrale électorale parallèle lors de l’élection présidentielle, lorgnent désormais avec gourmandise sur cette structure technique.
Au cours d’un point de presse, le 29 novembre au Centre interdiocésain de Kinshasa, le porte-parole de la CENCO, en annonçant la renonciation de sa congrégation à la présidence de la CENI sous conditions, avait onctueusement révélé le pot aux roses : «la CENCO est un corps pastoral. Ce n’est pas un parti politique, ce n’est pas non plus un corps de militants. Les évêques s’engagent à accompagner le processus par des orientations pastorales sous condition de réformes consensuelles de la loi électorale incluant des mécanismes qui rassurent toutes les parties prenantes». Des conditions qui se résument en la fameuse dépolitisation de la CENI, ou tout au moins, de certaines de ses structures dont le secrétariat exécutif national.
Indépendance des membres de la CENI
La lutte actuelle des calottes sacrées catholiques vise donc désormais «le renforcement de l’indépendance des membres du bureau de la CENI ainsi que la désignation des personnes apolitiques dans l’administration de la CENI», avait notamment déclaré le désormais Monseigneur Donatien Nshole. Plus en profondeur, le porte-parole des évêques précisait en effet que cette dépolitisation concernait le secrétariat exécutif national, les secrétariats exécutifs provinciaux et les antennes locales de la centrale électorale. Tout n’était donc pas encore perdu pour la CENCO, malgré la désignation de Denis Kadima à la tête de l’administration électorale. Il y avait encore le SEN.
L’appel à candidature à un poste de secrétaire exécutif de la CENI convoité ardemment par les évêques catholiques prend ainsi aux yeux de certains observateurs les allures d’une défiance vis-à-vis des prétentions cléricales. Des sources à la CENI assurent que la procédure est usuelle depuis la création de cette institution d’appui à la démocratie en 2003. Le communiqué publié à cette fin précise que le SEN bénéficiera d’un contrat à durée déterminée et étale les multiples tâches qui font de cette fonction le véritable coeur du système électoral.
Dépolitiser pour capturer
Le SEN est, en effet, chargé de : (i) mettre en œuvre les décisions de la CENI ; (ii) coordonner les activités administratives et techniques des secrétariats exécutifs provinciaux (SEP) et des antennes ; (iii) répercuter auprès des directions techniques, des secrétariats exécutifs provinciaux et des antennes, les différentes orientations, décisions et instructions de l’assemblée plénière ou du Bureau et veiller à leur bonne exécution ; (iv) préparer les dispositions pratiques de mise en œuvre des orientations, décisions et instructions de l’assemblée plénière ou du Bureau ; (v) préparer l’exécution des plans, des programmes et des activités électorales ; (vi) coordonner les activités opérationnelles des secrétariats exécutifs provinciaux et des antennes ; (vii) pourvoir aux activités de conception et d’exécution des procédures de gestion des opérations pré-électorales, électorales et post-électorales; (viii) présenter au bureau de la CENI les rapports synthèse sur l’état d’exécution des opérations techniques; (ix) préparer le budget des opérations et en assurer l’exécution et (x) exécuter toute autre tâche à la demande du Bureau.
Le profil du candidat secrétaire exécutif national n’en est que plus rigoureusement taillé. Il doit avoir un diplôme d’études universitaires de niveau Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA), Diplôme d’Etudes Supérieures (DES), Master ou équivalent en sciences humaines ou en sciences exactes, de bonnes connaissances des grands principes de management et de la gestion des opérations électorales et de gestion financière, une parfaite maîtrise de l’outil informatique et de la langue française, de même que de bonnes connaissances de l’anglais, bénéficier d’une expérience professionnelle minimale avérée de 10 ans dans la gestion technique des élections ou l’assistance technique électorale internationale, voire dans un autre domaine technique d’appui aux élections.
Un homme providentiel
Le candidat doit en outre posséder des compétences diverses, notamment dans la maîtrise du cadre légal et réglementaire des élections en RDC, une capacité de planification, de coordination et de mise en œuvre des opérations électorales. Il doit être de stricte moralité et pouvoir garantir la transparence, le sens de responsabilité avérée, la disponibilité, la capacité de travailler en mode d’urgence, sous pression et de produire des résultats dans les délais requis.
L’énumération n’est pas limitative !
A la CENI, le secrétaire exécutif national est le véritable cerveau-moteur du processus électoral et nul n’a intérêt à s’aliéner sa sympathie, à défaut de l’avoir dans son camp. Les jours qui viennent révéleront si, comme au bureau de la CENI, l’église catholique avancera le nom d’un oiseau rare à cet égard.
LE MAXIMUM