Ce n’était pas un fait divers, la démission le 3 juin 2019 du vice-président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Norbert Basengezi Katintima. Certes, le mandat des membres du bureau de la centrale électorale est arrivé à terme le 16 juin courant. Mais selon l’article 13 de la loi organique qui régit son fonctionnement, les 13 membres de la CENI demeurent en fonction jusqu’à l’installation effective de leurs remplaçants. On sait que la procédure de désignation de ces derniers, très politisée en RD Congo, peut durer de nombreux mois, et Basengezi avait donc encore plusieurs jours devant lui avant de rendre le tablier.
Mais le représentant du PPRD au sein du bureau et de la plénière de la CENI dont les membres sont désignés par les forces politiques présentes à l’Assemblée nationale a préféré laisser à ses collègues de la majorité présidentielle (5 représentants depuis le 3 juin), de l’opposition politique (4 représentants) et de la société civile (3 représentants) la charge de faire face à la suite du processus électoral. Notamment, le parachèvement de l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs de deux provinces laissées en plan, ainsi qu’éventuellement, l’organisation des élections locales et municipales. Sa démission qui prive l’ancien parti présidentiel d’un regard sur ce qui touche à l’élection des autorités provinciales au Sud Ubangi et au Sankuru ainsi que sur la préparation des élections à la base qui furent longtemps la priorité de l’actuel FCC est tout sauf banale. Quoique s’en défendent le désormais ancien vice-président de la CENI.
Tablier rendu
Le 3 juin, Norbert Basengezi a présenté sa démission à Joseph Kabila, le président de son parti politique, avant de la notifier au président de la République, à la présidente de l’Assemblée nationale ainsi qu’à la plénière de la CENI. Interrogé par Le Maximum, le même jour dans la soirée, il a avancé que son départ était consécutif à la fin du mandat des membres de la CENI. « Je viens de passer 3 ans et demi, soit un an de plus que mon prédécesseur qui a passé deux et an demi aux mêmes fonctions. J’aimerais prendre du repos », explique-t-il, tout en soulignant le fait que quoique fin mandat, les membres du bureau restent en fonction jusqu’à leur remplacement effectif. « Ceux qui parlent de la fin du mandat au cours de ce mois de juin se trompent »,confie Basengezi. Les contraintes légales, qui ne s’imposent pas au seul vice-président de la centrale électorale ne suffisent donc pas pour expliquer la sortie de Basengezi.
On rappelle à ce sujet que le vice-président du bureau de la centrale électorale n’a pas été épargné ces derniers mois, depuis notamment que son nom a été repris sur une liste des personnalités sanctionnées par le département d’Etat US à côté de ceux de son fils et du président de la CENI. Dans la foulée de ces sanctions, absurdes puisque, par ailleurs, les mêmes Etats-Unis se sont félicités de la bonne organisation des scrutins de décembre 2018 qui ont permis la première alternance pacifique et civilisée du pouvoir au sommet de l’Etat, le représentant de la famille politique kabiliste au bureau de la CENI a été sérieusement pris à partie par une certaine presse. Dans les colonnes du journal Le Soft de Tryphon Kin Kiey Mulumba, un candidat indépendant à la présidentielle 2018 passé avec armes et bagages à l’opposition tshisekediste quelques jours avant les scrutins, Basengezi père et fils avaient fait les frais d’un lynchage médiatique en règle qui ne peut pas ne pas avoir laissé de traces, susurrent-on.
Pressions
Mais il y a mieux, ou pire, c’est selon. Des informations crédibles font état de pressions constantes et insistantes du nouveau pouvoir sur la CENI. Autour des dossiers relatifs à l’élection des gouverneurs de provinces particulièrement, mais aussi de nombreuses autres préoccupations. «Il est clair que le bureau croule sous le poids du changement », confie, un tantinet ironique, un expert de la centrale électorale qui a requis l’anonymat. Et, le changement, en langage politique rd congolais depuis les années ’90, « c’est le remplacement. Du ôtes-toi de là que je m’y mette », explique-t-on encore. Les élections des gouverneurs des provinces encore en souffrance ont révélé un pan de ces pressions subies par la centrale électorale.
Dans la province du Sankuru, l’électorat était déjà convoqué et une première séance de vote qui a souffert du défaut de quorum, avait même été organisée par la CENI à Lusambo lorsqu’une injonction « venue d’en haut » a décrété une surséance sine die, lundi 15 avril dernier. Pour des raisons sécuritaires, se défendait-on maladroitement du côté du ministère de l’Intérieur dirigé à titre intérimaire par le vice-ministre sortant Basile Olongo, lui-même ressortissant de la contrée.
Au Sud-Ubangi, le gouverneur élu Mabenze, a vu son élection annulée par une décision du Conseil d’Etat statuant en matière d’un contentieux de candidatures vidé trois mois plus tôt par la Cour d’appel de cette province.
Le 25 juin 2019, 13 jours après la démission du vice-président PPRD de la CENI, la centrale électorale reprogrammait, à la surprise générale, les élections des gouverneurs de provinces au Sud Ubangi et au Sankuru pour le 10 juillet prochain. Mais ce ne seront plus les mêmes élections. Des candidats invalidés ont été carrément remis dans la course à la faveur d’un arrêt controversé du Conseil d’Etat auquel la CENI s’était opposé et que le Conseil supérieur de la magistrature avait jugé «non existant parce qu’illégal» fin avril dernier.
Arrêts illégaux
Les sources du Maximum rapportent que Norbert Basengezi et le bureau de la CENI auraient subi de fortes pressions «d’en haut» pour se soumettre aux arrêts illégaux du Conseil d’Etat, entre autres. Et que c’est pour ne pas cautionner de telles pratiques contraires à l’Etat de droit que le vice-président PPRD du bureau de la centrale électorale aurait préféré rendre le tablier. D’autres démissions pourraient suivre, estime-t-on par ailleurs.
J.N.