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Un regard sur la demande de la levée de l’immunité parlementaire en RDC
Introduction
Dans cet élan d’instaurer l’Etat de droit, les caciques ne sont pas épargnés, le dossier du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo aura-t-il, lui aussi, droit à son procès comme le dossier de cent jour qui avait emporté le Directeur de cabinet du chef de l’Etat, le dossier de l’ancien Ministre de l’éducation primaire secondaire et technique avec l’ancien Ministre Willy Bakonga.
Augustin Matata Ponyo, Premier ministre lors de l’élaboration de ce projet, a regagné Kinshasa le 9 mai dans l’après-midi. Il a ainsi écourté un séjour en Guinée où son cabinet de conseil, Congo Challenge, est sous contrat avec la présidence Guinéenne comme coordonnateur d’action gouvernemental1. L’information dominante parle de la demande de la levée d’immunité parlementaire à cette haute personnalité jadis appelée l’homme de la bonne Gouvernance. Actuellement Sénateur qui n’est peut-être poursuivi qu’après la levée de l’immunité parlementaire conformément à l’article 107 de la constitution du 18 février 2006.
A cet état de chose, en tant que juriste et analyste politique, après avoir défini le concept immunité parlementaire et ses catégories nous nous sommes posé la question de savoir si l’affaire sera clause si et seulement si le bureau du sénat refuse de lever l’immunité parlementaire à l’honorable Matata Ponyo? Conformément à la législation congolaise quels sont les critères de la demande de la levée d’immunité parlementaire ? Cette analyse s’applique à d’autres cas qui pourront surgir dans le temps et dont les personnes à poursuivre seront sous la protection de l’immunité parlementaire.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est impérieux de définir l’immunité parlementaire et son objectif.
2. L’immunité parlementaire et sa raison d’être
L’immunité parlementaire peut se définir comme une prérogative qui met les parlementaires à l’abri des poursuites judiciaires, en vue d’assurer le libre exercice de leur mandat2. L’immunité parlementaire est une protection dont l’objet est de permettre à un parlementaire d’exercer librement en toute indépendance son mandat.
Le représentant du peuple sénateur et/ou député n’est donc pas protégé à titre personnel mais à raison de son mandat.
Au regard de cette définition l’on peut affirmer que la raison d’être de l’immunité parlementaire est d’assurer le libre exercice du mandat des parlementaires et par là même, de garantir le bon fonctionnement des institutions parlementaires. Dans la même logique, nous pouvons en déduire qu’elle a également pour finalité de protéger les députés et sénateurs contre les poursuites judiciaires qui pourraient avoir pour but l’intimidation ou empêcher les parlementaires de siéger.
Selon la doctrine dominante, il s’agit de l’immunité parlementaire de l’irresponsabilité qui soustrait les parlementaires à toutes poursuites pour les actes liés à l’exercice de leur mandat. Nous distinguons aussi l’inviolabilité qui a pour but d’éviter que l’expérience du mandat parlementaire ne soit entravée par des poursuites pénales visant des actes accomplis par le parlementaire. Cette catégorie d’immunité parlementaire tend à différer l’action pénale sans faire disparaitre le caractère illicite des faits reprochés. Dans tous les cas le parlementaire fautif ne peut être poursuivi que lorsque son immunité est levée4.
Dans le cas d’espèce, l’honorable Matata Ponyo n’est pas poursuivi pour les faits qu’il a commis dans cette mandature de sénateur mais, les faits qu’il a commis au moment où il fut premier ministre chef du Gouvernement. Le privilège de juridiction qu’avait Matata lorsqu’il avait commis l’infraction, ne pouvait pas préoccuper le Sénat en discutant sur la compétence au le juge naturel du présumé auteur du détournement de Bukangalonzo, au cours de la séance sur la lever de l’immunité parlementaire, parce que sont des exceptions qui d’ailleurs seront soulevés in limin litis lors du procès.
Après avoir défini le concept immunité parlementaire et sa raison d’être, il serait nécessaire de voir le cadre légal de cette dernière en RDC et les éventuelles lacunes que peut accuser notre législation quant à ce.
