Cédant à diverses pressions exercées aussi bien par des acteurs politiques et socio-communautaires de l’ex-Kivu que d’une opposition Lamuka trop heureuse de surfer sur le thème d’un complot de la balkanisation de la RDC, le président Félix Tshisekedi a annoncé depuis Goma où il séjournait l’annulation de la décision gouvernementale érigeant la localité de Minembwe en commune rurale où venaient d’être installés un bourgmestre et son adjoint. «Le bonheur du peuple est pour moi la loi suprême. C’est une décision qui a été prise lorsque j’étais absent du pays », s’est justifié le chef de l’Etat dans un commentaire aux allures de rétropédalage.
Depuis lors, certains chroniqueurs s’acharnent sur Me Azarias Ruberwa Maniwa, ministre d’Etat en charge de la Décentralisation et réformes institutionnelles, un rwandophone congolais (Munyamulenge) auquel ils attribuent l’initiative du projet controversé.
Une mise au point émanant des services du ministre Ruberwa parvenue à nos rédactions dénonce à ce sujet «des gens désireux de se refaire une santé politique (et qui) ont choisi de tirer fortuitement sur le ministre Ruberwa sur fond des manipulations de l’opinion».
Ruberwa à Minembwe: un voyage privé ?
Le cabinet Ruberwa confirme dans une note du 24 septembre 2020 que le ministre d’Etat en charge de la Décentralisation a bel et bien reçu 2 ordres de mission. «Le premier de ces documents officiels lui enjoignait de se rendre au Nord-Kivu pour procéder au nom du gouvernement à la réception définitive des ouvrages financés par le projet de Développement Urbain tandis que le deuxième lui ordonnait de se joindre à l’étape de Minembwe à la caravane gouvernementale de pacification conduite par le ministre Aimé Ngoy Mukena de la Défense nationale en vue d’y apporter en sa qualité de notable de cette entité un message de paix aux populations en proie à la guerre», peut-on y lire. La question qui se pose est de savoir si c’est Ruberwa qui a missionné son collègue de la Défense qu’accompagnait du reste le chef d’Etat-major général des FARDC dont on sait qu’il ne peut quitter son QG de Kinshasa sans l’aval du commandant suprême des FARDC qu’est … le chef de l’Etat. « Avec les règles strictes qui encadrent les déplacements des membres du gouvernement, on voit mal du reste comment le ministre d’Etat lui-même aurait pu prendre place à bord d’un aéronef à N’djili ou Goma vers Bukavu sans un ordre de mission en bonne et due forme devant la très pointilleuse DGM», fait remarquer notre source qui ajoute que «Ruberwa n’a pas fait le déplacement du Sud-Kivu pour investir les autorités de la nouvelle commune de Minembwe. La loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leur rapport avec l’Etat et les provinces dispose (article 56, 2°) qu’il revient au gouverneur de province d’investir le bourgmestre de cette entité et son adjoint. Le gouverneur Théo Ngwabidje du Sud-Kivu ayant accompagné le ministre de la Défense nationale, ne peut pas avoir quitté Bukavu sans instructions formelles préalables du vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur dont il relève pour tous les actes de cette portée. Affirmer que c’est Ruberwa qui a tout manigancé relève de la pure mauvaise foi».
Bouc émissaire
Dans un pays où l’intoxication est d’un usage tellement courant qu’elle a fini par acquérir un véritable statut d’attribut culturel, l’affirmation martelée par les uns et les autres que l’érection de la commune rurale de Minembwe et l’investiture à sa tête des autorités chargées de la gérer est un pas vers la balkanisation tant redoutée du Congo-Kinshasa explique la levée de boucliers autour de cet événement somme toute banal. Ainsi que nous le notions dans une de nos précédentes éditions (Le Maximum n° 765 du mardi 06 octobre 2020), les théories complotistes sur la balkanisation de la RDC ont repris du poil de la bête. Elles sont alimentées par la peur panique que suscite au sein de certaines communautés congolaise l’érection d’une nouvelle entité territoriale qui pourrait servir de ‘‘cheval de Troie’’ au démembrement du pays. Une hantise qui plane depuis les déclarations de l’ancien président rwandais Pasteur Bizimungu de procéder à la revisitation des limites de frontières héritées de la colonisation dans la deuxième moitié des années ‘1990.
La campagne de désinformation et de diabolisation qui cible Ruberwa dans les réseaux sociaux et autres médias se nourrit de cette obsession. Bien de ses détracteurs vont jusqu’à répondre eux-mêmes aux questions qu’ils posent quant à son implication ou non dans cette saga. Face à la décision du président de la République qui a choisi de désavouer son propre gouvernement, le ministre de la Décentralisation s’est gardé de répondre directement pour éviter la polémique. «Le ministre Ruberwa n’a accordé aucune interview à qui que ce soit depuis son retour des provinces du Nord et Sud-Kivu», signale son cabinet qui rappelle que « la décentralisation est tout sauf une invention de Me Ruberwa. On veut faire croire qu’il n’aurait d’yeux que pour le ministère de la Décentralisation pour soi-disant satisfaire de supposées visées séparatistes. On oublie que nul ne décide soi-même d’être ministre. On est nommé ministre sans nécessairement choisir dans quel ministère on sera affecté. En outre, ce n’est pas comme s’il détenait un quelconque record de longévité au ministère de la Décentralisation qu’il n’occupe que depuis décembre 2016. Après plusieurs autres compatriotes qu’on ne peut accuser d’avoir eu des agendas cachés comme l’insinuent ceux qui veulent faire croire à l’opinion que décentralisation et balkanisation seraient les deux faces d’une même médaille».
Notre excellent confrère Joachim Diana du périodique La Colombe intervenant sur les ondes de Télé 5O, a dit à ce sujet que «la simple interpellation par le député national Muhindo Nzangi du ministre de la Décentralisation ne signifie nullement que ce dernier soit coupable d’un acte répréhensible. Il faut arrêter avec cette distraction qui nous éloigne de l’essentiel». La cellule de communication du ministère de la Décentralisation invite pour sa part les internautes déchaînés à prendre leur mal en patience en attendant les explications que le ministre ne manquera pas de donner devant la représentation nationale. «Le plus important est de résoudre dans la sérénité et hors de toute spéculation oiseuse qui peut mener au chaos le problème du vivre ensemble en paix des communautés qui ont en partage le Kivu car les replis identitaires suscités par la théâtralisation de cette problématique ne profitent à personne», estime à bon escient Joachim Diana.
LE MAXIMUM