La Banque Mondiale met définitivement un terme au Doing Business, le célèbre rapport mondial sur le climat des affaires dans les pays de la planète, en raison d’irrégularités confirmées sur de précédentes éditions.
Depuis l’édition 2020, l’institution de Breton Woods avait suspendu la publication du Doing Business aux fins de mener une enquête sur lesdites irrégularités dans la manipulation des données. Jeudi 16 septembre, la BM a annoncé l’arrêt définitif (la suspension, selon certaines sources) de ces publications, indiquant avoir pris cette décision à la suite de la publication des conclusions d’une enquête diligentée sur les irrégularités révélées dans les données des éditions 2018 et 2020 du rapport. Ces irrégularités avaient suscité un tollé mondial, vu le prestige et l’importance de ce classement pour les Etats souhaitant notamment attirer les investisseurs étrangers au sein de leurs économies. «La confiance dans les travaux de recherche du Groupe de la Banque mondiale est d’une importance capitale. Ces travaux guident les actions des décideurs politiques et les pays à prendre des décisions mieux éclairées et permettent aux parties prenantes de mesurer les progrès économiques et sociaux avec plus de précision», a indiqué l’institution de Bretton Woods dans son communiqué avant d’ajouter : «Après avoir examiné toutes les informations disponibles à ce jour sur le rapport Doing Business, y compris les conclusions d’examens et audits antérieurs et le rapport rendu public aujourd’hui par la Banque au nom du conseil des administrateurs, la direction du Groupe de la Banque mondiale a pris la décision de mettre un terme à la publication du rapport Doing Business».
Selon les premières conclusions de l’enquête, plusieurs membres de la Banque mondiale auraient subi des pressions pour manipuler les données utilisées dans ce rapport qui permet de mettre en lumière les efforts réalisés par les Etats pour améliorer le climat des affaires dans leurs pays. Ces pressions seraient essentiellement venues de la Chine, de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de l’Azerbaïdjan notamment.
Parmi les personnalités impliquées dans ce dossier, figurent de hauts cadres de l’équipe de l’ancien président du groupe de la Banque mondiale Jim Yong Kim qui, rappelons-le, avait démissionné de son poste à 3 ans de la fin de son mandat, ainsi que l’ancienne directrice exécutive de la Banque et actuelle directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. Dans un communiqué publié jeudi, la responsable s’est d’ailleurs offusquée de ces accusations, affirmant être «en désaccord avec les conclusions et les interprétations de l’enquête».
Faut-il le rappeler, plusieurs économistes au sein même de la Banque mondiale avaient déjà remis en cause l’intégrité du rapport Doing Business, notamment concernant les méthodes de calculs utilisées. De plus, il était critiqué par plusieurs organisations de la société civile, qui estimaient que bien trop de gouvernements mettaient en place des réformes législatives uniquement pour grimper dans le classement sans que cela n’ait un réel impact sur le niveau de développement dans leurs pays.
Encore une fois, les principaux pays impliqués dans ce scandale sont des puissances économiques disposant du poids nécessaire pour faire pencher en leur faveur des rapports comme celui du Doing Business. A l’aune de ces nouveaux développements, difficile de ne pas se demander si les classements des pays pauvres moins puissants pour exercer ce type de pression, ont été véritablement objectifs. «A l’avenir, nous nous emploierons à élaborer une nouvelle approche pour évaluer le climat des affaires et de l’investissement», a indiqué la Banque mondiale dans son communiqué.
Selon certains médias, Kristalina Georgieva est accusée d’avoir fait pression sur ses subordonnés pour plaire à Pékin lorsqu’elle était en poste à la Banque mondiale en 2017.
Peu avant la publication de l’édition 2018, Kristalina a, selon l’enquête, demandé l’adaptation de la méthodologie et la modification des critères. Elle aurait réprimandé un haut responsable de l’institution pour «avoir mal géré les relations de la Banque avec la Chine et ne pas avoir apprécié l’importance du rapport ‘Doing Business’ pour le pays». Sous pression, ses équipes auraient alors modifié certaines données et permis à la Chine de conserver sa 78e place au lieu de chuter à la 85e. Le responsable initialement réprimandé, lui, a été félicité pour avoir «fait sa part du travail pour le multilatéralisme».
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