Ses pamphlets au vitriol enflamment la twittosphère. Maniant le verbe avec une habileté ésotérique, Kitenge Yezu, le haut représentant du chef de l’État congolais est devenu la nouvelle coqueluche des réseaux sociaux qui tressent à tout vent des louanges au président Tshisekedi qu’un groupe d’internautes protègent contre quiconque ose émettre un son de cloche discordant. Du haut de ses 80 ans et de sa très longue expérience politique, beaucoup espéraient pourtant que le «haut représentant du président de la République» ajusté au rang protocolaire de vice-premier ministre serait l’incarnation du juste milieu dans l’univers politique clivant de la RDC. Ils doivent avoir rapidement déchanté au regard de la tournure délibérément paroissiale des postings du vieux briscard sur la toile qui en disent long sur sa part de responsabilité dans le raidissement du débat politique actuel.
Homme de la pensée unique
Haut dignitaire de la 2ème République de triste mémoire après des années passées en exil, Kitenge Yezu a fait ses classes d’homme politique dans les maquis anti-mobutistes avant d’adhérer au système dictatorial qu’il avait naguère combatu pour élever à la norme universelle les actions, les paroles, les faits et gestes de l’ex-roi du Zaïre Mobutu Sese Seko. On prête à ce grand architecte du mobutisme, proche de ‘‘carbure’’ Mandungu Bula Nyati la paternité de la constitution du défunt dictateur zaïrois en gourou d’une secte ésotérique connue sous l’appellation de prima curia. «Alors que le temps de la pensée unique est révolu, on dirait que le patriarche Yezu Kitenge voudrait faire rentrer Fatshi dans les habits de Mobutu», s’étrangle un intellectuel bon teint proche de l’UDPS qui voit la main du haut représentant du chef de l’Etat dans le rite de l’Eglise Catholique Africaine de l’abbé Pierre Mutanga, ce prêtre défroqué qui a défrayé la chronique à la tête d’une milice pro-Fatshi à Kingabwa dans les faubourgs de Kinshasa.
En effet, cet ancien prêtre catholique devenu directeur administratif de la maison civile du chef de l’État actuellement détenu à Makala est accusé d’avoir tenté de mettre en place une secte religieuse au sommet de laquelle devait trôner le président de la République Félix Antoine Tshisekedi en qualité de chef temporel et spirituel, dans le droit fil des traditions antiques pharaoniennes. C’est à ce prix, selon lui, que la RDC pouvait atteindre son apogée sous Fatshi grâce à une milice dénommée «gardiens de la paix» recrutée et entraînée pour les besoins de la cause. Une source proche du dossier estime qu’«il s’agit ni plus ni moins d’un recyclage de la prima curia mobutienne inspirée par Kitenge Yezu qui menaçait de faire sombrer le président Tshisekedi, à l’image de Mobutu dans les dernières années de son règne». Elle en veut pour preuve le fait que les saillies de l’octogénaire n’épargnent personne. «Souvenez-vous qu’il a inauguré sa carrière de haut représentant en prenant à partie les diplomates de l’Union Européenne qui rechignaient à adouber un président de la République mal élu à leur goût. Et depuis, il a écharpé toutes les forces vives de la nation, du cardinal Fridolin Ambongo au président de l’ECC Bokundoa, en passant par les mouvements citoyens Lucha et Filimbi, Lamuka et les alliés du FCC devenus depuis peu ses souffre-douleurs de prédilection», ajoute la source.
Tout se passe comme si dans l’esprit du haut représentant du chef de l’Etat, les Congolais doivent s’aligner de gré ou de force, doigt sur la couture du pantalon, sur une pensée unique ou s’attendre à subir les foudres qui peuvent être physiques ou spirituelles. Car en plus d’être un homme politique, Kitenge Yezu est précédé par une longue réputation de visionnaire dans certains milieux ésotériques congolais dans lesquels il passe pour le grand maître de la grande loge nationale du rite ancien et primitif de Memphis-Misraïm.
Arborant fièrement divers bijoux maçonniques sur ses costumes, Kitenge Yezu aime à se faire respecter et surtout à se faire craindre pour ses exploits dans l’occultisme. L’on se souviendra qu’il avait de sa main signé le 19 octobre 2018, au nom de tous les francs-maçons de la RDC dont on connaît pourtant la discrétion, une lettre de félicitations au Dr. Denis Mukwege nouvellement désigné prix Nobel de la paix, jetant ainsi en pâture le prestige du gynécologue congolais en insinuant qu’il n’avait reçu cette distinction que grâce à son affiliation à des réseaux maçonniques.
Violation de la constitution encouragée
L’homme qui répare les femmes à Panzi au Sud-Kivu, semble résisté à ces appels du pied du patriarche. Eleanor Roosevelt ne disait-elle pas que «les grands esprits parlent des idées, les esprits moyens parlent des événements et les petits esprits parlent des individus»? Pour un grand esprit, Mukwege semble en effet en être un comme on peut en juger par ses propos mesurés au sujet de la polémique politicienne au sujet de l’installation du bourgmestre de la commune rurale de Minembwe. Voguant à contre courant des idées reçues, le prix Nobel congolais a eu le courage de dénoncer tous les discours de haine et d’indexation de certaines communautés qui font des victimes notamment parmi les femmes violées qu’il soigne. C’est tout le contraire de Kitenge Yezu dont la prétendue érudition semble pivoter uniquement autour des individus: hier Mobutu, aujourd’hui Tshisekedi. L’homme des tweets apophantiques s’est invité dans le débat sur les violations récurrentes de la constitution en les justifiant le plus trivialement du monde par le fait que «le président de la République détient le bic bleu et rouge». Sans élaborer. Aucune résignation donc devant le cercle vicieux des tensions politiques et communautaires qui menacent de déstabiliser les jeunes institutions démocratiques acquises au prix le plus fort. Comme on peut le voir, de telles flagorneries matamoresques, vestiges d’un passé révolu, n’ont pas de limites et continuent à faire courir des risques sérieux à la jeune nation congolaise qui ne demande qu’à affermir son unité mise à rude épreuve au cours des 6 dernières décennies par des forces centrifuges maléfiques. Présenté comme «l’oeil et l’oreille du président de la République» en sa qualité de haut représentant, c’est-à-dire, précise-t-on à la présidence de la République, comme celui qui peut «traduire la pensée du chef en son absence et l’engager fidèlement auprès des tiers», Kitenge Yezu risque d’être le Raspoutine du 5ème président rd congolais.
JBD