Joseph Kabila aura assurément glané quelques points sur le tableau de sa popularité au sein de l’opinion à la suite de la promulgation, le 31 décembre 2015, de la loi n°15/025 relative aux baux à loyer : 3 mois de garantie, pas plus ! Ça fait slogan dans la ville de Kinshasa. Mais, revers de la médaille, de l’avis des experts, la nouvelle loi a manqué de marquer le caractère libératoire du Franc congolais dans le payement du loyer.
L’article 21 de ladite loi stipule en effet que « le loyer est fixé librement par les parties. Il est payé en monnaie ayant cours légal en RDC…. ».
Tout se consomme, du Yuan au Shilling.
Il ne serait pas téméraire d’affirmer que toutes les monnaies du monde ont cours légal en RDC. Rand sud-africain, CFA, Kwanza angolais, le shilling ougandais qui a pratiquement supplanté le CdF en Ituri, le Franc rwandais, le dinar, le yuan chinois, le yen nippon, l’Euro … et naturellement le roi dollar. L’économie nationale en souffre. Ces deux dernières années, le gouvernement et la Banque centrale du Congo, BCC, se sont investis pour juguler la dollarisation de l’économie nationale. Sans grand succès, mais l’initiative a été saluée et soutenue par des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et la Société financière internationale, SFI.
Faisant l’économie de la loi inhérente à la nouvelle réglementation de change, le chargé des opérations à la BCC, Jean-Louis Kayembe, soutenait que «toutes les prestations se rapportant aux opérations ayant une incidence sur le vécu quotidien de la population r-dcongolaise doivent se faire exclusivement en Franc congolais».
Loyer résidentiel exclusivement en CdF.
Jean-Louis Kayembe avait notamment épinglé le paiement des loyers résidentiels. Le directeur des opérations à la BCC, avait même averti que les douaniers, la police, l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) et d’autres services devraient s’appliquer à faire respecter la nouvelle réglementation du change. Hélas, sur terrain, rien n’a changé depuis. A Kinshasa, du carburant au beignet, tout s’achète en dollar…notamment. Même dans les églises, l’offrande est exigée en dollar. Avis d’experts, les pouvoirs publics ne se sont pas assez investis en vue de promouvoir le pouvoir libératoire du franc congolais sur tout le territoire national, comme le stipule sans fioriture la constitution en son article 170. La monnaie, en l’occurrence, le CdF, est donc un des attributs de la souveraineté nationale et internationale du pays. En tout cas, la nouvelle loi sur les baux à loyer n’est guère de nature à faciliter les choses. Quelques semaines avant sa promulgation, un rapport de la Banque mondiale sur l’économie congolaise préconisait vivement la dédollarisation du système économique national si la RDC tient réellement à sa résilience.
Le dollar tue l’économie.
Pour la Banque mondiale, les dernières décisions prises par les autorités r-dcongolaises, pour dompter la dédollarisation de l’économie nationale, n’auront été que cautère sur jambe de bois. Et pourtant, poursuit l’étude de la Banque mondiale, la politique de dédollarisation a le mérite de donner à la RDC plus de latitude pour utiliser la politique monétaire dans la gestion macroéconomique et permettrait ainsi sa résilience. L’étude justifie cette affirmation par le fait que la dé- dollarisation a été une réponse spontanée à des politiques budgétaires erratiques et à l’hyperinflation. Elle relève les effets de cette dollarisation, notamment la perte des marges de manœuvre en termes de politique monétaire, la dépendance excessive à l’égard des réserves en devises étrangères pour maintenir la stabilité monétaire et bancaire. L’on sait que 75% des comptes bancaires en RDC sont libellés en dollar. Et, la disposition selon laquelle le paiement des loyers se fait en toute monnaie ayant cours légal en RDC pourrait, redoutent des experts, ruiner les efforts du gouvernement et de la BCC, dans la croisade contre la dollarisation de l’économie.
POLD LEVI MAWEJA