Ce n’est pas encore la quiétude dans les esprits au Sankuru, depuis l’élection le 20 juillet 2019 de « l’indépendant » Joseph-Stéphane Mukumadi à la tête de la province, au détriment du FCC-CCU&ALLIES, Lambert Mende. Plus de deux mois après, le nouveau chef de l’exécutif provincial n’a pas encore pris possession de ses fonctions à Lusambo et reste toujours à Kinshasa, pour des raisons assez peu élucidées. On lui prête l’intention de vouloir instaurer une difficile entente avec certains poids lourds politiques locaux, sans lesquels la gestion de la province de Lumumba risquerait d’être une gageure.
C’est ce qui aurait justifié l’organisation, samedi 21 septembre à l’hôtel Béatrice de Kinshasa, d’une soirée dite de réconciliation, à l’initiative de l’homme d’affaires Michel Lokoto, PDG de Dagril. Dont l’entregent n’a pas suffi à faire de la manifestation une réussite. La soirée a été marquée par l’absence des plus représentatifs des élus de Lodja, épicentre économique de la province et de Lomela : ni le député national Lambert Mende Omalanga, ni le sénateur Moïse Ekanga, par exemple n’y ont été vus. Pour se réconcilier, il faut bien qu’il y ait quelqu’un avec qui on a été en conflit. Et samedi 21 septembre, l’autre partie a manifestement fait défaut. Il s’est agi in fine plutôt d’une forme de réjouissance festive.
Des témoins rapportent les propos pour le moins surprenants du sénateur Raymond Omba qui a «félicité» les députés provinciaux qui avaient rendu possible l’élection contre-nature d’un gouverneur se revendiquant du CACH dans une assemblée provinciale très largement FCC. Ce n’était certainement pas la meilleure façon de passer l’éponge sur cet épisode immoral qui a laissé des traces que l’on prétend vouloir effacer pour permettre à la province d’aller de l’avant.
Sur la réconciliation et la volonté de reconstruction du Sankuru, rien de sérieux n’est entrepris jusqu’ici en réalité. Bien au contraire, tout semble fait pour attiser les feux de la haine qui ont brouillé l’élection gouvernorale.
A commencer par cette véritable chasse à l’homme, proprement délirante qui s’empare des nouvelles autorités du Sankuru. En effet, avant même de mettre pied dans son QG de Lusambo, le nouveau gouverneur qui, depuis Kinshasa, avait révoqué tous les ministres sortants avant de les remettre en service lorsque des juristes lui firent remarquer que sans un nouveau gouvernement, l’ancien demeurait en place, continuité de l’Etat oblige s’est lancé dans une véritable chasse aux sorcières qui n’augure rien de bon pour l’avenir.
«On arrête à tout va lorsqu’on ne suspend pas des fonctionnaires de l’ancienne administration sans autre motif que le fait d’appartenir à une entité jugée proche du perdant de l’élection du 20 juillet», rapporte un témoin à Lusambo, preuves à l’appui. Ainsi, le médecin chef de division provincial de la santé du Sankuru, en mission de service à Kinshasa sur ordre de mission en bonne et due forme du gouverneur intérimaire sortant (lui-même médecin de son état), est-il suspendu de ses fonctions. Parce que ressortissant du même secteur que Lambert Mende, le challenger du nouveau gouverneur à la provinciale de juillet dernier.
Jeudi 26 septembre à Lusambo, des membres du personnel politique de l’ancien gouvernement provincial en attente des opérations de remise-reprise ont été formellement convoqués par la police. Pour un soi-disant ‘‘complot’’ d’assassinat sur la personne du gouverneur de province, Stéphane Mukumadi, qui n’est même pas encore arrivé au Sankuru. Il s’agit du Dr Michel Ngongo et d’un certain Boni Diumi, un taxi-moto qui a ramené le Dr Ngongo à Lusambo aux fins d’attendre la remise et reprise avec le nouveau personnel politique du gouvernorat.
Pire, James Onema, jeune frère de l’honorable Lambert Mende qui séjourne à Lodja à 500 km de Lusambo a été lui aussi convoqué pour répondre de la même incrimination alors qu’il n’a jamais mis pied au chef-lieu de la province depuis ces trois derniers mois.
Ce véritable comportement paranoïde est complété par des menaces de mort qui pèsent même sur des hauts magistrats de la Cour d’appel du Sankuru. Les têtes du procureur général et du 1er président près cette Cour seraient mises à prix pour avoir retoqué la candidature du désormais gouverneur Mukumadi lors du contentieux électoral du fait de sa nationalité française (une décision qui sera remise en cause par le Conseil d’Etat) et avoir tardé à signer l’arrêt consacrant son élection pour cause des contraintes calendaires légales en juillet dernier. La province d’origine de Patrice Lumumba n’est manifestement pas au bout de ses épreuves.
O.H.
SANKURU : L’heure est à la chasse aux sorcières
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