L’Union sacrée de la nation a été bien conçue à voir la facilité avec laquelle son initiateur a convaincu une forte majorité d’acteurs politiques. Alors qu’elle ne dispose pas encore de personnalité juridique ni d’outils conceptuels opposables aux tiers, la nouvelle vision de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo en faveur du changement, basée sur des valeurs cardinales et un cadre programmatique en faveur du seul peuple a manifestement conquis les cœurs et les esprits.
Mais des hésitations sont perceptibles dans la mise en oeuvre du projet présidentiel, notamment dans son volet relatif à la requalification de l’action gouvernementale sous-tendue par une coalition parlementaire élargie. L’enjeu prioritaire de la démarche de Fatshi était de mettre un terme aux atermoiements funestes qui menaient la nation droit vers un mur.
Comme il l’avait lui-même annoncé le 6 décembre 2020, sa préférence pour une coalition plus large était guidée avant tout par la nécessité de mettre en place au plus vite «un gouvernement devant conduire son action durant le reste du quinquennat, suivant ma vision, dans le but de répondre aux aspirations du peuple». Depuis lors, l’ancienne majorité parlementaire s’est pratiquement effondrée. Force est de constater cependant que la session extraordinaire de la chambre basse du parlement convoquée pour un mois à partir du 05 janvier dernier n’aura servi qu’au remplacement du bureau déchu de Jeanine Mabunda, à la censure du 1er ministre Ilunga Ilunkamba et au vote expéditif d’une loi autorisant la ratification de l’adhésion de la RDC à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Trente jours uniquement consacrés à ces trois matières qui auraient pu normalement être évacuées en une semaine. Le reste du temps a été vendangé dans d’inavouables tergiversations et d’interminables conciliabules.
En effet, c’est depuis le 23 octobre de l’année dernière que l’action gouvernementale a été réduite au strict minimum à cause de la suspension par le président de la République des réunions du conseil des ministres. Toute perte de temps par l’Union sacrée pour relancer la machine étatique embourbée serait coupable car si l’enjeu était simplement de se conformer à la vision du chef de l’État, la moindre des choses pour lui serait d’avoir tout prévu avant de se jeter à l’eau.
Le temps qui passe sans évolution notable risque de faire croire que les choses n’ont pas été bien mûries avant les annonces officielles au point d’obliger l’initiateur de l’Union sacrée à avancer empiriquement par essais et erreurs au grand dam d’un peuple exsangue qui ne saurait s’accommoder des approximations.
Un engouement de départ déjà évaporé ?
L’optimisme qui avait accompagné la naissance de l’Union sacrée semble déjà prendre quelques rides. Fervents défenseurs de la mise à mort du mariage FCC-CACH qualifié par quelques hurluberlus de leurs entourages de contre-nature, le MLC Jean Pierre Bemba et l’Ensemble Moïse Katumbi ont revu leurs ambitions à la baisse en raison de la désillusion consécutive à l’afflux dans l’Union sacrée d’anciens sociétaires du FCC notamment au parlement. Au final ce sont plutôt des outsiders comme Christophe Mboso N’kodia Mpwanga qui tirent leur épingle du jeu. Faut-il pour cela en déduire que la logique du «chance eloko pamba » gouvernera la suite du processus? Rien n’est moins sûr. Le patriarche Yezu Kitenge, haut représentant très écouté du président de la République a laissé entendre dans l’un de ses récents tweets qu’on devrait plutôt s’attendre à «un gouvernement de vertébrés» avec obligation de résultat dans l’intérêt du peuple. C’est dire qu’en haut lieu les choses sont plus claires qu’il n’y paraît. Pour preuve, une Task Force se serait même déjà penchée sur la rédaction du programme de gouvernement de l’Union sacrée que le futur 1er ministre dont la nomination ne saurait tarder ne fera qu’endosser.
Quoi de plus normal dès lors qu’en rendant compte à la nation du résultat des consultations qu’il avait engagées pendant près d’un mois, Félix Tshisekedi avait, le 6 décembre 2020, donné les grandes lignes dudit programme, fort des défis que ses consultations des forces vives de la nation lui ont permis d’identifier.
Il n’ y aura donc plus à inventer la roue. Le peuple gavé de promesses de la classe politique n’attend plus que la mise en place du gouvernement qui va lui redonner le sourire et soulager ses peines.
Surfer sur la vague Union africaine
Président en exercice de la conférence des chefs d’Etats de l’Union africaine depuis le 06 février, Félix Tshisekedi verra ses faits et gestes scrutés à la loupe. On l’attendra au tournant sur le plan de l’exemplarité. La conduite des affaires de l’État sous sa dispensation fera l’objet d’une attention particulière des partenaires au développement dans la communauté internationale. Il n’y a aucune aura continentale à attendre au niveau de l’Union africaine s’il n’ajuste pas la gestion de son pays sur les aspirations qu’il a suscitées depuis son accession démocratique et historique au pouvoir.
Des partenaires parmi les plus «sûrs» comme la Belgique, ancienne puissance colonisatrice, se sont déjà signalés à cet égard en attirant son attention sur le respect des délais constitutionnels des mandats électifs. La Banque mondiale échaudée par les allégations de détournements brandies par l’Inspection générale des finances à l’encontre du ministère de l’EPST ne s’est pas fait prier pour suspendre le versement d’une rondelette somme de 100 millions USD attendue en appui au programme emblématique de gratuité de l’enseignement de base. En interne comme à l’externe personne ne fera de cadeaux à Fatshi, surtout en ces moments où il s’est adjugé les pleins pouvoirs et qu’il préside par dessus le marché aux destinées du continent noir dont on connaît les besoins pressants en matière de gouvernance démocratique. L’ayant bien compris, il s’est d’une certaine manière mis la pression en osant dire tout haut des choses qui fâchent. Dans son allocution d’acceptation de mandature, il a déclaré : «je ne comprends pas pourquoi des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamité chantent à notre gloire alors qu’ils devraient nous exiger plus comme c’est le cas en occident». Au grand dam de nombre de ses pairs. Un chroniqueur estime à cet égard que le chef de l’État congolais a fait preuve d’ingénuité avec cette sortie osée. «Si l’imbécilisation des masses qui chantent à la gloire des dirigeants qui les appauvrissement est à blâmer, la comparaison avec l’Occident ne passe pas dans les milieux élitistes africains dans la mesure où tout le monde sait que la prospérité de plusieurs pays occidentaux dépend largement du pillage des ressources naturelles du continent noir érigé en modèle de coopération depuis la colonisation», a-t-il relevé.
Il importe dès lors que le n° 1 rd congolais soit à la hauteur des leçons qu’il a lui-même données à ses homologues en réquisitionnant avec doigté l’intelligentsia nationale. Il ne s’agit pas simplement de faire pour le mieux. Encore faut-il le faire savoir, c’est-à-dire mieux peaufiner l’image du pays qui bénéficie d’une embellie diplomatique évidente.
Il va bien falloir mettre les petits plats dans les grands. Et à cet égard, le temps est le dernier allié de ce chef d’Etat dont le mandat est plus que largement entamé.
Le Maximum