A Kinshasa, et sans doute à travers l’immense RDC, l’opinion savait qu’avec un groupe de prélats de son obédience, le cardinal kinois Fridolin Ambongo n’appréciait pas particulièrement ni l’UDPS ni le nouveau chef de l’Etat Félix Tshisekedi. Un désamour qui s’était manifesté aussitôt après la proclamation des résultats de la présidentielle de fin décembre 2018, véhémentement contestés par l’alors archevêque de Kinshasa et quelques autres calottes sacrées de l’église catholique ayant en commun leur appartenance géographique à l’Ouest du pays de Lumumba et leur prépondérance au sein du Conseil permanent des évêques du Congo. On rappelle que hiérarques boycottèrent l’inauguration du 5ème président rd congolais. Ce n’est que début mars 2019, trois mois après la prise de ses nouvelles fonctions par Tshisekedi, que le tout récent cardinal kinois se résolu à accepter la réalité en déclarant du bout des lèvres que «maintenant que Félix est au pouvoir, même s’il a été imposé par Kabila, nous voulons composer avec lui», selon le quotidien catholique français La Croix. «Nous pensons que même que du mal, il est possible de tirer quelque bien. Et de son côté, le nouveau président de la République doit aussi donner des gages pour tenter de corriger ce mal initial», avait-il ajouté.
Contestataire clérical
Plus récemment, l’archevêché de la capitale a brillé de mille feux dans la contestation de la désignation du nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), au motif de proximité ethno-régionale avec le président de la République. Le cardinal Ambongo et sa CENCO, soutenus par l’Eglise du Christ au Congo, se sont jurés par tous les dieux de faire échec au processus électoral ainsi enclenché. C’est de notoriété publique. Autant que l’est la mise sur orbite des forces sociales et politiques de la Nation, un regroupement de tout ce que le landerneau politique congolais compte d’opposants à Félix Tshisekedi, chargé notamment de manifestations publiques contre le pouvoir incarné par ce dernier.
Plus politique qu’Ambongo, dont le CV vante les exploits ‘‘révolutionnaires’’ du jeune séminariste qu’était l’ancien archevêque de Mbandaka -Bikoro, on ne trouve pas. L’homme ne se contient manifestement plus et pète littéralement les plombs lorsqu’il se déclare, sans sourciller, se sentir «en insécurité à Kinshasa». Fridolin Ambongo l’a dit à nos confrères de Jeune Afrique : «Aujourd’hui, je ne me sens plus en sécurité dans la ville de Kinshasa. Non. Je ne peux pas savoir de quel côté viendront les attaques de demain. Nous savons qui tire les ficelles, mais ceux qui sont manipulés, nous ne les connaissons pas. Ça peut-être un conducteur de moto, un automobiliste ou un piéton. Donc non, le cardinal que je suis n’est plus en sécurité». La complainte n’en est pas une. Elle résonne comme un cri de guerre du combattant et un appel de renforts et de soutiens tant politiques que logistiques par l’archevêque de Kinshasa.
Partisan chauffé à blanc
Dans le même échange avec la presse, Fridolin Ambongo s’exprime comme un foudre de guerre : «Je ne regrette rien. Nous avons agi comme pasteurs, pour l’intérêt de notre peuple. J’ajoute que nous n’avons pas mobilisé la rue pour les beaux yeux d’un parti. Nous l’avons fait pour le bien de notre peuple, qui avait exprimé son ras-le-bol. Et si, aujourd’hui, le peuple se retrouve dans la même situation qu’autrefois, nous reprendrons le combat», déclare ce prélat belliqueux. Qui reconnaît et rappelle ainsi les marches organisées par la sainte église catholique contre un pouvoir politique dans un passé peu lointain, non sans s’en vanter et promettre de remettre ça. «Ambongo a pété les plombs», confie au Maximum ce vieux prêtre kasaïen en séjour médical à Kinshasa. «Je n’en crois pas mes oreilles», se plaint-il, carrément. «Vous avez été témoins des attaques qui se sont passées ici à mon bureau et à ma résidence en plein jour. Nous savons ce qui s’est passé, d’où ils sont partis et qui les a chauffés à blanc», gronde encore le prélat. Sans se rendre compte à quel point il semble lui-même avoir littéralement pris les mors aux dents.
LE MAXIMUM