Lors de son discours sur l’état de la nation en décembre dernier devant les deux chambres parlementaires réunies en Congrès, le président de la République Félix Antoine Tshisekedi a cité parmi les personnes dont il admirait le leadership exemplaire la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Jeanine Mabunda Lioko de même que son collègue du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba et le 1er ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, tous éminents membres du Front Commun pour le Congo (FCC). Un passage de l’allocution présidentielle qui a été frénétiquement applaudi aussi bien par les parlementaires que le public venu assister à ce premier exercice parlementaire annuel du chef de l’Etat près de un an après la passation pacifique et civilisée du pouvoir entre Joseph Kabila et lui. Mais quelques jours seulement après ces propos teintés d’un optimisme rassurant pour la nation, le chef de l’Etat, en visite à Londres (Grande Bretagne) a, asséné une douche froide à beaucoup de ses compatriotes en se rétractant pour lancer devant quelques centaines de « combattants » de la diaspora un véritable tir à boulets rouges avec des menaces à peine voilées de dissolution de la chambre basse du parlement, dépositaire du pouvoir législatif au motif que certains de ses ministres l’empêcheraient de réaliser son programme en faveur du peuple. Le moment de stupeur passé, Madame Mabunda, répondant à une question d’un journaliste a rappelé le prescrit de la constitution congolaise à ce sujet en stigmatisant les interprétations polémiques auxquelles allait donner lieu cette sortie présidentielle. Ce véritable duel au corps à corps entre les deux plus hautes autorités de l’Etat s’est aussitôt répandu dans leurs plateformes respectives, le CACH du président de la République et le FCC auquel la ‘’speaker’’ de l’Assemblée nationale appartient. Dieudonné Mushagalusa le déplore vivement car à son avis, « c’est une querelle de clocher qui ne profite ni à la République ni aux intéressés eux-mêmes car elle donne une image d’autant plus bizarre de nos institutions qu’elle intervient quelques jours seulement après l’appréciation très positive du travail de Madame Jeanine Mabunda à la tête de l’Assemblée nationale par le chef de l’État, une appréciation qui avait fortement impressionné par son élégance et son fair-play la nation et la communauté internationale », fait-il observer avant de se demander pourquoi cette soudaine détérioration des relations entre les deux composantes de la majorité parlementaire. « Comment peut on expliquer cette brusque ambiance de crise alors qu’avant d’aller en vacances, les députés nationaux avaient massivement voté tous les projets déposés par le gouvernement et qui sont porteurs de la vision politique du président de la République ? », s’est-il écrié. Spécialiste des questions électorales Mushagalusa émet de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir du pays. « Si d’aventure le président procédait à la dissolution de l’Assemblée nationale que vont devenir les 500 élus qui y siègent. Comment le gouvernement va-t-il gérer chacun d’entre eux pour éviter des tensions et les manifestations de mécontentement dans lesquelles la plupart d’entre eux ne manqueront pas de se lancer ? Va-t-on les arrêter tous ? Ceux qui conseillent le président de la République ont-ils bien pris la mesure des conséquences qui pourraient s’ensuivre pour la sécurité et la paix publique ? Ou s’agit-il pour eux seulement d’organiser une mise en scène pour déstabiliser encore une fois ce pays, et permettre à des groupes occultes de manipuler les uns et les autres au profit de leurs intérêts inavoués ? », a-t-il déclaré en rappelant que le pouvoir dont dispose aujourd’hui Félix Tshisekedi a été acquis dans les conditions démocratiques telles que l’avait souhaité son défunt père d’heureuse mémoire, Étienne Tshisekedi wa Mulumba, fondateur de l’UDPS. Et que toutes les pressions, d’où qu’elles viennent, pour des schémas anticonstitutionnels vont dans le sens contraire aux enseignements de ce grand homme d’Etat qui, de son vivant, n’a jamais cessé de promouvoir la culture des textes. « Rien ne saurait justifier les relents de mépris des normes constitutionnelles et de violence dans le langage des acteurs politiques même lorsqu’ils sont face à des ‘’bases’’ survoltées. Aussi bien le président de la République que la présidente de l’Assemblée nationale doivent prendre conscience à quel point leurs propos doivent être pesés et soupesés car au regard du prestige et de l’autorité des fonctions qu’ils exercent, ces propos peuvent enflammer le pays même sans qu’ils l’aient souhaité », conseille le Coordonnateur du Panel des experts de la société civile. « Le président Joseph Kabila a, de bonne foi, passé le flambeau de la République à son successeur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo dans des conditions qui forcent l’admiration de l’Afrique et du monde entier (sauf ceux qui s’engraissaient sur nos conflits récurrents et qui se tiennent toujours en embuscade). Il ne faudrait pas que ce dernier qui a ainsi hérité du pouvoir suprême le lui fasse regretter, surtout qu’à suivre certaines réminiscences historiques, il n’est pas sûr de tirer les bénéfices escomptés de la rupture brutale vers laquelle quelques têtes brûlées semblent le pousser maintenant ». Et d’indiquer qu’en son temps, la crise de 1960 provoquée entre le leader de la majorité Patrice Emery Lumumba et le président Joseph Kasa-Vubu, minoritaire au parlement, s’était conclue par l’assassinat de Lumumba et la « pembenisation » de Kasa Vubu au profit d’un troisième larron, Joseph Désiré Mobutu, que personne n’avait vu venir et qui imposa sa férule sur notre peuple pendant plus de 32 ans. Mushagalusha convoque aussi d’autres exemples hors du Congo comme dans le Rwanda post-génocide où le président Pasteur Bizimungu, désigné en qualité de représentant de la majorité Hutu avait été amené par des esprits malins à surfer sur le soutien du FPR au pouvoir pour gérer avec arrogance et suffisance la période post alternance, en refusant toute réconciliation nationale. Il fut renversé par son vice-président et ministre de la Défense, le général Paul Kagame de la minorité Tutsi qui s’est installé au pouvoir jusqu’aujourd’hui. Au Congo Brazzaville voisin de la RDC, le professeur Pascal Lissouba, très confortablement élu à la présidence après un accord avec le ‘’minoritaire’’ sortant Denis Sassou Nguesso, rompit immédiatement après avec ce dernier à l’instigation de quelques milieux d’affaires étrangers avant de s’en prendre avec virulence à tout ceux qui étaient soupçonnés proches de Sassou, installant cet eldorado pétrolier dans une guerre de milices qui se termina à l’avantage du ‘’minoritaire’’ qui a repris le pouvoir jusqu’à nos jours. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il cite l’exemple égyptien où le défunt président Mohamed Morsi, ivre de l’appui populaire des Frères Musulmans qui lui avaient permis de défenestrer Hosni Moubarak géra aussi de manière maladroite et brutale l’après alternance après avoir été confortablement élu. Cela provoqua le courroux de la puissante armée égyptienne qui mit fin à son règne au profit du Maréchal Al Sissi qui sera à son tour triomphalement élu avant de libérer Hosni Moubarak, humilié par Morsi. « Dans un pays très complexe comme la RDC, le tenant du pouvoir, quel qu’il soit n’a pas intérêt à aller en guerre contre leurs anciens adversaires, surtout lorsque ceux-ci lui offrent de collaborer avec lui .Travaillons pour la stabilité des institutions de la République Démocratique du Congo et conservons les acquis de l’alternance pour une démocratie durable et stable dans la sous-région et le continent » conclut Mushagalusha.
T.K