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Assemblée nationale : Quid du mandat impératif ?
Le Bureau d’âge a, en date du 13 janvier 2021, saisi la Cour Constitutionnelle à l’effet d’obtenir l’interprétation de l’article 101 alinéa 5 de la Constitution qui dispose : « Les membres de l’Assemblée nationale portent le titre de député national. Ils sont élus au suffrage universel direct et secret. Les candidats aux élections législatives sont présentés par des partis politiques ou par des regroupements politiques. Ils peuvent aussi se présenter en indépendants. Chaque député national est élu avec deux suppléants. Le député national représente la nation. Tout mandat impératif est nul. Le nombre de députés nationaux ainsi que les conditions de leur élection et éligibilité sont fixés par la loi électorale ».
Le Bureau d’âge de l’Assemblée Nationale s’est heurté à une difficulté de cerner le vrai sens du libellé : « Tout mandat impératif est nul. », cette analyse va essayer d’éclairer l’opinion sous réserve de ce qui sera dit par la Cour Constitutionnelle. Il se dégage de cette phrase le terme Mandat impératif. Ce terme est l’opposé d’un Mandat représentatif, quid. Commençons par ce dernier avant d’aborder le premier.
1/ MANDAT REPRESENTATIF
Le mandat représentatif est une forme de mandat politique qui doit être général, libre et non révocable. C’est-à-dire que le représentant peut agir en tous domaines selon sa volonté car il n’est pas tenu de respecter les engagements qu’il aurait éventuellement pris devant ses mandants.
Il est de connaissance politique connue que « la nation conserve la souveraineté dont elle délègue l’exercice aux représentants. Les assemblées qu’ils composent seront réputées agir par la nation elle-même ». Cette affirmation a deux caractéristiques importantes :
D’abord, le représentant est libre de ses décisions : ceci veut dire que les électeurs ne lui tracent pas de programme ; ils s’en remettent à lui pour discerner les meilleures solutions en leur faveur. L’élu n’a d’autre engagement que d’agir en conscience et, si ses opinions viennent à changer, ses électeurs ne peuvent le révoquer. (Philippe ardant Institutions politiques et Droit constitutionnel)
Ensuite, l’élu représente la nation toute entière et non ses électeurs : le caractère essentiel de la représentation en droit public tient au fait que l’élu représente la nation en son entier et non ses électeurs, c’est là un corollaire du principe de la souveraineté nationale. Certes, le territoire est divisé en circonscription électorale mais l’élu dispose d’une investiture collective. Il n’a pas de lien particulier avec les électeurs de sa circonscription électorale. Il est l’élu de ceux qui ont voté pour lui comme de ceux qui se sont abstenus, de ceux qui ont voté pour lui comme de ceux qui ont voté contre lui, des autres circonscriptions au même titre que de la sienne.
Selon la formule consacrée : il n’est pas élu par la circonscription mais dans la circonscription. La décision du territoire en circonscriptions répond à une nécessité technique et n’a pas de portée politique puisque, on le sait, la souveraineté est indivisible. (Philippe ardant Institutions politiques et Droit constitutionnel, p.172)
2/ MANDAT IMPERATIF
L’alinéa 5 de l’article 101 de la Constitution interdit toute forme de mandat impératif. Et le mandat impératif est l’opposé du mandat représentatif. Il s’agit ici d’une transposition de la théorie du mandat de droit civil dans le domaine politique en ce que les électeurs donnent des instructions à l’élu, lui dictent ses votes, exigent qu’il rende des comptes et le révoquent s’ils en sont mécontents. Il s’établit ainsi un lien étroit entre l’élu et les électeurs de la circonscription, le premier perd toute initiative, devenant l’exécutant des vœux des seconds.
Cette prohibition constitutionnelle a aussi pour but de protéger la liberté et la dignité de l’élu : il n’a pas d’ordres à recevoir. En outre, le mandat impératif n’est plus compatible avec le fonctionnement des parlements modernes. Il est nécessaire de laisser de l’initiative aux députés pour éviter qu’ils ne reviennent instamment devant leurs électeurs pour demander leurs instructions. (Philippe ardant Institutions politiques et Droit constitutionnel, p.173-174)
S’il est admis que le député n’a pas des mains liées vis-à-vis de ses électeurs qui d’ailleurs l’ont élu auprès de qui il serait redevable par essence, qu’est-ce qu’il en serait des directives reçues de sa famille politique (Parti politique ou regroupement politique) ? Ceci veut tout simplement dire que la souveraineté liée au mandat du député lui rend libre et indépendant même vis-à-vis des instructions de son regroupement car seul l’intérêt supérieur de la nation prévaut à tout autre.
Par conséquent, si les élus estiment avec conviction souveraine que l’intérêt de na nation se trouve du côté de l’Union Sacrée pour la Nation, ils sont libres de décider de se ranger derrière cette vision du Chef de l’Etat sans qu’il ne soit question de révocation ou de destitution. Ils ont le mandat de représenter la nation pour une durée de cinq ans.
Telle est l’interprétation qu’il faudrait avoir de l’alinéa 5 de l’article 101 de la Constitution. Nous pensons en toute honnêteté scientifique, celle de la Cour Constitutionnelle ne dira pas le contraire.
Me Red KOLIKITE