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J’avais déjà alerté
J’avais déjà alerté Fatshi en mars 2019 sur le flou entretenu par VK sur les travaux des 100 jours.
Dès le 27 mars 2019 j’avais écrit au chef de l’Etat pour l’alerter sur la grande prévarication que préparait à vue d’œil son directeur de cabinet Vital Kamerhe autour des marchés relatifs au programme des 100 jours. Voici une copie de ma correspondance à cet effet.
Me EMEDI USENI AHMED
Covid-19 : On a vu pire !
Pour André Comte-Sponville, «à côté de toutes les catastrophes possibles, l’épidémie de Covid-19 reste un problème surmontable!». François Bouchon/Figarophoto.
Ce qui étonne le philosophe André Comte-Sponville depuis quelques semaines, ce n’est pas la gravité intrinsèque du Covid-19, c’est l’affolement médiatique qui l’accompagne. La prudence, le courage, la générosité, la compassion, la miséricorde, la gratitude, l’humilité… Dans son Petit traité des grandes vertus (PUF, 1995), André Comte-Sponville passait en revue un certain nombre « d’actions bonnes » qui, en ces temps troublés, retrouvent une nouvelle vigueur…
«Je suis confiné à Paris, avec ma compagne. Nous nous félicitons tous les jours d’être deux et en bonne santé ! Pour ce qui me concerne, puisque vous me posez la question, je suis serein. D’abord parce que plus je vieillis, moins j’ai peur de la mort – cela me paraît normal : il est moins triste de mourir à 68 ans qu’à 20 ou 30. Ensuite parce que cette maladie est bénigne dans 80 % des cas et mortelle seulement dans 1 ou 2 % – peut-être 5 ou 6 % pour les gens de mon âge. Le plus probable, de très loin, même si le virus finit par m’atteindre, est que j’en réchappe ! Et si ce n’est pas le cas, bah, il faut bien mourir de quelque chose et j’aime mieux mourir du Covid-19 qu’être Alzheimer ou grabataire pendant des années, comme j’en ai tant vu autour de moi… Enfin, je suis surtout serein parce que mes trois enfants, qui sont de jeunes adultes, sont moins exposés que moi aux complications. Pour un père de famille, c’est le plus important !»
L’ampleur et la gravité de la crise vous ont-elles surpris ?
«Sa gravité réelle, non, pas vraiment. Un infectiologue m’avait dit, il y a une vingtaine d’années, que la guerre multimillénaire entre les microbes et l’humanité, ce seraient les microbes qui allaient la gagner : ils ont pour eux le nombre, le temps, l’adaptabilité, des mutations innombrables et très rapides… Je ne sais s’il avait raison, mais cela me donna à réfléchir et me prépara peut-être à ce que nous vivons aujourd’hui.
J’ai toujours pensé que l’humanité disparaîtrait un jour, que ce soit par un virus, une bactérie, un astéroïde, une guerre nucléaire ou le réchauffement climatique. A côté de toutes ces catastrophes possibles, l’épidémie de Covid-19 reste un problème surmontable ! On parle de plusieurs millions de morts en Europe, ce qui serait évidemment catastrophique. C’est ce que le confinement vise à empêcher – et empêchera en effet si nous le respectons strictement. Mais enfin, l’humanité a vu bien pire !
Rappelons que la peste noire, au XIV e siècle, a tué près de la moitié de la population européenne de l’époque, soit environ 25 millions de personnes. Et que la malnutrition, de nos jours, tue 9 millions de personnes par an, dont 3 millions d’enfants. Pourquoi parle-t-on tellement des 10.000 morts en Italie, des 3.000 morts en France, des 500 morts en Belgique et si peu de ces 9 millions ? En partie parce que le Covid-19 est une maladie nouvelle et qu’on s’effraie davantage de ce qu’on ne connaît pas. En partie aussi, même si c’est moralement sans pertinence, parce que la malnutrition tue surtout dans d’autres pays que les nôtres… Je sais bien que cette pandémie, parce qu’elle est mondiale et resserrée dans le temps, a quelque chose de plus spectaculaire. Mais enfin, il meurt 600.000 personnes par an en France, dont 150.000 par cancer. En quoi les décès résultant du Covid-19 sont-ils plus importants que les 600.000 autres ?»
Vous voulez dire que le Covid-19 n’est pas si grave ?
