Officier supérieur FARDC déployé au Kivu pour participer à l’offensive contre les forces négatives opérant dans cette partie de la République, le colonel Michel Rukunda alias «Makanika» a fait défection début Janvier au Sud-Kivu. L’information, reprise par les médias et des enquêteurs du groupe «Kivu Security», un projet conjoint du Groupe d’études sur le Congo (GEC) de l’Université de New York et de l’ONG humanitaire internationale Human Rights Watch (HRW), a été confirmée à nos rédactions par une source militaire. Le colonel Rukunda exerçait au moment de sa désertion, les fonctions de commandant second en charge des opérations et des renseignements dans la nouvelle base militaire de Walikale au Nord-Kivu. Il a rejoint les hauts plateaux d’Uvira et de Fizi. « C’est une habitude chez cet officier car avant son intégration au sein des Forces armées de la RDC en 2011 dans le cadre des efforts de pacification du président Joseph Kabila Kabange, il avait été un des commandants du groupe armé dénommé Forces Républicaines Fédéralistes (FRF), branche militaire d’un lgroupe communautaire Banyamulenge. Il est annoncé qu’il était pressenti pour prendre le commandement d’un nouveau groupe armé créé par cette communauté groupe armé baptisé Ngumino dont un des leaders du nom de Semahurungure a été tué en septembre 2019 lors d’affrontements avec des éléments maï–maï à Minembwe dans le territoire de Fizi», a déclaré une source proche de l’état-major général des FARDC qui a requis l’anonymat.
Motivations tribales
Cette défection d’un officier supérieur des FARDC s’explique, selon un expert militaire par la campagne de diabolisation de la vigoureuse offensive lancée par l’armée gouvernementale pour éradiquer les groupes armés à Minembwe depuis plusieurs mois. On explique que certains leaders locaux et membres des communautés ayant en partage les provinces du Kivu ont délibérément appelé des officiers de l’armée ressortissants de leurs communautés respectives à rejoindre les groupes de miliciens qui se sont constitués ci et là avec l’objectif déclaré chacun de défendre la cause de sa communauté. « Les FARDC ont été systématiquement traînés dans la boue. Le but était de les démoraliser et les dissuader de poursuivre leur offensive afin de donner de la substance aux campagnes tendant à faire croire qu’elles ne font rien. On tente ainsi de perpétuer le règne des groupes de miliciens relevant des communautés locales dont certains notables n’ont pas trouvé mieux pour se forger une popularité et s’assurer subséquemment des revenus », explique notre interlocuteur. Pour un conseiller du ministère de la Défense Nationale, l’attitude du colonel Rukunda rappelle à maints égards celle du colonel kasaïen John Tshibangu, qui, alors qu’il assumait les fonctions de chef d’état-major de la région militaire du Kasaï central, s’était mutiné il y a quelques années pour, s’était-il justifié, exiger le départ du pouvoir du président de la République Joseph Kabila au profit de feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba, un leader politique d’origine kasaïenne qui venait de contester, en vain, la victoire de Kabila dont il avait été le challenger. « Il est indispensable que le haut commandement militaire se montre intraitable face à de tels cas, que les autorités congolaises auraient tort de banaliser en ne sachant pas résister à la tentation de les politiser par leur complaisance au risque d’inoculer dans les FARDC le venin de l’indiscipline, du communautarisme et du putschisme », estime cette source pour qui, « même si la désertion du colonel Rukunda ne compromettra pas l’efficacité de l’offensive des FARDC au Sud-Kivu contre tous les groupes armés irréguliers, qu’ils soient étrangers ou nationaux, il importe que les instances judiciaires militaires congolaises fassent preuve d’une grande fermeté à son égard si elles veulent préserver le Congo-Kinshasa d’un véritable délitement des forces gouvernementales sur lesquelles reposent la sécurité et la stabilité du pays ».
Bonnet blanc et blanc bonnet
Il estime à ce sujet que ceux qui plaident en faveur d’une attitude complaisante de la justice militaire poussée à abandonner carrément les poursuites pénales initiées à l’encontre du colonel mutin John Tshibangu en invoquant l’argument selon lequel son acte aurait eu des motivations « légitimes » (sic !) sont « des véritables apprentis-sorciers ». Il met en garde, dans cette éventualité, contre la chienlit qui menacerait à brève échéance les FARDC qui redeviendrait « une armée avec une culture politicienne d’indiscipline et d’incessantes mutineries. Rien ne justifierait d’abandonner les poursuites contre le colonel John Tshibangu qui s’est mutiné par solidarité avec un frère tribal et de sanctionner le colonel Rukunda qui n’a pas fait autre chose lorsqu’il sera arrêté, ce qui ne saurait tarder ». Rappelons qu’après deux ans de détention préventive à la prison militaire de Ndolo, Tshibangu a fait l’objet d’une mesure de mise en résidence surveillée au Centre d’accueil catholique Nganda de Kinshasa suite à des problèmes de santé. Une mesure qui semble satisfaire ses avocats qui plaidaient pour une relaxe pure et simple en comptant sur l’avènement à la tête de l’Etat de Félix Tshisekedi, fils d’Etienne Tshisekedi dont il avait déclaré appuyer la revendication de la victoire à l’élection présidentielle de 2011 par sa rébellion. Mais la Haute Cour militaire, tout en jugeant son état de santé suffisamment sérieux pour justifier sa mise en résidence surveillée, a estimé que les faits lui reprochés étaient trop graves pour une relaxe pure et simple. « Nous devons mener la procédure jusqu’au bout, quitte à l’autorité politique (ministre de la Justice ou chef de l’Etat ndlr) de s’assumer en lui faisant bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle ou d’une grâce présidentielle », a déclaré un magistrat.
B.E.