Samedi 5 décembre 2020, les grandes artères de Lubumbashi étaient noires de monde. Les membres des partis et regroupements membres du Front commun pour le Congo (FCC) arboraient leurs plus beaux atours pour accueillir leur leader, le président de la République honoraire et sénateur à vie Joseph Kabila dont le voyage dans la capitale cuprifère maintes fois annoncé et reporté avait été confirmé par diverses sources pour ce jour.
L’ancien président de la République n’a pourtant pas quitté Kinshasa pour se rendre à Lubumbashi où il était attendu par une foule estimée à plus d’une centaine de milliers de personnes. Selon certaines sources, le président Félix Tshisekedi l’aurait contacté la veille pour lui suggérer de reporter son déplacement après son message à la nation prévu pour dimanche.
Joseph Kabila était attendu à Lubumbashi depuis le mois de juillet. Rien n’avait filtré sur les raisons de ce déplacement qui, après une série d’annulations devait intervenir à un moment où les relations entre sa plateforme et celle du président de la République Félix Tshisekedi qui traversait une très forte zone de turbulences depuis que le chef de l’Etat avait nommé de manière jugée anticonstitutionnelle deux juges à la Cour constitutionnelle. Depuis l’annonce de sa descente dans le Haut-Katanga, le FCC et ses membres se sont fortement mobilisés pour lui réserver un accueil haut en couleurs.
Le report de l’arrivée du numéro 1 de la majorité parlementaire dans le chef-lieu de la province du Haut-Katanga n’a en rien refroidit l’ardeur de ses partisans, loin s’en faut. «Cette annulation est une ruse, nous ne croyons pas à ce qu’on nous raconte»,
affirmaient des membres du PPRD en route vers l’aéroport international de la Luano où ils devaient assister à l’arrivée de leur champion.
En fait, c’est depuis vendredi dans la soirée que le taciturne quatrième président de la RDC avait résolu de postposer pour une énième fois sa visite familiale à Lubumbashi où réside sa mère. «Ce n’est que samedi qu’il a communiqué cette décision à ceux de ses collaborateurs qui devaient l’accompagner et qui s’étaient eux présentés à l’aéroport international de N’Djili à cette fin», précise-t-on.
Déçus, les membres de la plateforme politique du ‘’Raïs’’ dans la ville Lubumbashi ont fustigé ce qu’ils ont considéré comme le blocage de Joseph Kabila à Kinshasa ce samedi 05 décembre 2020.
Dans la capitale, Me Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine des droits de l’homme (Asadho) a condamné ce qu’il considérait comme une interdiction de voyager émise par les autorités à l’encontre du sénateur à vie Joseph Kabila et ses accompagnateurs. Pour cet activiste des droits de l’homme, «cette décision qui n’a aucune raison d’être et qui viole les droits constitutionnels de Joseph Kabila est condamnable.
Interdire à M. Kabila de voyager sans qu’aucune raison sécuritaire ou judiciaire ne soit avancée est une violation pure et simple de ses droits constitutionnels. Nous condamnons cette attitude du régime du président Tshisekedi C’est inacceptable dans un Etat de droit», a écrit sur son compte Tweetter samedi 5 décembre le coordonnateur de l’association africaine des droits de l’homme.
Selon notre confrère Jean-Paul Tshimanga, à la cité de l’Union Africaine, on confirme que c’est le chef de l’État congolais Félix Tshisekedi qui aurait personnellement contacté son prédécesseur pour lui demander d’annuler son déplacement à la veille de son adresse à la nation, programmée pour dimanche 6 décembre à 14h30.
A en croire Stanis Bujakira, «tout était prêt pour le départ de Joseph Kabila au Katanga ce samedi 5 décembre. Deux petits avions avaient spécialement été affrétés pour le déplacement de plusieurs cadres du Front Commun pour le Congo (FCC) qui devaient décoller pour Lubumbashi.
Plusieurs collaborateurs de l’ex-chef de l’État étaient présents à l’aéroport de N’Djili, dont Kikaya Bin Karubi, son conseiller diplomatique, et Théodore Mugalu, son ancien chef de la maison civile.
Quelques minutes seulement avant le décollage, changement de programme : Joseph Kabila ne se déplacera pas. Une source dans l’entourage de l’ancien président a déclaré qu’on lui a signifié plus tôt qu’il ne pourrait pas voyager. Son avion, ses pilotes et tout le dispositif sécuritaire étaient pourtant prêts. Selon d’autres membres de la délégation contactés par Jeune Afrique, la Direction générale de migration aurait refusé le décollage de l’aéronef sur instruction de la présidence, sans donner davantage de détails».
Après l’annonce du report de l’arrivée tant attendue du patron du FCC dans la ville de Lubumbashi, le vice-président de l’Assemblée provinciale et président du comité d’accueil n’a pas caché son courroux en s’adressant à la foule. Il s’est en même temps félicité de la réussite de la mobilisation. «Cela fait trois semaines que nous avions annoncé l’arrivée de Joseph Kabila ici chez nous pour nous saluer et prendre quelques jours de repos après tout le travail qu’il a abattu pour le pays à Kinshasa. Nous avions convenus de l’accueillir comme il le mérite aujourd’hui et c’est la raison pour laquelle des milliers de concitoyens continuent d’affluer. Nous sommes allés à l’aéroport pour l’accueillir avec joie étant donné que cet un leader qui nous a donné beaucoup de satisfaction. Joseph Kabila est un homme pacifique qui n’aime pas les conflits et le désordre. Cet avec regret que nous sommes contraints de rentrer seuls sans avoir vu arriver ce digne fils du Katanga dans sa terre», a déclaré le député provincial Pablo Ngwej qui a en outre exprimé le dépit des dizaines de milliers de lushois. «Dommage que nous soyons obligés de rentrer bredouille. Je ne peux pas vous le cacher, on vient de nous dire qu’il doit rester à Kinshasa parce qu’on a besoin de lui là-bas parce qu’il y a encore de petits soucis à résoudre et ils doivent encore discuter. Nous, pensons qu’il s’agit d’une ruse et nous sommes profondément chagrinés et en colère. Nous sommes venus si nombreux accueillir notre leader, notre ami, notre frère et on nous dit à la dernière minute qu’il nous faut encore attendre quelques jours», a-t-il conclu en demandant à la foule de rentrer à la maison en ordre et dans le calme.
Selon des proches du président Tshisekedi, on craignait à la présidence de la République qu’un succès trop voyant du voyage dans son bastion de Lubumbashi de Joseph Kabila quelques heures seulement avant le message à la nation du chef de l’Etat ne contribue à éclipser cette prestation.
Dans son message à la nation dimanche 6 décembre après plusieurs jours de consultations, Félix Tshisekedi a clairement fait état de sa volonté de mettre un terme à la coalition FCC-CACH à laquelle il a dénié toute qualité de majorité parlementaire alors que ses partenaires du FCC l’accusaient d’avoir tenté de débaucher par la corruption plusieurs élus de cette famille politique. En vain car malgré le forcing des missi dominici de l’UDPS, 312 députés ont signé le même dimanche une pétition de soutien au FCC et au bureau de l’Assemblée nationale emmené par Jeanine Mabunda.
CL