«Une maladie qui peut tuer des millions de gens, c’est évidemment très grave. Mais faut-il pour autant ne plus parler que de ça ? Voyez nos journaux télévisés. La guerre en Syrie ? Plus de nouvelles ! Les migrants ? Disparus des écrans ! Le réchauffement climatique ? Oublié ! Oui, le coronavirus, c’est très grave. Mais le réchauffement climatique l’est à mon avis beaucoup plus. Attention de ne pas tomber dans la démesure ! Un journaliste m’a demandé hier si le Covid-19, c’était la fin du monde… Vous vous rendez compte ? Un taux de létalité de 1 ou 2 % – sans doute moins si on tient compte des cas non détectés – et les gens vous parlent de fin du monde ! Ce qui m’étonne, pour résumer, ce n’est pas la gravité intrinsèque du Covid-19, c’est l’espèce d’affolement médiatique qui l’accompagne, comme si les journalistes réalisaient soudain que nous sommes mortels. Quel scoop !
Que nous disent là-dessus les philosophes ?
«Que la mort fait partie de la vie. Montaigne l’a dit magnifiquement : « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant. » La plupart veulent l’oublier, constate-t-il : « Ils vont, ils viennent, ils trottent, ils dansent : de mort, nulles nouvelles. Tout cela est beau. Mais aussi, quand elle arrive ou à eux ou à leurs femmes, enfants et amis, les surprenant soudain et à découvert, quels tourments, quels cris, quelle rage et quel désespoir les accablent ! Vîtes-vous jamais rien si rabaissé, si changé, si confus ? » «
Nous en sommes là. Si nous pensions plus souvent à la mort, nous aimerions davantage la vie, nous vivrions plus intensément et serions moins affolés par cette pandémie. Le sens du tragique est un antidote contre la peur. Bref, j’ai deux nouvelles à annoncer à vos lecteurs, une bonne et une mauvaise. La mauvaise, c’est que nous allons tous mourir. La bonne, c’est que l’énorme majorité d’entre nous mourra d’autre chose que du Covid-19 !
On a longtemps communié dans un ensemble de valeurs communes, morales et religieuses. C’est moins le cas désormais. Pourtant, aujourd’hui, on a le sentiment que des communautés se ressoudent autour de vertus comme la générosité, la compassion, la gratitude ou l’humilité. Il fallait être plongé dans le désarroi pour en redécouvrir l’importance ?
C’est toujours face au mal qu’on ressent l’urgence du bien. Pas étonnant que ces vertus retrouvent une espèce d’actualité ! Cela dit, n’exagérons pas, comme si, là encore, le coronavirus avait tout changé. Ces valeurs n’ont jamais été tout à fait oubliées. Voyez la gloire de l’abbé Pierre ou le succès, depuis 20 ans, des Restos du cœur… D’ailleurs, si mon Petit traité des grandes vertus a eu tellement de succès, il y a un quart de siècle, c’est que les gens sentaient bien que ces valeurs ne dépendent pas de l’époque. Cela fait plus de 2.000 ans qu’elles nous éclairent, épidémie ou pas !
Dans ce Petit traité, vous expliquez que la compassion n’est pas la pitié car elle s’exerce horizontalement, entre égaux, et non de haut en bas. Devant le virus, nous sommes égaux, c’est-à-dire tous vulnérables… et mortels. C’est ce qui explique les élans de compassion que nous vivons ?
La compassion ne commence pas avec le coronavirus ! Souvenez-vous de la photo de ce petit garçon de trois ans trouvé mort sur une plage, et de l’émotion qu’elle suscita dans le monde entier ! Pourquoi aurions-nous davantage de compassion pour les morts du Covid-19 que pour les migrants qui meurent noyés en Méditerranée, ou même que pour nos compatriotes qui meurent de cancer, qui sont (pour l’instant) beaucoup plus nombreux que les victimes du coronavirus ?
Un autre de vos ouvrages s’intitule Le capitalisme est-il moral ? Je vous pose la question… Et s’il ne l’est pas, ou pas assez, faudra-t-il le « moraliser », à l’aune de ce que nous vivons aujourd’hui ?
Il ne l’est pas – il est amoral. C’est pourquoi il faut en effet le moraliser, non pas en le rendant intrinsèquement vertueux, ce qui est impossible, mais en lui fixant de l’extérieur – par la loi – un certain nombre de limites non marchandes et non marchandables. On le fait depuis au moins 150 ans : voyez les libertés syndicales, le droit du travail, les congés payés, la retraite, la Sécurité sociale… Il faut bien sûr continuer et tant mieux si le Covid-19 nous le rappelle. Mais ne comptez pas sur la compassion pour créer de la richesse, ni donc pour tenir lieu d’économie. En l’occurrence, il m’arrive de craindre que la crise économique, liée à cette pandémie, ne fasse, spécialement dans les pays les plus pauvres, plus de morts que le coronavirus… Même dans nos pays riches, la situation est inquiétante. Tout le monde veut augmenter le budget de la santé. Mais comment, si l’économie s’effondre ?
WILLIAM BOURTON