Pour avoir préconisé dans son message relatif à la convocation du Dialogue national une « une réflexion sur un système électoral avec des modalités de vote peu couteuses, comme c’est le cas dans d’autres pays », le Président Kabila est soupçonné de vouloir changer la Constitution pour un troisième mandat. C’est à croire que le système électoral en RDC se limite à la présidentielle alors qu’il comprend aussi les élections locales, municipales, urbaines, provinciales (desquelles est issue au second degré l’élection des sénateurs et des gouverneurs et vice-gouverneurs de province) et les législatives. Fait curieux : toute une communauté d’intellectuels, réputée capable de réfléchir avec la tête, réagit plutôt par l’épiderme, réduisant de ce fait dramatiquement le Dialogue national à l’interprétation malveillante de la réflexion proposée par le Chef de l’Etat…
Car, l’initiative du Président Joseph Kabila, rendue dans son discours du 26 novembre 2015 au point 4, est formulée en ces termes : « le financement du processus électoral nous impose aussi une réflexion profonde. En effet, à ce jour, la CENI a communiqué à toutes les parties prenantes au processus électoral un budget équivalent en Francs Congolais à un milliard deux cents millions de dollars américains pour financer l’ensemble du processus électoral. Pour l’année 2016, le Gouvernement a prévu dans le projet de loi des Finances une enveloppe équivalant à cinq cents millions de dollars, soit moins de la moitié du budget précité et avec pour contrainte de débloquer plusieurs dizaines de millions de dollars par mois. Ce que la capacité de mobilisation actuelle des recettes ne permet pas. Comment résoudre un tel dilemme ? Ne peut-on pas engager, dès à présent, une réflexion sur un système électoral avec des modalités de vote peu coûteuses, comme c’est le cas dans d’autres pays ? Comment allier deux impératifs majeurs, à savoir : la démocratie et le développement et éviter que le processus électoral ne soit en conflit ouvert avec nos efforts de développement ? Ensemble, il nous faut lever des options à la fois courageuses et pragmatiques sur les réformes qui s’imposent sur tous ces sujets relatifs à la gouvernance électorale de notre pays ».
Il n’existe au monde aucun pays qui ne cherche à minorer, à minimiser sa facture électorale ou tout autre coût des dépenses publiques. Surtout dans un pays comme le nôtre, avec son budget difficilement réalisable de 9 milliards de dollars Usd. Affecter au processus électoral le dixième, voir le vingtième de ce budget est tout ce qu’il y a de suicidaire.
Prenons l’exemple de notre France « chérie ». « …le coût global de l’élection présidentielle, en 2012, s’élèvera à 228 millions d’euros », avait annoncé René Dosière, auteur de «L’Argent de l’Etat». Or, le budget de la France pour l’exercice 2012 était de 366 milliards d’euros. Ce qui veut dire que la présidentielle, remportée par François Hollande, aura coûté mille fois et demi moins. Transposée à la RDC avec un budget de 9 milliards de dollars, la présidentielle devrait coûter 60 millions de dollars !
Missel, chapelet et Constitution
Pourquoi alors des « fous » à lier ? Ils le sont lorsque des acteurs politiques et des activistes de la Société civile, qui croient servir de « guides », se comportent avec une irresponsabilité avérée. Tenez !
Pour ses détracteurs, Joseph Kabila ne peut être sincère dans son engagement à respecter la Constitution que s’il tient d’une main un missel avec un chapelet et de l’autre, la Constitution et la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Ils incitent les leurs à croire qu’aux assises convoquées le 26 novembre dernier, l’objectif visé est moins le processus électoral que la révision de la Constitution, et cela pour un nouveau mode électoral devant lui permettre de s’offrir un troisième mandat.
Certains disent même être des « chats échaudés » après la révision constitutionnelle de 2011.
Pourtant, ils savent tous qu’en 2011, Kabila disposait encore de la latitude de briguer un second mandat. La révision de la Constitution ne s’était pas opérée au cours d’un dialogue ouvert aux forces politiques et sociales, mais au sein du Parlement. D’ailleurs, si cette révision était mauvaise, les Anti-Kabila auraient réclamé pour 2016 le retour aux deux tours. Or, ils s’en abstiennent jusque-là.
Ils savent tous qu’au Dialogue national, le mode de décision sera le consensus et qu’ils sont en droit de claquer la porte s’ils ne sont pas d’accord sur une matière donnée.
