Comme prévu, Martin Fayulu Madidi, le candidat malheureux à la présidentielle 2018 a regagné Kinshasa dimanche 28 avril 2018 en fin d’avant-midi. C’était également prévu, le candidat de la coalition Lamuka a animé un meeting populaire vers la fin de la journée, place Ste Thérèse à Ndjili, un quartier de l’Est de la capitale où se recrute la plupart de ses sympathisants. Ce qui n’était pas suffisamment prévu, tout au moins du côté de autorités et des forces de maintien de l’ordre, c’est l’autre manifestation publique qui, elle, a dramatiquement perturbé les activités dans le rayon de la ville compris entre l’aéroport international et le lieu du meeting plusieurs km plus loin, dans la commune de Ndjili.
En réalité, dimanche dernier, le leader Lamuka a séquencé en deux sa prestation. En doublant un meeting dûment autorisé par les responsables de la ville par une procession improvisée (non autorisée) le long du boulevard Lumumba. L’enfer, puisque c’en était un pour les milliers d’usagers de ce tronçon stratégique qui n’avaient rien à voir avec l’accueil de Fayulu, a duré entre 5 et 6 heures, de 13 h à 18 h environ.
Le trafic automobile réduit à la vitesse des marcheurs fayulistes, pour la plupart des jeunes badauds de moins de 20 ans, s’est effectué à sens unique, vers Ndjili, la destination du président de l’Ecidé.
Le prix de la « liberté démocratique »
Convois funéraires immobilisés, voyageurs retardés, piqueniqueurs bloqués … c’est le prix qu’ont payé de nombreux kinois surpris par les hordes Lamuka dimanche dernier. Sous une chaleur accablante de plus de 35° à l’ombre, le début de l’après-midi du 28 avril 2019 ne fut pas une partie de plaisir. Pour les automobilistes rançonnés par des ‘‘manifestants’’ quémandant, réclamant et exigeant « de l’eau ou l’équivalent ». Les moins chanceux, dont le faciès était jugé caractéristique de certaines tribus du pays, s’en tirant avec des brimades physiques. Mais tous, indistinctement, étaient arrosés de quolibets vouant aux pires gémonies les baluba (la tribu du président de la République) : « muluba zoba ! », scandaient ces loubards excités juchés sur toutes sortes de moyens de déplacement, de la moto au grand camion de transport de marchandises en passant par la voiture taxi kech.
A la hauteur du quartier Mikondo dans la commune de Kimbanseke, le cortège de Fayulu s’est quasiment arrêté. La foule suiveuse et les véhicules privés qui tentaient de gagner le centre-ville aussi. Comme si un meeting improvisé allait se tenir sur ces lieux d’où les forces de police avaient dû tirer Jean-Pierre Bemba Gombo des griffes de manifestants rameutés par une autre formation politique et cherchant la bagarre à son retour au pays après sa libération des geôles de la CPI.
De nombreux automobilistes furent ainsi obligés de rebrousser chemin, ou de stationner carrément, en attendant de laisser passer l’orage qui a duré plus de 5 heures. «Moyen ya kokende te ! Bazobotola ba clients biloko » (Il n’y a pas moyen de poursuivre la route, ils ravissent des effets personnels aux passagers), se lamentait un chauffeur de mini-bus près du Camp Badara, un camp de la PNC loti et converti en cité non loin de l’aéroport de Ndjili.
Là où il ne fait pas bon être kasaien
Ici, il ne fait pas bon être kasaïen. Ni sympathisant de la majorité au pouvoir, qu’elle soit d’obédience kabiliste ou tshisekediste. En novembre dernier, en pleine campagne électorale, une colonne de militants du PALU pourtant très nombreux dans ces quartiers périphériques, avait été littéralement lapidée alors qu’elle battait gaiement campagne pour son candidat à la présidentielle. Quelques semaines plus tard, à la proclamation des résultats de la présidentielle le 11 janvier 2019, ce fut l’affrontement interethnique, ou presque, entre ressortissants kasaïens et ressortissants de l’ex Bandundu. Le Père Simon, un prêtre de la congrégation des Consolata qui dirige la paroisse St Hilaire de Mikondo en sait quelque chose. Parce qu’il fut copieusement rossé par des assaillants dont certains se comptaient parmi ses paroissiens. Son péché : être de la tribu luba.
