L’épilogue dans l’élection du gouverneur de province au Sankuru n’en finit pas de révéler ses dessous. Candidat malheureux à cette joute au second degré (et donc mise en œuvre loin du souverain primaire), Lambert Mende avait dès le départ fait état de l’appartenance de son challenger à l’opposition UDPS/T qui n’a aucun élu provincial dans cette entité. Sans être trop cru. Beaucoup, y compris au sein de sa famille politique et dans l’opinion, étaient persuadés qu’il s’agissait d’un argument de campagne. Il apparaît aujourd’hui que l’ex-porte-voix du gouvernement sous Joseph Kabila était dans le vrai. A l’issue d’une audience auprès du directeur de cabinet du président de la République, Vital Kamerhe, le gouverneur Joseph-Stéphane Mukumadi a déclaré son appartenance à la coalition CACH (Cap pour le Changement) du tandem Tshisekedi-Kamerhe, rapportent des médias à Kinshasa. L’élu du 20 juillet à Lusambo n’avait donc d’indépendant que l’étiquette. Le candidat pseudo-indépendant parachuté à partir de Lille en France pour les besoins de la cause était en réalité porté par des leaders politiques sankurois anti-Mende, presque tous du FCC. Pour la bonne et simple raison que comme à l’occasion des précédents scrutins, dans cette province parmi les plus acquises aux Kabila père et fils, les votes à toutes les élections sont plus que majoritairement acquis à la famille politique kabiliste. « A Lodja, fief de Lambert Mende, le candidat Joseph Kabila ou son dauphin a été plébiscité à plus de 80 % des suffrages aux présidentielles 2006, 2011 et surtout 2018 », fait observer ce technicien de la CENI ayant opéré dans la région. Pour s’assurer les votes en sa faveur parmi 21 élus provinciaux sur les 25 que compte le Sankuru, le candidat « indépendant » ne pouvait pas ne pas se greffer à des parrains membres du Front Commun pour le Congo (FCC), large vainqueur à tous les scrutins et particulièrement aux provinciales dans cette province où l’opposition n’a arraché qu’un siège à Katako-Kombe.
Okitundu, Okoto et Omba
C’est également connu. Ce sont les leaders FCC du Sankuru, Léonard She Okitundu (Katako-Kombe, Lusambo), Jean-Charles Okoto Lolakombe (Lodja), le Colonel ex-Faz à la retraite et homme d’affaires Raymond Omba Pene Djunga, ainsi que d’autres acteurs politiques, sociaux et économiques qui ont jeté leur poids dans la balance de l’élection gouvernorale. Contre le candidat FCC-CCU & Alliés Lambert Mende Omalanga, que seul un autre leader PPRD, Moïse Ekanga Lushyma, a réellement soutenu. Battu 8 voix contre 17 à son challenger élu gouverneur, le ticket Mende-Bekanga n’a obtenu que les voix des députés CCU & Alliés (4), REP & Alliés (2) et PPRD (2 à Lomela, le fief de Moïse Ekanga). 17 élus PPRD, G18, AJDS, G7 et chefs cooptés, tous acquis, proches ou récupérés par She Okitundu et Okoto du FCC auront donc apporté une victoire paradoxale au candidat gouverneur CACH. Avec l’appui du sénateur Omba Pene Djunga, non-aligné mais ayant un os à peler avec Lambert Mende et désireux de peser sur le cours des choses dans sa province d’origine. Il faut sans doute encore ajouter l’influence à peine voilée de l’évêque catholique, à la retraite depuis peu de Tshumbe, Mgr Djomo qui voue une détestation viscérale au meilleur élu sankurois aux législatives nationales du 30 décembre 2018. Dans tweet rageur, le sénateur Omba avait même parlé de « terrasser l’ennemi commun». C’est grâce à ce conglomérat contre-nature que les voix d’élus provinciaux FCC des regroupements PALU & Alliés (1), AABC (2), G18 (1), à AAAC (1), ABCE (1) et à AAAC (1), auront contribué à la victoire d’un gouverneur CACH au Sankuru.
La deuxième province CACH/RDC
Au cours des nombreux débats qui ont eu lieu dans la famille politique du FCC, certains partisans de Joseph Kabila avaient présenté le challenger de Mende comme un vrai indépendant récupérable par une des composantes de la méga plateforme kabiliste. Seulement, Joseph-Stéphane Mukumadi s’avoue de la coalition CACH, carrément, et apporte donc en même temps qu’un cinglant démenti à cette projection, sa deuxième province à la famille politique tshisekediste après le Kasaï-Oriental voisin où trône aussi un gouverneur UDPS/T. « C’est de bonne guerre en politique, et ça s’est vu ailleurs en RD Congo », déclare, un brin cynique, ce député UDPS/T du Kasaï-Central. Au Sankuru aussi, les FCC et ses leaders ont – sciemment ou non – fait le lit de leurs partenaires – rivaux de CACH. Un retournement qui laisse pantois quelques 1.267.610 électeurs qui ont majoritairement voté en faveur du FCC et qui se voient ainsi livrés à un gouverneur du CACH. Ce qui ne règle nullement l’épineux problème de leadership politique dans la province.
Selon les statistiques électorales de la CENI, la liste Alliance CCU & Alliés de Mende a récolté aux élections provinciales 18.120 voix à Katako-Kombe, la circonscription de She Okitundu dont la liste PPRD a recueilli 7.276 voix. A Lodja, la liste Alliance totalise 47.394 voix, loin devant celles PPRD – PPPD de Okoto qui en récolte 27.681. Il faut ajouter à ces chiffres révélateurs de la popularité de Mende dans son fief sankurois les voix de l’Alliance CCU & Alliés dans la circonscription électorale de Lusambo, soit 7.308 voix, pour un total général de voix obtenues par liste de 72.822 voix sur l’ensemble de la province du Sankuru. Contre un total général de 60.325 voix pour le PPRD, pourtant animé par la pléiade de ces leaders politiques qui n’ont eu raison de lui que grâce aux avatars d’un vote au second degré.
J.N.