Le débat suscité au lendemain de la mise en place dans la magistrature en RDC est reparti de plus belle la semaine dernière avec la sortie médiatique de Me Théodore Ngoy, l’avocat des juges Kilomba et Ubulu ainsi que la prise de position de Martin Fayulu, leader de la coalition Lamuka qui est rentré au pays samedi après en avoir été bloqué à l’étranger du fait des restrictions des mouvements et fermeture des frontières dûes à la Covid-19.
Pour Fayulu, la procédure de nomination des nouveaux juges en remplacement de Kilomba et Ubulu est totalement biaisée et le président Tshisekedi a donc violé la constitution. Il réclame ainsi le retour à la procédure légale. Il l’a évoqué dans son adresse devant plusieurs milliers des militants de la coalition Lamuka, réunis au terrain Sainte Thérèse de Ndjili samedi 22 août 2020. Une prise de position qui intervient au moment où Théodore Ngoyi, avocat des deux juges appelle le parlement à «mettre le chef de l’Etat en accusation pour haute trahison». Fayulu a aussi dénoncé le choix de Ronsard Malonda par les confessions religieuses à la tête de la CENI. «C’est un choix qui ne passera jamais dans ce pays» a-t-il martelé, promettant de mobiliser les kinois pour un sit-in devant le palais du peuple afin de bloquer ce dossier au cas où l’Assemblée nationale s’obstinait dans cette logique. Le candidat malheureux à la présidentielle de 2018 a dit avoir lancé un fund raising parmi les membres de la diaspora congolaise pour la prise en charge des participants à ce sit-in. «Nous allons leur faire peur», a lancé plusieurs fois Fayulu devant une foule chauffée à blanc.
Le coordonnateur de la dynamique pour la vérité des urnes est revenu sur la nécessité pour la classe politique de se saisir de sa feuille de route relative à la sortie de la crise politique, laquelle consiste à le reconnaître comme le vrai vainqueur de l’élection de 2018 et à organiser un scrutin anticipé assorti de réformes bien avant 2023.
Bien avant sa prise de parole, Adolphe Muzito, coordonnateur en exercice de l’opposition Lamuka dont le mandat a largement expiré, avait pris la parole pour saluer la mobilisation des kinois à l’occasion de leur retour au pays. L’ancien 1er ministre de Kabila en a profité pour dresser un tableau sombre de la situation économique, sociale et sécuritaire de la RDC. «J’avais trouvé le budget de l’État à 800.000 USD. Avant de quitter la primature, je l’avais multiplié par 4, soit une augmentation de 300 %. Matata l’a remis à 30%. Tshisekedi est venu avec un budget de 11 milliards , avant de le réduire à 3 milliards , soit au niveau où je l’avais laissé. Voilà la réalité économique de notre pays (…)», a déclaré Muzito. Deux jours auparavant, l’avocat Theodore Ngoy s’en était pris au chef de l’État, Félix Tshisekedi. Textes juridiques à l’appui, il a affirmé que le chef de l’État avait “intentionnellement violé la constitution” en nommant de nouveaux juges à la Cour constitutionnelle en remplacement des juges Ubulu et Kilomba dont le mandat est toujours en cours de validité. Avocat conseil des deux juges nommés à la Cour de cassation, Ngoy estime comme ses clients que le mandat d’un juge constitutionnel ne prend pas fin par une décision du président de la République. Selon lui, une nomination intervenue en violation des textes légaux est «nulle et de nul effet». Selon M. Ngoy, il aurait fallu attendre le tirage au sort légalement prévu à la mi-avril 2021.
Théodore Ngoy a en outre critiqué le fait que le président ait remplacé deux juges d’un même groupe alors que même en 2021, un seul uniquement par groupe doit être remplacé. Il s’agit du groupe des juges à nommer à l’initiative du chef de l’État.
Il ajoute également que les juges nommés par le chef de l’État sont issus tous les deux d’une même région géographique, ce qui remet en cause les équilibres géopolitiques prévus par la loi. Par conséquent, il appelle le parlement à convoquer un congrès pour mettre en accusation le chef de l’État pour “haute trahison”.
On rappelle que les juges constitutionnels Kilomba et Ubulu ont refusé de quitter la Cour constitutionnelle avant la fin de leurs mandats au nom du principe de l’inamovibilité des magistrats du siège de cette haute juridiction.
Il a cependant estimé que si le président Tshisekedi rapportait ses ordonnances inconstitutionnelles, il n’y aurait plus nécessité d’envisager sa mise en accusation.
A.M