En RDC, le débat public est occulté depuis près d’une semaine par des sujets sensationnels à la limite du pathétique. La Covid-19 connaît un pic tragique à Kinshasa et dans 7 provinces du pays; l’Ituri fait face à un risque de génocide; Beni et Butembo (grand Nord-Kivu) sont l’objet d’incursions armées des terroristes ougandais ADF; Moliro (Tanganyika) est occupée par l’armée zambienne; l’ex-Katanga risque de sombrer à nouveau dans une guerre civile malthuséenne katangais-kasaïens mais ce qui défraye la chronique c’est l’hystérie autour de l’escroc Kadima Kabongo alias Kabila Tuaric qui tente de capter un héritage indû en embarrassant la famille de Mzee Laurent Désiré Kabila. Ou les frasques sexuelles de l’évêque d’une secte kinoise.
Certains Congolais se fourvoient dans des polémiques stériles et la désinformation autour d’histoires d’alcôve qui distraient leur attention des vraies priorités du moment. Pour un observateur averti, c’est une «stratégie de diversion», comme l’entendrait Noam Chomsky dans «Armes silencieuses pour guerres tranquilles» où dans le chapitre «Dix stratégies de manipulation», lorsqu’il souligne que «la distraction est un élément primordial du contrôle social. La stratégie de diversion (ou de distraction) consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes… garder le public occupé, sans aucun temps pour penser, de retour à la ferme, avec les autres animaux».
Les hommes d’influence et lobbyistes occultes internes et externes font intervenir à leur convenance des célébrités locales à cette fin avec la mission d’adopter des comportements ou de diffuser des idées qui sont amplifiées par la toile et les médias globaux. C’est le cas de Kadima Kabongo alias Ibrahim Kabila et de Pascal Mukuna qui, en échange de prébendes ou de simples promesses, jouent ce jeu fatal. Les lobbyistes jonglent de la sorte avec les aspirations légitimes des Congolais en leur fournissant des dérivatifs qui les en éloignent.
Dans la gestion de la res publica au Congo Kinshasa, on décèle ces pratiques et stratégies de sous-traitance politique dans la guerre que se livrent par médias interposés certains boutefeux de la coalition FCC-CACH dans les ‘‘affaires’’ Ibrahim Tuaric, alias «Kabila» et Pascal Mukuna.Il s’agit de :
– Petites ruses et menus stratagèmes, du type ‘‘prêcher le faux pour faire oublier le vrai’’, c’est-à-dire obtenir une première petite concession pour formuler une demande plus importante.
-Manœuvres de séduction: A feint la faiblesse, pour permettre à B de manifester sa force et sa compétence, et le flatte par de bruyantes manifestations de reconnaissance. A obtient ce qu’il veut de B. C’est la ruse du genre de celle que l’on voit dans la pièce de Labiche, «Le voyage de Monsieur Perrichon».
-Diffamation et médisance: A affaiblit la position de son rival B en répandant les pires horreurs pour qu’elles soient répétées et amplifiées. Les agitateurs comme Mukuna en sont une illustration.L’initiateur de sa campagne médiatique contre Joseph Kabila, président honoraire de la RDC est intervenu d’abord sur le contenu même de l’information qui parviendra à la cible de diverses manières :
-Falsification : faire parvenir une information fausse à la cible grâce à un agent double est emblématique de cette situation. C’est un stratagème très prisé en Chine, un art de guerre dans lequel s’activent les pourfendeurs de la coalition FCC-CACH.
-Scénarisation : créer des apparences trompeuses. Une escroquerie par des manœuvres frauduleuses qui excipent d’une qualité que l’on n’a pas. Comme un général qui allume le feu la nuit pour tromper l’ennemi sur la position et l’importance de ses troupes. On a vu à ce propos, sur les réseaux sociaux des photos du président Félix Tshisekedi aux côtés du fameux Ibrahim Tuaric alias ‘‘Kabila’’. Un trucage.
– Dissimulation : faire le silence ou susciter une conspiration du silence. Une stratégie de l’omerta propre à la maffia.
La RDC et l’illusion de l’insularité
Le Congo-Kinshasa n’est pas une île. Il est entouré de 9 voisins et est situé au cœur d’un continent de plus de cinquante pays. La mondialisation et la révolution numérique en ont fait un grand village. La guerre de prédation dont elle est victime est ‘’un morceau’’ de la guerre ‘’globale’’. C’est le sens de l’activisme des groupes armés en Ituri et Beni. Félix Tshisekedi y a commis les FARDC pour rétablir l’autorité de l’Etat. Il sera donc possible d’éviter un schéma de génocide comme au Rwanda en 1994.
Sur place, les FARDC ont rappelé qu’en temps de guerre, la communication sur les opérations est soumise à une stricte réglementation et que les médias sont tenus de respecter.
En effet, véhiculer la haine et la division entre Congolais ou promouvoir la soi-disant auto-défense, c’est faire le jeu de l’ennemi. Aujourd’hui, les ennemis et leurs complices des groupes comme Codeco, Tchini ya Kilima, Maï-maï et autres ne méritent aucun soutien de la population.
Du 1er mars au 15 mai 2020, 309 assaillants de Codeco ont été neutralisés par les FARDC qui ont perdu 63 vaillants combattants.
Qui a entendu la sénatrice Francine Muyumba demander aux autorités politiques congolaises de saisir les organisations sous-régionales et internationales au sujet de l’occupation par l’armée zambienne de certaines parties du territoire congolais? Pourquoi n’y a-t-il aucune marche de la société civile devant l’ambassade de Zambie ?
Pourtant, la jeune présidente de la commission des relations extérieures du Sénat a expliqué sans ambages qu’«en occupant la localité de Moliro, l’armée zambienne viole l’intégrité territoriale de la RDC. Notre pays doit saisir diplomatiquement les organisations sous-régionales, régionales et internationales pour dénoncer cela». Elle est jusque là un des rares acteurs politiques à encourager les FARDC à défendre l’intégrité du territoire congolais. Lors du conseil des ministres du vendredi dernier, le gouvernement a fait état de la persistance de l’occupation des localités congolaises dans les provinces de Tanganyika et du Haut-Katanga par l’armée zambienne. Certes, aucune option militaire n’est envisagée pour le moment mais le gouvernement congolais a assuré que l’armée était en alerte et que l’option diplomatique se poursuivait pour trouver une issue à cette situation.
« En territoire de Moba, l’armée zambienne poursuit l’occupation des localités de Kibanga et Kalubamba. Les FARDC sont en alerte. Cependant, il n’est pas envisagé une option de guerre. Les contacts diplomatiques forts déjà avancés sont privilégiés pour la résolution de ce différend, encore que nos troupes soient en alerte», a souligné le compte-rendu du conseil des ministres.
C’est sur ce genre de dossiers que l’opinion publique devrait amener les débats ainsi que sur les efforts pour mobiliser les moyens pour vaincre d’une part la Covid-19 et d’autre part, relancer l’économie nationale.
Alfred Mote
analyste politique