Rocambolesque, cette affaire du diamant de Lodja (Sankuru), d’une valeur de plus de 80 carats, qui a fait le buzz après la descente d’un commando présumé commis par le ministre a.i. de l’Intérieur, Basile Olongo, à la résidence du ministre sortant de la Communication et Médias, Lambert Mende Omalanga, avec rixes entre éléments des forces de l’ordre et enlèvement de ce dernier. Des événements qui défrayent la chronique depuis dimanche 19 mai 2019, lorsqu’une escouade de policiers et de PM (FARDC), armés jusqu’aux dents, fait irruption au domicile de la famille Mende où logent des creuseurs artisanaux de diamants sankurois détenteurs d’une pièce suffisamment rare pour attiser diverses convoitises.
L’ordre reçu par les assaillants est formel : mettre la main sur l’ancien porte-voix de Joseph Kabila, et l’emmener « chez le chef », vocifère un des officiers aux ordres d’un général et un colonel traduits depuis en justice. Le but était d’intimider le député de Lodja pour l’obliger à faire remettre à Basile Olongo un diamant de quelques 80 carats, propriété de ses visiteurs et électeurs.
Malgré ses immunités parlementaires, Mende qui refuse d’obtempérer est molesté (ce sont ses propres termes) avant d’être traîné de force devant ledit général, manifestement aux ordres du vice-ministre et ministre a.i. de l’Intérieur et Sécurité, lui-même originaire de Lodja, la région de provenance de la pierre précieuse.
L’affaire est simple, malgré les apparences légalistes qu’on veut lui donner : Basile Olongo, comme nombre de ressortissants de Lodja, a appris qu’un diamant de grande valeur a été trouvé dans la contrée, et que les propriétaires ont décidé de se fier à la guidance de Lambert Mende pour en finaliser la réalisation (expertise et vente). Le vice-ministre, qui a un os à peler avec Lambert Mende, décide d’en faire son affaire en recourant aux services de policiers et militaires véreux pour parvenir à ses fins, arguant (par la suite) de ‘‘l’illégalité’’ de la détention d’un diamant par un député n’ayant pas le statut d’exploitant minier, en oubliant que lui-même n’avait ni le statut de ministre des Mines, ni celui d’un procureur.
Il s’avère que la pièce qui a suscité mobilisation de troupes et atteinte aux droits d’un député élu n’était pas un diamant. L’information est parvenue au Maximum jeudi 23 mai 2019 en milieu de journée. Vérification faite, la pierre de 87,20 carats soumise à l’examen du laboratoire du Centre d’Evaluation et d’Expertise du Congo (CEEC) à Kinshasa par ses propriétaires est tout sauf un diamant.
Les résultats de l’analyse ont été portés à la connaissance des creuseurs artisanaux qui avaient requis l’expertise, en présence du ministre provincial des Mines du Sankuru, accouru à Kinshasa sur instruction du gouverneur intérimaire pour percevoir «cash» la taxe due à cette entité administrative. Un procès-verbal en bonne et due forme a été contresigné par les demandeurs d’expertise et les experts du CEEC (voir ci-attaché), et la pierre, désormais décrétée non précieuse, rendue devant témoins.
Inutile levée de boucliers donc, assaisonnée d’abus de pouvoir, d’entorses aux lois de la République et d’atteintes aux droits de personnes. Avec le recul, il appert que même si le diamant de Lodja en avait été un, c’est en vain que l’on cherche une quelconque compétence du ministère de l’Intérieur et de ses services, et encore moins de la PM (FARDC) dans cette affaire relevant du ministère des Mines.
Sur le plateau de Télé 50, Lambert Mende s’en est expliqué mercredi 22 mai 2019, exhibant devant les écrans tous les documents requis pour qu’un creuseur artisanal détienne, transporte et commercialise le produit de son labeur en RDC : le ministère de l’Intérieur n’ayant aucune attribution en l’espèce, on suppose que Basile Olongo a tenté une extorsion pour laquelle il a instrumentalisé non seulement la police nationale mais aussi les FARDC.
Les argumentaires contradictoires développés par l’ancien sociétaire du RCD-N de Roger Lumbala (qui en a fait son journaliste-maison) passé au SET (Soutien à Etienne Tshisekedi) avant de basculer au CODE/FCC ne tiennent pas la route. Lambert Mende était coupable selon lui d’infraction au Code minier, pour détention d’un diamant appartenant à l’Etat. Ce que démentent tous les juristes interrogés par Le Maximum : outre qu’il n’appartient pas au ministère de l’Intérieur de se substituer à celui des Mines et aux magistrats, seuls habilités à constater et réprimer toute infraction au code minier, cet homme juché à la tête d’un minuscule parti politique qui a fait choux blanc aussi bien dans la capitale que dans son Lodja natal peine à intérioriser la libéralisation de l’exploitation artisanale de certains minerais, dont le diamant.
Dans cette affaire du diamant de Lodja, le ministre a.i. de l’Intérieur aura commis une bévue monumentale, faute de réelles aptitudes à l’appréciation.
J.N.