Ces derniers temps, « Les mots de l’actualité » (pour emprunter l’intitulé d’une émission Rfi) mettent en exergue le terme « balkanisation ». On en parle de plus en plus dans tous les médias, les réseaux sociaux et dans les communications des leaders politiques, sociaux et économiques. Normal : le séjour récent du cardinal Fridolin Ambongo à Beni et Butembo y est pour beaucoup, le prélat ayant mis en garde contre cette perspective angoissante. Pourtant, la menace plane sur le Congo depuis 59 ans. Dans l’un de ses discours, PatriceEmery Lumumba accusait ouvertement la puissance coloniale de vouloir « balkaniser le Congo », allusion faite aux sécessions katangaise et sud-kasaïenne survenues en juillet et août 1960. Depuis, cette menace plane toujours sur le Congo. C’est surtout en 1996 De la balkanisation qu’elle s’est précisée. Peu avant la guerre de l’AFDL qui a mis fin au régime dictatorial du Maréchal Mobutu, la presse kinoise publiait un document anonymesous le titre « Zaïre No State» (traduction : «Zaïre Etat Néant »). Y était préconisé le démembrement du pays considéré « trop grand pour être gouvernable ». Noir sur blanc, le Kivu frontalier (Nord et Sud) devait être rattaché à l’Ouganda, au Rwanda et au Burundi. Depuis, la guerre s’y est installée. Visiblement, le curseur de la balkanisation, autrefois fixé sur le Katanga et l’Est du Kasaï réputés réfractaires au pouvoir de Léopoldville (Kinshasa) s’est déplacé sur le Kivu et l’Ituri dans l’axe Minembwe-Beni-Butembo-Djugu. Ce qu’il faut d’emblée retenir, c’est que la politique menée sous Mobutu, singulièrement entre 1990 et 1997 caractérisée par une transition conflictuelle au cours de laquelle tout le tissu économique et social avait été systématiquement pillé, aura consisté à livrer quasiment pieds et poings liés le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et l’actuel Ituri à quelques mafieux dans trois pays voisins, du point de vue des échanges économiques. Ces trois provinces, en effet, vivent plus de leurs contacts avec l’Afrique de l’Est (Kenya, Soudan du Sud, Ouganda, Rwanda, Burundi et Tanzanie) qu’avec le reste du Congo. A Goma et à Bunia, le constat est sidérant : même l’eau potable en bouteille et le papier hygiénique proviennent de l’Ouganda ou du Rwanda. Mais cela a peu d’importance. Au plan sécuritaire, on est frappé par la quasi institutionnalisation de la manipulation dont la jeunesse du Kivu et de l’Ituri est l’objet. A Bunia en 2018, alors que se déroulait à travers toute la RDC une campagne de recrutement dans l’armée, on pouvait apprendre à la lecture d’une chronique intitulée « Sécurité au Nord Kivu. Appel des FARDC aux jeunes : encore 10 jours ! » lancée par la 34ème région militaire que des acteurs politiques et activistes de la Société civile du Kivu frontalier – dont ceux des mouvements pro-démocratie comme Lucha- refusaient carrément de relayer cet appel ! Le 27 avril de cette année-là, le commandement local des FARDC avait par la voix du colonel Faustin Ndakala, directeur chargé de l’Information, Sélection et Orientation annoncé qu’il suffisait que le postulant soit de nationalité congolaise, âgé de 18 ans au moins et 25 ans au plus ; qu’il ait un niveau de 6 ans d’études primaires, jusqu’à celui de 3ème année secondaire et surtout que « toutes les ethnies du Nord-Kivu doivent être représentées au sein de l’armée. Nous aimerions recevoir des jeunes qui ont une morale saine, et que, juste après leur formation, que notre pays puisse être doté d’une armée moderne, disciplinée et républicaine ». Mais en tout et pour tout, à en croire cet officier supérieur, dans cette province de plusieurs millions d’hommes et de femmes, « Ils n’ont été que 85 à passer le test dont 82 qui ont satisfait». Une opération de recrutement qui s’est terminée en eau de boudin en somme… Oui, dans cette partie septentrionale très populeuse du pays, un espace tant menacé et objet de tant d’agressions, les FARDC n’ont pas pu recruter plus d’une centaine de volontaires pour l’armée. Il y a là matière à réflexion sur la fragilité de notre communauté face aux vélléités agressives d’où qu’elles viennent.
OMER NSONGO DIE LEMA