3. Du cadre légal de l’immunité parlementaire en RDC et les éventuelles lacunes
Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, cherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun parlementaire ne peut, en cours de session s, être poursuivi où être arrêté, sauf en cas de flagrant délit, avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou Sénat selon le cas. En dehors de sessions, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du bureau de l’Assemblée nationale ou du bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est suspendue si la chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours5.
Après avoir consulté la constitution du 18 février 2006 précisément à son article 107, pour qu’il y ait la levée d’immunité parlementaire, il faut une demande formulée en bonne et due forme. Cette affirmation nous amène à nous poser une question sur les caractères de la demande de la levée d’immunité parlementaire. Il s’agit ici des éléments qui déterminent le caractère sérieux de la demande de la levée d’immunité parlementaire. Le règlement du sénat et l’article 107 de la constitution ci-haut mentionné reste muette à ce sujet, c’est à dire les deux textes ne spécifient pas les critères que doit revêtir la demande pour être recevable et cela ouvre une brèche à l’interférence politique.
La doctrine s’accorde à dire que la demande doit être sérieuse, c’est à dire qu’elle doit reposer sur des faits constitutifs d’infraction imputable au parlementaire, elle doit également être sincère cela veut dire qu’elle ne doit pas être motivée par des faits politiques6.
Si nous essayons de confronter la doctrine au cas de l’honorable Matata Ponyo, le Sénat ne doit pas intervenir pour juger la véracité des faits reprochés à leur collègue, mais statuer sur la sériosité des faits reprochés à Matata sans voir la véracité des faits et sans interférences politiques.
Paradoxalement à ce que nous venons de dire dans le paragraphe précédent, il peut arriver que le sénat ne lève pas l’immunité parlementaire au parlementaire Mapo, qu’elle serait la position de la justice, le dossier serait suspendu jusqu’à la fin du mandat parlementaire ou bien. Ce cas non plus n’a pas été prévu par le législateur congolais. A mon humble avis, il faut faire recours aux théories générales de droit qui disent que, quand la loi est muette il faut se mettre à la place du législateur en s’inspirant de la coutume, la doctrine et la jurisprudence. Dans ce cas, la personne intéressée peut attaquer la décision du Sénat soit devant le conseil d’État ou la cour Constitutionnelle selon la nature de la décision prise par le sénat.
4. Conclusion
En conclusion, la matière concernant l’immunité parlementaire en RDC n’est pas bien règlementé à part l’article 107 de la constitution du 18 février 2006 aucune législation spéciale qui existe et cela occasionne d’interférence politique quand il s’agit de poursuivre leurs honorables députés et sénateurs, qui probablement seraient protégés par leurs collègues en refusant de lever l’immunité tout en sachant les lacunes qu’accuse notre législation.
Dans le cas d’espèce, le sénat ne doit pas prendre le temps en examinant la véracité des faits reprochés à l’honorable Matata, mais au contraire voir si sérieusement il est poursuivable ou accusable. La présence du rapport de l’Inspecteur Général des Finance qu’il soit vrai ou faux serait un élément probant qui peut motiver la demande du procureur. En ce qui concerne ce rapport, il semblerait que l’honorable Matata voulait porte une plainte d’imputation calomnieuse contre l’Inspecteur Général des Finances cette action serait irrecevable parce que l’honorable n’a pas un jugement ayant l’autorité de la chose juge qui l’a blanchi. En plus de cela, Le sénat ne devrait pas examiner les compétences rationae materiae7 et/ou rationae personae8 parce que ceux-ci sont des exceptions qui normalement sont soulevées in limin litis9 devant le juge.
Il serait mieux que le législateur congolais revoie la législation sur l’immunité parlementaire, sinon il y aura toujours des problèmes à cause des lacunes qu’accuse la loi.
Fait à Kinshasa le 09/06/2021
Par: Muyoboke M. Cédric
Juriste et analyste politique
Email : mudumiza@yahoo.fr
Tél : +243 816652994
7 Compétence materielle.
8 Compétence liée à la personne.
9 Les exceptions ou moyens de la défense qui doivent être soulevés au début de l’instance.