L’information a fait l’effet d’une bombe, lundi 22 juillet 2019 après-midi à Kinshasa notamment. Mais également dans le Nord-Kivu et en Ituri où sévit depuis près d’un an l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola. Le Dr Oly Ilunga, le très compétent ministre de la Santé et, à ce titre, patron de la riposte contre Ebola en RDC a démissionné de ses fonctions. Le désormais ancien ministre de la Santé a annoncé la nouvelle de sa démission sur son compte twitter, après en avoir informé le président de la République par courrier. Dans sa correspondance au chef de l’Etat, Oly Ilunga déplore l’existence de plusieurs centres de décision, qui risquent de créer la confusion dans la riposte contre l’épidémie. «Comme dans toute guerre, car c’est bien de cela dont il s’agit dans cette lutte, les lignes de commandement doivent être clairement identifiées et définies. Il ne peut y avoir plusieurs centres de décision au risque de créer des confusions et une cacophonie préjudiciables pour la riposte », assure ce technocrate à qui l’on doit une victoire contre la même épidémie dans l’ex province de l’Equateur il y a encore quelques mois. «Tirant ainsi les conséquences de Votre décision de placer la conduite de la riposte à l’épidémie de la maladie à virus Ebola sous votre supervision directe, et anticipant la cacophonie préjudiciable à la riposte qui découlera inévitablement de cette décision, je viens par la présente vous présenter ma démission de mes fonctions de ministre de la Santé», conclut-il.
Diplômé de Louvain et de Harvard
Rideaux, donc, sur le passage de Dr Oly Ilunga Kalenga Tshimankinda, fils du général d’armée Ilunga Kakaswa connu pour avoir participé à la neutralisation de la sécession du Sud-Kasaï des années ’60, avant d’être éjecté de l’armée par Mobutu en 1975. Le ministre démissionnaire, arrivé à l’âge de 13 ans en Belgique, a effectué de fructueuses études de médecine à l’Université catholique de Louvain, achevées en 1984, auxquelles il a ajouté un doctorat en santé publique en 1990 et un certificat en analyse des comptes nationaux de la santé de la Harvard University en 2002. Nommé ministre de la Santé au sein du gouvernement Samy Badibanga en décembre 2016, Oly Ilunga était déjà connu dans les milieux politiques de l’opposition pour ses prestations au chevet de feu Etienne Tshisekedi, l’opposant radical rd congolais et père de l’actuel président de la RDC, décédé en Belgique début février 2017. Le médecin aurait fortement désapprouvé les dernières épreuves physiques imposées à son patient, avaient rapporté des sources à l’époque.
La démission du patron de la riposte contre Ebola était néanmoins prévisible, depuis notamment que l’Organisation Mondiale de la Santé avait décrété l’épidémie ‘‘urgence médicale de portée internationale’’, mercredi 17 juillet 2019 à Goma. L’alors ministre rd congolais avait aussitôt exprimé quelque pessimisme sur cette décision dictée par les experts de l’OMS, craignant qu’elle n’ait résulté de pressions d’Ongs plaidant depuis plusieurs mois, notamment pour des fonds plus importants.
Ancien médecin d’Etienne Tshisekedi
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la patience du praticien, c’est sans doute cette décision du chef de l’Etat de créer un secrétariat technique de la riposte dont la direction a été confiée à un groupe de médecins dirigé par le microbiologiste Jean-Jacques Muyembe Tanfum, n° 1 de l’INRB au sein d’un comité multisectoriel que le gouvernement chapeautait auparavant. Selon le communiqué de la présidence publié le week-end dernier, la conduite de la riposte contre Ebola se fait désormais sous la supervision du chef de l’Etat et la responsabilité du secrétariat technique dirigé par le professeur Muyembe.
Mais il n’y a pas eu que ces nominations qui ont fâché Oly Ilunga dont la lettre de démission déplore aussi le fait que le nouveau secrétariat technique de la riposte ait été mis en place par un décret « antidaté et contresigné » par un de ses collègues assumant son interim alors que expédiant lui-même les affaires courantes, il effectuait une mission, le 18 juillet 2019. De quoi s’arracher les cheveux.
J.N.