Les événements se sont succédés, sans doute un peu vite, entre la signature et la publication le 27 avril 2019 de la convention portant mutation de la coalition Lamuka en plateforme politique et le retour de Martin Fayulu à Kinshasa, un jour plus tard. Le candidat malheureux à la présidentielle de décembre 2018 en RD Congo a poursuivi sur la lancée de ses meetings de propagande électorale, en s’attaquant crument à son ancien challenger et à tous ceux qui lui ressemblent dans la capitale. Comme s’il existait encore de fonction présidentielle à conquérir après l’investiture de Félix Tshisekedi le 24 janvier 2018.
Cela n’a visiblement pas plu à tous dans la vaste coalition initialement créée pour réunifier les acteurs politiques de l’opposition à la majorité présidentielle kabiliste à quelques mois des élections. Et des voix se sont élevées, qui indiquent que beaucoup pourraient abandonner le navire Lamuka qui vogue désormais au creux de puissantes et peu maîtrisables vagues. Combattre un collègue de l’opposition radicale qui a accédé au pouvoir suprême dans son pays n’était pas inscrit sur la feuille de route commune, selon toutes les apparences.
Moïse Katumbi, l’autorité morale de la plupart des plateformes politiques qui composent Lamuka, semble devoir faire face à quelques cas de conscience dans les jours et semaines à venir. A moins qu’il ne prenne vite ses distances des extrémistes Lamuka qui appellent à étriper Fatshi hic et nunc. Jean-Claude Muyambo de l’Alternance pour la République (AR) l’a déclaré expressis verbis quelques heures après la prestation de Fayulu Place Ste Thérèse à Ndjili le 28 avril 2019 en demandant à Moïse Katumbi de se désolidariser de l’ancien candidat à la présidence.
Sessanga et Lubaya déjà tshisekedistes
Au sein de cette plateforme de Lamuka dirigée notamment par le kasaïen Delly Sessanga, le désamour envers Fayulu n’a jamais été un secret. En campagne électorale au Kasaï Central en décembre dernier, Sessanga et Lubaya (AMK) n’avaient pas hésité à appeler les militants à voter pour Félix Tshisekedi. Delly Sessanga, particulièrement, n’a jamais raté l’occasion de crier sur tous les toits que le choix porté sur le président de l’Ecidé à Genève en novembre dernier … ne reflétait pas celui du plus grand nombre, qui s’était réuni quelques mois plus tôt à Johannesburg en Afrique du Sud. Sessanga n’est pas le seul à l’AR à désapprouver les propos de Martin Fayulu contre Félix Tshisekedi. L’ex-UDPS/ Kibassa passé par le PPRD et l’UNC de Vital Kamerhe avant de se retrouver dans Lamuka, Jean-Bertrand Ewanga, n’a pas hésité à accuser Fayulu de préparer le retour au pouvoir du FCC (Front Commun pour le Congo, la méga plateforme de Joseph Kabila). Appeler à la démission de Félix Tshisekedi, cfr l’article 75 de la constitution, c’est pour Ewanga «permettre au prochain FCC président du Sénat de préparer avec facilité le retour du FCC au pouvoir. Conseillons plutôt une jonction avec le président, même exotérique pour le bien de tous », selon ses explications à la presse le 29 avril 2019. Dans les rangs de l’AMK de Claudel Lubaya, Jean-Claude Mvuemba, un élu du Kongo-Central, a récemment dit tout le mal qu’il pensait d’initiatives concourant à fragiliser le nouveau président de la République. Qu’il s’est empressé d’assurer de son soutien.
Mvuemba et Ewanga aussi
A ces condamnations à peine voilées des attaques dirigées contre le nouveau chef de l’Etat, il faut ajouter celles d’un des plus proches collaborateurs de Moïse Katumbi dans l’ex. Katanga, Gabriel Kyungu wa Kumwanza. ‘‘Baba wa Katanga’’ passe le plus clair de son temps, depuis l’élection de Félix Tshisekedi à la tête du pays, à appeler à l’unité autour de l’héritier de son défunt ami, Etienne. Ces dernières semaines, c’est à peine si le patron de Ensemble pour le Changement au Katanga ne s’en était pas pris à Moïse Katumbi en personne. « Exiger que Félix Tshisekedi démissionne n’est plus un acte politique, mais de la pure sorcellerie. Nous nous sommes battus pour le changement dans ce pays. Les prisonniers politiques sont libérés. La liberté d’opinion est visible. En tout cas, nous n’avons pas intérêt à combattre Félix. Soit on travaille pour des intérêts égoïstes, soit on soutient le nôtre. Si Tshisekedi démissionne comme il le veut, le pouvoir irait au FCC qui rentrerait aux commandes, pense-t-il qu’il y sera associé ?», a déclaré sagement Kyungu au cours d’un meeting le 30 avril à Lubumbashi, réagissant à l’appel à la démission du président lancé par Martin Fayulu deux jours plus tôt. « Est-ce que la constitution dit que quand tu descends de l’avion et que tu es ivre du Lolli [petit jus vendu à Lubumbashi NDLR] tu dois demander au président de démissionner ?», a ajouté ‘‘Baba wa Katanga’’ devant une assistance hilare. Et Gabriel Kyungu de poursuivre sur sa lancée : « vous pouvez tout dire, pour moi le seul président de la RDC c’est Félix Tshisekedi. Certains disent que je suis à la recherche du travail, c’est drôle car à mon âge je n’ai pas besoin de travail. Que celui qui est contre Félix Tshisekedi aille se pendre ».
Kyungu prêt à tout ?
Au sein de Lamuka, les risques d’éclatement de la coalition ne tournent pas uniquement autour du soutien au président de la République. La coalition souffre manifestement d’une sorte de présidentialisme excessif, qui gêne aux entournures nombre d’acteurs politiques qui ne nourrissent pas nécessairement les mêmes ambitions au top job dans leur pays. C’est manifestement le cas de l’élu Lamuka de Katako-Kombe au Sankuru, le juriste Christophe Lutundula, qui estime que « Lamuka ne doit pas être une plateforme d’anciens candidats président » et l’a déclaré sur Top Congo FM le 29 avril dernier. « Il faut créer, en sus de la conférence des leaders, un cadre permettant aux autres personnalités représentatives de l’opposition de se retrouver», estime ce parlementaire expérimenté, pour qui un langage commun à l’ensemble des membres de la coalition doit encore être trouvé.
Au sein de la coalition Lamuka new look, les violons sont loin de s’accorder entre les pro et les anti Fatshi.
J.N.