En s’ébranlant plusieurs heures après de Mikondo, le cortège de Fayulu devenait plus agressif contre ces ‘‘ennemis’’ quasiment désignés, les ressortissants luba. A Kingasani Pascal, un quartier situé en face de la maison communale de Masina connu pour héberger de nombreux ressortissants de l’ex province du Bandundu autant que ceux du Kasaï, Martin Fayulu a eu droit à une portée en triomphe sur la voie publique.
Affrontements de type Kuluna
A hauteur du marché de la Liberté de Masina, à quelques km du lieu du meeting à Ndjili Ste Thérèse, des affrontements ont opposé ces jeunes fayulistes à ceux de Masina, blessant de nombreuses personnes ont rapporté des témoins au Maximum.
Ce n’est qu’autour de 17 h 30 que le cortège parti de l’aéroport international de Ndjili vers 13 h 30 a rallié la place Ste Thérèse, lieu du rassemblement autorisé. Le perdant à la présidentielle de décembre dernier s’est adressé à la foule qui l’attendait-là, expliquant que la plateforme électorale née à Genève en novembre dernier s’était muée en plateforme politique préoccupée par la reconquête de «son» pouvoir. C’est-à-dire le même que détient le président de la République, Félix Tshisekedi, que Fayulu a entrepris d’insulter vertement, à hue et à dia, sans grande cohérence dans les idées.
« Je remercie les amis de l’UDPS qui ont demandé à Tshisekedi de leur montrer l’accord qu’il a signé avec Kabila. Nous allons tous exiger ça », a lancé le candidat malheureux à la foule. « Félix Tshisekedi a fait la honte. Il a vendu le pays à Kabila », a-t-il encore accusé. Dénonçant au passage la dilapidation du budget de la présidence par le nouveau chef de l’Etat qui aurait, selon lui « dépensé le budget annuel alloué à la présidence en seulement 3 mois », Fayulu a ajouté : « Nous sommes rentrés pour demander sa démission ». De même qu’il a soutenu que les députés de la plateforme Lamuka doivent poursuivre le combat de l’opposition au sein des institutions dirigées par l’homme dont il réclame la démission par ailleurs.
Discours pour têtes vides ou à vider
Aux yeux de nombre d’observateurs, le perdant à la dernière élection présidentielle en RD Congo est dans une posture caricaturale consistant à semer la confusion dans les esprits pour affaiblir ses adversaires politiques CACH-FCC au pouvoir. « Il ne s’agit pas d’être cohérent vis-à-vis de l’opinion. Il s’agit de laver les cerveaux pour faire place à l’irrationalité la plus parfaite, celle qui permet d’inciter les populations à se comporter de la manière la plus sauvage qui soit », explique au Maximum un spécialiste de psychologie sociale de l’Université Pédagogique Nationale. C’est la politique de la tête vide, selon la formule pertinente d’un internaute kinois. Qu’il faut différencier de la politique de la chaise vide longtemps pratiquée par l’UDPS/Tshisekedi.
Ce faisant, Martin Fayulu s’inscrit dans la continuité du rôle qui lui avait déjà été assigné en novembre dernier, à la seule différence qu’il n’est plus dans la préparation d’une élection présidentielle. Depuis la réunion des leaders Lamuka le week-end dernier en Belgique, la plateforme genevoise a changé son fusil d’épaule et se charge de mobiliser désormais le « peuple pour une alternance démocratique et politique reflétant la vérité du choix des électeurs». Traduction : asseoir la contestation du pouvoir en place sous le prétexte fallacieux de la vérité des urnes. Bien que le peuple dont il s’agit se réduit pour l’instant à une frange d’électeurs bandundois de Fayulu.
J.N.
COME BACK D’UN PERDANT IRREALISTE : Fayulu, la politique de la tête vide
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