L’annonce le week-end par le patron de la riposte contre le Covid-19 des essais cliniques d’un vaccin contre la pandémie en RDC a été perçue dans l’opinion comme une forfaiture de sa part. Le tollé est tel que le virologue congolais de renom est revenu sur sa déclaration pour rassurer cette fois que lesdits tests ne se feraient pas avant d’avoir été effectués aux États-Unis ou en Chine. Mais ils doivent être validés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Alors que dans un premier temps, le professeur Muyembe avait mentionné un ami au Canada, il a par la suite, indiqué que les Etats-Unis et la Chine étaient déjà passés à l’expérimentation du nouveau vaccin contre le Covid-19 sur des êtres humains pendant que 51 autres de ces substances n’en sont encore qu’à la phase de test sur les animaux.
La réalité est qu’avant la validation et la commercialisation du nouveau vaccin contre le Covid-19, il faudra attendre les résultats des trois vaccins en cours d’expérimentation qui n’en sont qu’aux phases 1 et 2 de test. Le temps d’affiner les dosages et être fixé sur les principaux effets secondaires. Ces essais se font généralement sur quelques dizaines ou centaines de personnes.
Tant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’aura pas validé ces premiers résultats, il n’y aura pas de phase 3, c’est-à-dire de test à plus grande échelle pour confirmer l’efficacité de ces vaccins. Ce n’est qu’à cette phase que les laboratoires ou consortiums internationaux pourront présenter conjointement, avec un institut de recherche national comme l’Institut national de recherche biomédicale (INRB) en RDC, un protocole d’essai clinique devant de toute façon être approuvé par les autorités nationales. Il y a plusieurs étapes de validation, comme l’obligation faite d’obtenir l’accord du comité d’éthique national.
Même alors, l’approche en RDC reste controversée. La société civile dénonce l’absence d’un consentement ‘’éclairé’’ des populations, faute de débats publics sur ces questions. Pour Chris Shematsi, membre du mouvement citoyen Compte à Rebours, qui s’est adressé au Dr Jean-Jacques Muyembe, il faut avant tout donner des informations précises au public. Il rappelle ainsi les principales règles d’éthique applicables à la recherche médicale : « Il est extrêmement difficile de réussir des essais cliniques dans un contexte d’opacité, surtout dans un contexte où les populations qui sont in fine bénéficiaires de ces essais cliniques n’ont aucune maîtrise des termes du débat. C’est ainsi que nous avons adressé une correspondance au professeur Muyembe en insistant sur la notion de consentement éclairé, explique-t-il. »
« À ce titre, ajoute-t-il, nous avons posé quelques questions. Premièrement, nous avons voulu nous enquérir de l’état de la procédure liée à la candidature de la République démocratique du Congo telle qu’évoquée par le professeur Muyembe lui-même. Nous avons voulu savoir si c’est le professeur qui a, de son propre chef, candidaté pour le compte de la République ou si c’est l’État qui a candidaté pour le compte de la République via ses organes compétents. L’exigence de transparence à ce niveau est un impératif. Deuxièmement, nous avons voulu identifier l’interlocuteur de la République démocratique du Congo dans le cadre de cette démarche. S’agit-il d’un laboratoire pharmaceutique basé au Canada, aux États-Unis ou en Chine ? Pourquoi faisons-nous partie des pays-pilotes ? Quel est notre gain en tant qu’État ? C’est une question que l’on doit se poser aussi, le fait de mettre ces informations à la disposition du public va renforcer les liens de confiance entre les autorités de la riposte et les populations ».
Depuis le début de l’épidémie déclarée le 10 mars 2020, la RDC a fait état de 154 cas confirmés et 18 décès. Trois personnes sont guéries.