Le meurtre de l’ambassadeur d’Italie en RDC, lundi 22 février 2021 entre Rutshuru et Kibumba, à une dizaine de kilomètres de Goma (Nord-Kivu) a suscité un émoi quasi planétaire. Le diplomate et son garde du corps, Vittorio Lacovacci, ainsi que le chauffeur congolais Mustafa Milambo du Programme alimentaire mondial (PAM) ont, en effet, succombé à des blessures par armes à feu pendant que des éco gardes du Parc des Virunga tentaient de les soustraire d’un groupe de ravisseurs armés.
Le concert d’indignations et de condamnations de l’acte ignoble qui a coûté la vie à ce jeune diplomate (43 ans) n’a pas réussi à dissimuler un malaise profond ressenti en RDC, pour au moins trois raisons.
D’abord, ce silence autour de l’une des 3 victimes de la tuerie, le chauffeur congolais du PAM, un père de famille que les médias tant ‘‘globaux’’ que nationaux qui ont réservé de larges colonnes à la disparition brutale de l’ambassadeur et de son garde du corps italiens, ont ignoré. Comme si cette mort-là, à l’instar de celles des milliers d’autres Congolais qui tombent quotidienement dans la même région depuis plusieurs décennies, ne représentaient rien aux yeux d’une certaine opinion.
Triple embarras
Ensuite, on s’est rendu compte avec ce énième incident des libertés que s’accordent de manière récurrente divers acteurs internationaux qui se croient permis de circuler même dans des régions perturbées de la RDC, à l’insu des autorités de ce pays. L’ambassadeur Attanasio, comme beaucoup de ses collègues en poste en RDC, ne s’était en effet nullement donné la peine de signaler son déplacement au Nord-Kivu aux autorités compétentes du gouvernement central. Il n’a par conséquent bénéficié d’aucune protection particulière d’usage lorsqu’une personnalité de son rang se rend dans une région instable comme celle-là. Le gouverneur de province, Carly Nzanzu Kasivita et le patron provincial de la police nationale congolaise l’ont relevé, en des termes clairs. Ils ne faisaient que relayer un communiqué du ministère de l’Intérieur révélant que les autorités congolaises n’avaient nullement été mises au courant du voyage à l’Est du diplomate assassiné.
Rappel à l’ordre feutré
L’embarras était suffisamment grand pour que de toute urgence, le chef de l’Etat convoque une réunion de sécurité au terme de laquelle Marie Ntumba Nzeza, la ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères, a exhorté les ambassadeurs en poste à Kinshasa à prévenir obligatoirement ses services de tous leurs déplacements à l’intérieur du territoire national. «Les ambassadeurs et autres responsables des représentations ne peuvent plus quitter Kinshasa pour l’intérieur du pays sans en informer le chef de la diplomatie congolaise et les services compétents», a déclaré à la presse la patronne de la diplomatie congolaise, ce qui, en langage moins feutré, voulait dire «cessez de circuler comme bon vous semble chez, nous, tout de même !».
Ce n’est pas tout, puisque mercredi 24 février, le conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité, François Beya Kasonga, a conféré avec une importante brochette de diplomates occidentaux accrédités à Kinshasa pour évoquer l’incident et leur rappeler ce principe qui régit les déplacements des diplomates hors de la capitale.
Enfin, l’autre embarras, mal dissimulé par Kinshasa, réside dans l’identification des auteurs de ce meurtre odieux de l’ambassadeur Luca Attanasio, aux fins de permettre des suites judiciaires appropriées. D’autant plus que Rome exerce des pressions sur le PAM et sur les Nations-Unies pour qu’une enquête diligente détermine les circonstances exactes de l’assassinat de son envoyé.
Les FDLR, un alibi ?
Réagissant, quasiment à chaud, après l’assassinat du diplomate italien, des officiels congolais avaient pointé du doigt les rebelles rwandais des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), les accusant d’être responsables de l’attaque qui a couté la vie à Attanasio. Ce que les rebelles rwandais, présents dans la région, ont catégoriquement démenti, rejetant la balle du côté des autorités congolaises et de la MONUSCO.
Mercredi 24 février, Cure Ngoma, porte-parole des FDLR, a enfoncé le clou en insinuant que l’armée congolaise et les forces rwandaises ne sont pas étrangères au drame de Nyirangongo. Une insinuation qui se base sur le fait que le lieu du drame et ses environs, trop proches de Goma et de la frontière rwandaise, sont réputés être sous le contrôle des FARDC et des RDF.
Kinshasa aurait sûrement été moins embarrassé s’il pouvait rapidement livrer le fin mot sur les circonstances du meurtre de ce diplomate.
A.M