Rentré d’exil lundi 20 mai 2019 par Lubumbashi, Moïse Katumbi Chapwe, dernier gouverneur du Katanga, ex-candidat non-partant à l’élection présidentielle de 2018 qui n’en a pas moins gardé intactes ses ambitions pour le top job, projette de repartir en campagne. En visitant certaines villes et agglomérations du pays pour reprendre contact avec les populations locales, que le chairman du TP Mazembe de Lubumbashi entend mettre dans l’escarcelle de ses adulateurs des terrains de football. Dimanche 26 mai 2019, l’homme qui occupe la présidence tournante de la plateforme Lamuka pour quelques 3 mois était annoncé à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, dans le cadre d’un périple qui devait sans doute le conduire également à Beni et Butembo dans la Grand Nord-Kivu, et ainsi faire honneur à cette région qui s’est révélée comme l’épicentre de l’opposition radicale à la coalition politique au pouvoir depuis décembre 2018.
Privilèges ?
Certes, le rendez-vous du stade Afia de Goma, dimanche dernier, n’a pas eu lieu. Moïse Katumbi n’a pas pu arriver dans la ville volcanique où l’attendaient pourtant des sympathisants mobilisés par les représentants locaux de Lamuka. Faute, semble-t-il, d’autorisation de survol et d’atterrissage pour l’aéronef affrété pour la circonstance à partir de l’Afrique du Sud où séjournait le leader Lamuka. Elle n’avait pas été sollicitée, selon l’Autorité de l’Aviation Civile qui assure n’avoir reçu « … aucune demande de Katumbi pour un atterrissage à Goma ». « L’unique demande formulée pour atterrir à Lubumbashi reste valable jusqu’à la fin du mois de mai 2019», explique-t-on du côté des services aéroportuaires rd congolais.
Parce que dès les premières heures de la journée, dimanche dernier, l’entourage du président de Lamuka s’était lancée dans ce qui ressemble bien à une campagne de dénonciation-pression sur les autorités évoquant un refus d’autorisation de survol et surtout d’atterrissage à Goma. « En réalité, Moïse Katumbi s’est mis dans la peau d’un président de la République. Il semble convaincu de jouir d’une dispense de certaines exigences légales…» explique au Maximum une source dans la plateforme remodelée à Bruxelles fin avril dernier.
La pression exercée à l’initiative, notamment de son directeur de cabinet Olivier Kamitatu par voie des réseaux sociaux n’a pas produit le résultat escompté. L’exploit réussi avec la délivrance, sur ordre du président de la République Félix Tshisekedi, d’un nouveau passeport à Moïse Katumbi n’a pas pu être réédité.
Partie remise
Néanmoins, ce n’est que partie remise. Le safari de Katumbi au Nord-Kivu n’a été que reporté à une date ultérieure, selon une vidéo publiée sur Tweeter du même Kamitatu. Qui y explique que « le président Moïse Katumbi remercie la population de Goma qui est venue l’accueillir … ce n’est que partie remise. Il annoncera très prochainement un nouveau programme. Il est déterminé à poursuivre son safari en commençant par Goma».
Le safari du président de Lamuka se poursuivra dans la province de la Tshopo, à Kisangani, selon des informations relayées par des médias kinois le week-end. Moïse Katumbi est attendu dans le chef-lieu de cette province dite martyre de la RD Congo mercredi 29 mai 2019 où il se rendra pour remercier les populations locales de leur soutien à la cause de l’opposition Lamuka.
Seulement, Goma, Beni, Butembo, Kisangani, ce sont aussi et surtout les derniers points de chute de l’autre leader Lamuka, Martin Fayulu, qui y a séjourné il y a peu, afin de remobiliser les populations autour de « son combat » pour la « vérité des urnes » de décembre 2018. Un combat qui, ce n’est plus un secret depuis le dernier conclave qui a muté la plateforme électorale née en novembre 2018 à Genève en plateforme politique, n’est plus l’affaire de tout le monde. On le sait depuis la signature de la convention de la création de Lamuka new look le 27 avril dernier à Bruxelles, il n’est plus de «vérité des urnes» qui tienne la route pour l’essentiel des composantes de Lamuka. En principe. « La plateforme Lamuka se regroupe autour d’un programme politique qui a comme axes principaux : – la défense de la Constitution, spécialement dans ses articles intangibles; – la mobilisation du peuple pour une alternance démocratique et politique, reflétant la vérité du choix des électeurs; – la promotion d’un Etat de droit et d’une meilleure gouvernance de la chose publique ; l’éradication des antivaleurs », stipule en effet l’article 2 de cette convention signée par Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu, Freddy Matungulu, Antipas Mbusa, et Adolphe Muzito.
Nouveaux objectifs
Selon le même accord, Katumbi a été désigné coordonnateur du presidium (l’organe suprême de la plateforme) de Lamuka pour une durée de 3 mois. Aussitôt remis les pieds dans son fief de Lubumbashi, le président de Ensemble pour le changement a dit son entendement de l’opposition : elle sera «démocratique et républicaine», reconnaissant les pouvoirs du président de la République élu en décembre dernier, et promettant même de lui apporter les leaders Lamuka sur un plateau, aux fins de réconciliation, entre autres. Un entendement qui est loin d’être partagé par Martin Fayulu et son entourage, ainsi que par le MLC de Jean-Pierre Bemba, manifestement. Mais cela n’empêchera pas le safari katumbiste.
Méthodiquement et systématiquement, Moïse Katumbi met donc en place la machine de désacralisation de l’ancien candidat Lamuka à la présidentielle, en effaçant ses traces pas à pas. En commençant par Goma la volcanique où, le 18 février 2018, Martin Fayulu était reparti en croisade pour ‘‘sa’’ vérité des urnes, au stade Afia, le même qui attend de recevoir le chairman mazembien. Martin Fayulu s’était également rendu à Butembo, le 15 du même mois, y livrant un meeting dit de vérité qui n’épargnait pas le président de la République élu en décembre dernier. De même qu’il avait craché le même venin de la contestation à Beni, une ville située à une cinquantaine de km de Butembo.
Moïse Katumbi, qui bénéficiera pour la circonstance du soutien d’Antipas Mbusa, membre du directoire Lamuka signataire de la convention de Bruxelles qui ne dissimule plus son rapprochement avec le nouveau chef de l’Etat, se rendra lui aussi dans le Grand Nord, porteur de la thèse d’une opposition républicaine diamétralement opposée à celle, jugée peu réaliste, de la vérité des urnes de Fayulu.
Effacer Fayulu
Kisangani dans la Tshopo clôturera manifestement la première série des safari katumbistes. Martin Fayulu y a séjourné il y a quelques semaines, le 15 mai courant, déversant force menaces contre la coalition au pouvoir. Et affirmant notamment que « Félix Tshisekedi n’a pas l’onction du peuple ». On voit mal Moïse Katumbi prendre le relais dans cette course à une vérité qui occulte la réalité sur le terrain. « Je ne suis pas la Cour constitutionnelle», a-t-il déjà rétorqué à ce sujet, quelque peu agacé par l’entêtement de son collègue au presidium Lamuka. Son safari, c’est aussi pour anéantir le soutien populaire dont Fayulu a abondamment usé et abusé jusque-là dans une partie du territoire national.
J.N.
KATUMBI S