Ils savent tous que dans son discours, le Chef de l’Etat évoque les deux sujets principaux susceptibles d’être retenus dans l’ordre du jour : la nouvelle organisation territoriale et le processus électoral comprenant le fichier électoral, le calendrier électoral, la sécurisation du processus électoral et le financement des élections. Sujets au centre des préoccupations de l’Opposition et de la Société civile alliée.
C’est donc surprenant que les anti-Kabila, qui sont en même temps les anti-Dialogue, tentent d’embarquer toute la communauté nationale dans des déductions et conclusions comme celles entendues du 29 novembre au 4 décembre 2015, et dont voici quelques extraits :
– Vital Kamerhe (Unc), parlant du Président Joseph Kabila : «En appelant à un nouveau système électoral, il veut faire passer le pays dans une nouvelle République (…) C’est clair que si nous quittons notre mode de scrutin actuel pour éventuellement élire le président de la République au second degré par un groupe de députés par acclamation, nous disons que c’est très grave ».
Observations : Kamerhe, qui fait exprès de limiter le mode de scrutin à la présidentielle, réduit la participation aux députés. Pourtant, il sait que le Dialogue est ouvert aussi bien à la Majorité et à l’Opposition qu’à la Société civile.
– Eve Bazaïba (Mlc) : «Lorsque le président dit qu’au sein du dialogue on va réfléchir sur le mode de suffrage, sur le mode de scrutin désormais pour limiter le coût, le chef de l’Etat oublie que tous les modes du scrutin et de suffrage sont repris dans la constitution».
Observations : hélas !, la Constitution ne prévoit pas les modes du scrutin pour les locales, les municipales et les urbaines. A que Mme Bazaïba ne lise une autre constitution que celle qui est en vigueur en RD Congo !
– Jean-Claude Katende (Asadho) : « L’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme s’inquiète au sujet de la proposition faite par le Président Joseph KABILA aux futurs participants au dialogue national de modifier le système électoral actuel pour le remplacer un système électoral avec les modalités de vote peu coûteuses…».
Observations : modifier et réfléchir, ce n’est pas du pareil au même, sauf fixation…
– Félix Tshisekedi (Udps), parlant du Chef de l’Etat : « Il prend une dérive dangereuse en parlant du mode de scrutin qu’il faut refaire ou en évoquant de manière subtile le recensement. Ça, c’est tout à fait dangereux et nous disons ‘NON’ à cela ! ».
Observation : une invitation à la réflexion n’a rien d’obligatoire, sauf…fixation !
– Martin Fayulu (Ecidé) : «Réfléchir sur ‘les modalités de vote peu coûteuses’ comme l’a suggéré Joseph Kabila pourrait renvoyer à la modification du mode de scrutin contenu dans l’actuelle Constitution ».
Observations : il est à rappeler le fait que la Constitution ne détermine pas le mode de scrutin pour les « élections à la base » : locales, municipales, urbaines…
– Albert Moleka (?): «ce nouveau cadre constitutionnel lui permettrait alors d’être candidat à sa propre succession ».
Observations : un Président de la République arrivant au terme de son second et dernier mandat peut-il, à la faveur d’un changement du mode de scrutin, réclamer un nouveau mandat ?
– Coalition des 33 ONG : « La Coalition de 33 Ong craint profondément que le dialogue ne débouche sur des options de modification des dispositions constitutionnelles intangibles dont celles des articles 70 et 220 ».
Observations : la Société civile y étant invitée, pourquoi la coalition boycotte-t-elle le dialogue alors qu’elle pourrait y empêcher la modification de ces articles ?
– Moni Della (Rcd-N), parlant du Chef de l’Etat : « Lorsqu’il dit qu’il faut revoir le mode de scrutin moins coûteux, on veut priver aux Congolais le droit de choisir leurs dirigeants. On veut nous faire basculer au mode indirect, à une élection de combinard où on veut mettre les gens dans une salle pour choisir un président de la République ».
Observations : ainsi, pour Moni Della, le Dialogue est juste un forum où l’on va désigner le Président de la République !
A l’unisson la chansonnette
A l’analyse de ces réactions soulignant le degré de chosification d’une frange importante du leadership congolais, il saute visiblement aux yeux qu’une sorte de folie douce est en train d’affecter l’Opposition dite « Dynamique » et sa Société civile, managées par le géniteur des expressions «glissement», «troisième voie» et, maintenant « Nouvelle République ».
Plutôt politicienne que politique, son interprétation de la réflexion proposée par le Chef de l’Etat a suffi pour que les ténors (?) de sa plateforme reprennent à l’unisson la chansonnette vitalisée.
L’histoire, qui se réécrit sous nos yeux, retient de ce géniteur une capacité de détournement et de retournement inouïe.
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO D.L.