Face à l’alternative, à maints égards logique, qui consiste à rentrer dans les rangs parmi les citoyens ordinaires et/ou à poursuivre un engagement citoyen qui a déjà abouti avec le changement au sommet de l’Etat, et n’a donc plus tout son sens, nombre d’organisations dites citoyennes de la RDC semblent quelque peu en désarroi et cherchent à quelle branche d’arbre s’accrocher. Non sans maladresses.
A Goma, et plus généralement à l’Est de la RDC où elle a vu le jour au plus fort des guerres d’agression étrangères, Lucha (Lutte pour le Changement), brille depuis plusieurs mois par les manifestations contre les entreprises privées de télécommunication. Qu’elle accuse, à tort ou à raison, de pratiquer des prix exorbitants ou de ne pas satisfaire les exigences des consommateurs.
Mercredi 18 et jeudi 19 septembre septembre 2019, des manifestants de la Lucha s’en sont pris, pour la énième fois dans le chef-lieu du Nord-Kivu, à Airtel, en manifestant bruyamment devant ses installations, perturbant ainsi les activités commerciales de la multinationale. «Nous exigeons une meilleure qualité des services et un alignement des coûts de communication sur le pouvoir d’achat du Congolais moyen», expliquait un de ses porte-voix.
Association de malfaiteurs
Mais pour les responsables locaux d’Airtel, il y en avait marre de ces perturbations contre-productives, et les services provinciaux de la police ont été saisis de ce énième trouble de jouissance. Les manifestants en sit-in devant les installations de l’entreprise ont été interpellés. Contrairement à leurs précédentes sorties, ils ont été transférés à la prison de Munzenze vendredi 20 septembre 2019.
Au moment où Le Maximum mettait sous presse, il ne semblait pas que ceux d’entre eux considérés comme casseurs et arrêtés lundi 23 pour association de malfaiteurs et imputations dommageables, notamment, aient été relaxés. Bien au contraire, une vingtaine de leurs congénères les ont rejoints en détention à Munzenze.
En RDC, on s’interroge de plus en plus sur les limites entre la liberté de manifester, un droit revendiqué par les activistes de la Lucha et des notions tout aussi protégées par la constitution et les lois du pays relatives à la propriété et à la libre entreprise, notamment l’investissement privé, par ailleurs appelé de tous les vœux par toutes les sphères de la société.
Beaucoup dénoncent le caractère sélectif, voire arbitraire et intéressé qui est fait des droits et libertés mis en avant par les organisations dites citoyennes, dont la Lucha à la lumière des dispositions constitutionnelles. L’éditorialiste Omer Nsongo Die Lema note ainsi qu’au Kivu, il se passe des choses graves, particulièrement dans le secteur de la sécurité des citoyens. La Lucha et ses activistes-vedettes ne sont guère préoccupés d’exhorter la jeunesse kivutienne à s’enrôler dans les FARDC ou la police pour assurer la sécurité menacée des citoyens et de leurs biens. La conclusion renvoie à ceux qui se dissimulent derrière ces activistes.
Pour Omer Nsongo, par exemple, l’objectif de la Lucha serait politicien et viserait à persuader l’opinion qu’il n’y a pas eu de changement majeur en RDC. «Parce que les activistes des droits les plus divers font toujours exposés aux représailles des forces de l’ordre ».
Décourager l’investissement
D’autres observateurs estiment que ces manifestations de la Lucha contre une multinationale de télécommunication qui emploie des centaines de Congolais ont pour objectif à court terme de décourager tout investisseur sérieux désireux de se rendre en RDC. «L’argent n’aime pas le bruit et personne ne viendra mettre de son argent dans une entreprise assaillie chaque week-end par des chahuteurs mécontents », explique au Maximum ce chef d’une petite entreprise libanaise sur avenue du Commerce à Kinshasa.
On en conclut dès lors que l’activisme prétendument citoyen d’organisations de type Lucha n’a rien d’apolitique. D’autant plus qu’en RDC, l’opposition ou ce qui en tient lieu depuis les dernières élections, n’a jamais fait mystère de ses projets de décourager tout investissement sérieux au pays aussi longtemps que de nouvelles échéances politiques qui la remettent en scelle dans l’exercice du pouvoir ne seront pas advenues.
Lucha et tutti quanti, ce sont des intérêts politico-économiques qui ne disent pas leurs noms.
J.N.