Autour de la situation sécuritaire à Lodja, principale agglomération du Sankuru, la mission onusienne en RDC a délégué une mission d’enquête conduite par l’Ivoirien Firmin Kone, coordonnateur des affaires civiles au Kasaï. Pour faire face à la situation d’insécurité, marquée notamment par l’assassinat le 20 juillet 2019 d’un chef coutumier ainsi que l’incendie de quelques 180 habitations de sa localité suivi du lynchage du chef présumé de la bande de criminels auteurs de ce forfait 10 jours plus tard. L’onusien vient de produire un rapport dans lequel il vante fièrement le passage du simple au double du nombre de casques bleus dans la région. Mais, ainsi que commente un activiste des droits de l’homme de Lodja, abasourdi par la légèreté de la copie rendue par Kone et son équipe, « il faut espérer qu’ailleurs en RDC, notamment dans les territoires de l’Est de notre pays, les onusiens se comportent de manière plus sérieuse».
Parce que le rapport Kone s’avère à l’examen comme un chef d’œuvre de tartufferie et un tissu de colportages de nature à jeter de l’huile sur une situation déjà explosive. Et ce, dès les premières lignes du rapport sur ce centre névralgique de la province natale de Patrice-Emery Lumumba.
Fausses prémisses
Le 20 juillet, jour de l’élection du gouverneur du Sankuru à Lusambo, on apprenait à Lodja, près de 500 km plus loin, le meurtre du chef Moïse Kondema Wamu du groupement Lolema auquel ses assassins reprochaient d’avoir rappelé l’apolitisme de l’autorité traditionnelle quelques jours plus tôt. Ce qui n’a pas empêché le rapport Kone de présenter ce chef coutumier comme proche du parti politique du perdant à l’élection gouvernorale. En se basant sans doute sur des allégations partisanes glanées ci et là à Lodja à 46 km du village Leemba où le chef a été tué et où les ‘‘enquêteurs’’ de la Monusco ne se sont pas rendus.
C’est, en effet ; à Leemba que le jeune chef Wamu a été froidement abattu par des assaillants bien identifiés qui ont ensuite incendié 182 maisons d’habitation, entraînant également la mort de sa fille âgée de 7 ans. C’était l’avant dernier chapitre d’un cycle de violences meurtrières dans la région qui remonte selon nos sources à 2016, lorsque ce gang a initié une campagne de terreur tuant plus de 12 personnes dont le policier John Bulungu, convoyeur de fonds de la Rawbank, avant le chef de groupement de Lolema.
A Lodja et alentours, les faits sont de notoriété publique. Dans une intervention sur Top Congo FM, le président de la société civile de Lodja, puis le président de l’Assemblée provinciale du Sankuru avaient du reste désigné à plusieurs jours d’intervalle la sorte de triangle de la mort érigé sur la route de Katako-Kombe, qui compromet dangereusement les activités commerçantes dont vivent les populations qui dépendent d’approvisionnement en produits et denrées vers ou en provenance de Lodja.
Tissu de colportages
La suite du rapport onusien sur Lodja est donc un tissu de colportages de bas niveau ainsi que le lecteur averti peut s’en rendre compte particulièrement lorsqu’il y est question du «meurtre, le 29 juillet 2019, de M. Omindo alias Omera et quelques membres de sa famille» sans que ne soit mentionné le fait qu’il s’agissait en réalité d’un lynchage par un groupe non autrement identifié de Omindo réputé chef de la bande de criminels auteurs impunis des crimes odieux déplorés dans la région depuis 2016 et qui brièvement interpellé en 2017 sera relâché sans aucune forme de procès quelques jours plus tard par la police.
Pire, le rapport Kone sans citer sa source verse dans une politisation éhontée de ce dossier de droit commun en prétendant que le brigand – qu’il ne décrit pas ainsi – aurait été un « ex-membre du parti politique CCU (de l’ancien ministre Lambert Mende) passé au PPRD». Faux sur toute la ligne, sauf celle qui fait état de l’assassinat de sieur Omindo. En réalité, le présumé chef de bande assassiné (et décapité) par des inconnus voulant sans doute se venger d’un des crimes qui lui étaient reprochés n’a jamais milité dans la CCU et même sa qualité de président de la ligue territoriale des jeunes du PPRD a été formellement démentie par les instances habilitées de l’ancienne formation présidentielle.
Curieusement, Firmin Kone n’a fait confirmer ces allégations ni auprès de la CCU ni auprès du PPRD. « Le rapport onusien présente un brigand notoire comme un saint homme. C’est bizarre », observe l’activiste des droits de l’homme, interlocuteur du Maximum.
Même tissu de colportages partisans lorsque le rapport onusien prétend que des sources auraient indiqué que les présumés auteurs des incendies de Leemba seraient «en majorité des militants de la CCU ressortissants du secteur de Kondo-Tshumbe, qui auraient traversé la rivière Lukeni pour ce faire». Une version manifestement arrangée par des adversaires politiques du député national Lambert Mende, initiateur de ce parti par ailleurs originaire du secteur voisin de Kondo-Tshumbe et qui est du reste démentie formellement dans le rapport établi par l’administrateur du territoire de Lodja sur ces faits dont les auteurs du rapport n’ont également tenu aucun compte.
En effet, le rapport circonstancié de Médard Elonge, puisque c’est de lui qu’il s’agit, se base sur les éléments mis à sa disposition par un officier de police judiciaire assermenté dépêché sur les lieux des crimes citant nommément les acteurs présumés du lynchage à mort de Omindo ‘‘Omera’’ comme étant tous des ressortissants de Nambelo-Lohembe proches du chef de groupement assassiné par ce dernier 10 jours plus tôt. «On se demande où Firmin Kone et ses enquêteurs ont aperçu des gens traversant la rivière Lokenye (et non Lukeni) en provenance de Kondo-Tshumbe », s’étonne notre activiste des droits de l’homme.
A l’évidence, l’émissaire de la Monusco s’est gravement fourvoyé sur les problèmes sécuritaires au Sankuru, en se contentant de reprendre dans son rapport des colportages partisans qui s’efforcent manifestement de couvrir tout ou partie des véritables acteurs du drame de Nambelo-Lohembe, dernier en date d’une série d’autres qui ont endeuillé la région depuis 2016. Il est symptomatique à cet égard que le rapport Kone s’abstienne systématiquement de faire allusion à ce background sans lequel il est impossible d’expliquer l’explosion actuelle de violence et d’insécurité dans cette partie de la province du Sankuru. Du vrai travail d’aventurier de l’humanitaire.
O.H.