Soutenue notamment par le professeur marseillais Didier Raoult pour ses vertus contre la pandémie du Covid-19, la chloroquine défraie la chronique. La gravité des conséquences de la maladie chariée par ce virus contre lequel les médecins les plus réputés de la planète se sont heurtés en vain jusqu’ici oblige toutes les bonnes volontés à y accorder leur meilleure attention. La chloroquine n’est autre chose qu’un substitut de la bonne vieille quinine, elle-même extraite du quinquina, un arbre qui pousse en abondance à l’Est de la République Démocratique du Congo, particulièrement sur les terres escarpées du Sud-Kivu où l’on en trouve aujourd’hui quelques vastes plantations.
Pour la petite histoire, le quinquina, arbre issu de l’Amérique centrale et des Andes et cultivé pour son écorce riche en quinine, a été importé au Congo-Kinshasa à partir de l’Indonésie, peu avant la deuxième guerre mondiale, plus exactement vers 1938. C’est à un certain Ernest Stoffels, agronome belge attaché à l’administration coloniale et affecté à la tête de la Station de recherches agronomiques du Congo-Belge de Mulungu-Tshibinda, l’actuelle station Inéra Mulungu, que l’on doit l’introduction de cette variété d’arbres dans le pays après qu’il eut transmis à sa hiérarchie les conclusions de ses observations selon lesquelles la culture de cette plante au Kivu était particulièrement prometteuse du fait de la présence dans cette partie de la colonie des terres volcaniques et d’un climat tempéré qui leur était exceptionnellement favorables.
Au moment où de la Chine au Sénégal, en passant par la France se révèle de plus en plus l’éventualité de voir la Chloroquine associée à quelques autres molécules constituer la seule réponse efficace à la terrible pandémie du Coronavirus qui tient en haleine tous les pays de la planète depuis quelques mois, la RDC est ainsi en passe de se retrouver à nouveau au cœur des enjeux mondiaux. Une fois de plus.
En effet, à maintes reprises dans le passé, lorsque la communauté internationale a exprimé une demande pressante pour résoudre un problème jugé fondamentalement lié à son progrès ou au rétablissement des équilibres existentiels qui en constituent le soubassement, l’actuel Congo-Kinshasa et ses gigantesques réserves de ressources naturelles a été d’une certaine manière le dernier recours. On peut rappeler à ce sujet la révolution industrielle que fut l’automobile entre 1885 et 1908 qui n’aurait pu être menée à bonne fin sans une fourniture massive de caoutchouc (latex) extrait de l’hévéa, un arbre qui pousse abondamment dans la cuvette centrale de l’immense forêt équatoriale, et qui a servi essentiellement dans la fabrication des pneus. Pour en obtenir en quantité suffisante pour une industrie toujours en manque, le roi Léopold II n’hésita pas à instaurer un système de travaux forcés avec à la clé les châtiments corporels les plus cruels (extermination des réfractaires, amputation des mains des « paresseux », destruction de villages pour dissuader toute velléités de résistance de la part des populations autochtones etc.).
Par la suite, les mines du Congo fournirent le cuivre et d’autres minerais associés dont les différents Etats engagés dans la course aux armements avaient un grand besoin lors de la forte expansion industrielle et militaire qui avait précédé la première guerre mondiale, plus spécifiquement dans la production des munitions dont les belligérants usèrent d’énormes quantités.
Lors de la deuxième guerre mondiale, les alliés occidentaux en difficulté particulièrement après le bombardement de la base américaine de Pearl Harbour par l’aviation impériale japonaise ne parvinrent à mettre à genoux les puissances de l’Axe qu’en détruisant pratiquement les villes de Hiroshima et Nagasaki par le largage de l’arme atomique fabriquée avec l’uranium de la mine de Shinkolobwe (Katanga, RDC).
Le fait qu’à ce jour, plus six décennies après l’indépendance, aucun congolais ne soit en mesure de connaître ce qu’a gagné ce pays et ses habitants en échange d’une contribution aussi significative et substantielle à la victoire des alliés ne doit pas être regardé comme une simple banalité.
A l’heure où l’industrie automobile amorce une transformation technologique avec les voitures électriques non polluantes dont les batteries sont fabriquées avec le cobalt, il s’avère que le pays de Lumumba en détient les premières réserves mondiales. Il en est de même avec la colombo-tantalite (coltan) et la cassitérite congolaises dans le grand bond en avant des nouvelles technologies de l’information et de la communication (smartphones) dont le monde ne peut en aucune manière faire l’économie et dont on sait que l’exploitation illégale par des industriels peu scrupuleux et leurs relais en Afrique est à la base de la bien nommée « première guerre mondiale africaine du Congo » qui a fauché et continue de faucher tant de vies parmi d’innocents Congolais.
Last but not least, c’est autour du quinquina du Kivu d’être appelé à la rescousse d’une humanité en bute à la méga-crise occasionnée par la pandémie du Covid-19. Le Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo, a connu un destin particulièrement tragique au cours de ces dernières années. De nombreux Congolais y ont perdu la vie suite aux guerres d’agression et d’autres conflits locaux de moyenne ou de faible intensité qui déchirent à intervalles réguliers cette partie du pays. Mais grâce à ses grandes plantations de quinquina, le Kivu a contribué à sauver des millions de Congolais atteint de paludisme, cette maladie tropicale parasitaire due au plasmodium et transmise par les moustiques anophèles.
L’organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pas attendu la pandémie du Covid-19 pour classer la plante antipaludéenne quinquina d’où est extraite la quinine sur la liste des médicaments essentiels. Le gouvernement de la République Démocratique du Congo et toutes ses technostructures, notamment le secrétariat exécutif de la riposte au Covid-19 devraient, toutes affaires cessantes envisager une synergie opérationnelle (attribution de subsides ou, le cas échéant, nationalisation temporaire) de l’entreprise Pharmakina qui exploite à ce jour la plus grande partie des plantations de quinquina au Sud-Kivu. En effet Pharmakina dispose à elle seule de plus de 4.000 hectares de cette plante et exploite plus ou moins laborieusement l’un des rares laboratoires pharmaceutiques de la République Démocratique du Congo qui est installé à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu.
Il s’agit en effet d’une question de haute sécurité nationale en matière sanitaire qui peut permettre au leadership national de prendre, si nécessaire, des mesures exceptionnelles dictées par la situation exceptionnelle créée par cette pandémie dont personne n’a été en mesure de prévoir l’occurrence et que nul ne peut savoir jusqu’où s’étendront ses effets sur la santé et le bien-être socio-économique des Congolaises et des Congolais.
Le Maximum