La Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) qui réunit les évêques de l’Eglise catholique, a tenu sa première assemblée plénière de l’ère Félix Tshisekedi, du 17 au 21 juin 2019 à Kinshasa. Comme toutes ses plénières ces dernières années, cette 56ème rencontre se révèle plus politique que pastorale, et n’épargne pas le pouvoir en place qu’elle charge de tous les péchés d’Israël. Parce que, selon les évêques catholiques, « le peuple veut le changement », qui tarde à venir selon eux. « Les élections du 30 décembre 2018 ont suscité un espoir de changement dans le pays. Le peuple s’est exprimé pour une véritable rupture avec l’ancien système de gouvernance, en vue d’avoir des dirigeants qui le mettraient au centre de leurs préoccupations », écrivent-ils, sans doute inspirés par leurs collègues de l’Ouest, qui ont longtemps manifesté leur hostilité au pouvoir issu de ces scrutins. « C’est dans cette perspective qu’il a salué les premiers gestes du nouveau président de la République, notamment l’ouverture de l’espace politique et médiatique, la libération des prisonniers politiques, le retour au pays des exilés politiques, le lancement du programme de 100 premiers jours. Ce fait traduit sa volonté d’adhérer au changement voulu pour améliorer les conditions de vie de la population », nuance à contrecœur le communiqué de la CENCO. Car il poursuit aussitôt : « plus les jours passent, plus nous constatons que la situation n’évolue pas. L’élan pris pour l’avènement d’une nouvelle ère a été brisé par de sérieuses entraves de tous ordres. Cet état de choses compromet l’avenir de notre pays sur plusieurs plans ».
Pas de quartier pour Fatshi
Pas de quartier donc, pour le nouveau président de la République, même s’il est issu de l’opposition radicale, dès lorsqu’il ne se hasarde pas à bousculer ses nouveaux alliés du FCC de Joseph Kabila, apparemment. Les évêques qui ne prêchent nullement la cohésion entrevoient la compromission de l’avenir du pays six mois seulement après l’accession de Fatshi au pouvoir suprême, et ne s’en cachent pas. « Nous sommes plus que préoccupés par le temps pris pour les négociations en vue de la désignation des animateurs de certaines institutions (…) le spectacle de la corruption éhontée, lors des élections des gouverneurs et sénateurs dans les provinces, a suscité la question de la crédibilité et du sens de redevabilité de ceux qui ont été proclamés (…) les élections locales, fondement de la démocratie à la base, pourtant prévues par la Constitution et fixées par la CENI pour le 22 septembre 2019, semblent ne plus faire l’objet des préoccupations des instances compétentes (…) », égrènent-ils. Non sans trahir les vieux démons qui les hantent depuis l’époque de Joseph Kabila en stigmatisant le dossier Moïse Katumbi : «La liberté de mouvement de certains acteurs politiques n’est pas garantie dans quelques provinces et villes de notre pays. Cette restriction de droits des citoyens constitue un recul par rapport à la décrispation du climat politique amorcée ». Allusion à l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga, qui aurait été interdit d’atterrissage à Goma par les autorités aéroportuaires et politiques, alors que celles-ci assurent n’en avoir jamais reçu de demande formelle. La suite coule de source, comme dans une instruction à charge, à la manière de l’avocat qui défend son client. Les prélats catholiques voient et peignent tout en noir, systématique- ment, et brillent par un silence coupable sur les débats impliquant l’avenir de pans entiers des populations rd congolaises, comme ce dossier de construction du pont Brazza-Kinshasa. C’est encore pire que ce qu’ils reprochent tout le temps aux politiciens, quels qu’ils soient.
D. MB.