Fayulu-Matungulu-Muzito candidats président du Bandundu par atavisme régional suranné
De convulsions en convulsions depuis quelques années, l’opposition politique rd congolaise a quasiment rendu l’âme en terre étrangère le 11 novembre 2018. Alors qu’un groupe de sept de ses leaders s’étaient rendus depuis trois jours au rendez-vous de la dernière chance pour parler à l’unisson, convoqué à l’Hôtel Warwick de Genève en Suisse. Pour discuter de l’avenir de leur pays, les opposants auraient gagné en crédibilité interne en se réunissant en RD Congo, mais il n’en aura rien été, et ce ne fut pas de bon augure. Depuis 2016, les opposants cornaqués par le dernier gouverneur de la défunte province du Katanga, lui-même littéralement porté à bouts des bras par de puissants groupes d’intérêts étrangers, notamment miniers, n’arrêtaient pas de tirer sur la corde du ralliement inconditionnel aux puissances économiques occidentales pour faire pencher la balance des rapports politiques en RD Congo en leur faveur. A force de tirer dessus, la corde a fini par céder un bel après-midi, dans un établissement hôtelier huppé non loin la gare de Genève. A cause d’une de ces nébuleuses organisations créées pour tenir en laisse et « berner » les Africains dont l’Occident détient le secret de l’invention, la Fondation Kofi Annan.
Le coup de grâce d’Alan Doss
C’est Alan Doss, un ancien diplomate Britannique connu pour avoir dirigé la mission onusienne en RD Congo, qui a, involontairement assené le coup de grâce à l’unité de l’opposition radicale congolaise, pourtant rameutée pour se désigner un porte-étendard chargé, et c’est le hic, de contrarier un processus électoral naguère réclamé à cor et à cri. Genève a, contre toute attente, accouché d’un « candidat commun » diviseur de… l’opposition radicale elle-même, sa désignation au terme d’un vote à bascule ayant littéralement fait exploser en vol ce véritable château de cartes qu’a toujours été l’opposition politique radicalisée.
En se rendant à Genève le 9 novembre 2018, après une rencontre analogue une dizaine de jours plus tôt en Afrique du Sud, les sept leaders radicaux de l’opposition politique en RD Congo consacraient, en réalité, une division criarde de leurs rangs. Sept « leaders », dont au moins trois étaient non-partants à l’élection présidentielle de décembre prochain, ça ne paraissait pas suffisamment représentatif de l’ensemble des forces politiques opposés à la majorité de Joseph Kabila au pouvoir à Kinshasa. Parce que ce sont bien vingt candidats président de la République, tous hostiles au pouvoir en place à Kinshasa qui ont été admis à compétir contre le candidat Shadary soutenu par le Front Commun pour le Congo (FCC), la méga plateforme du président de la République sortant. Considérés comme du menu fretin, 16 des impétrants ont été superbement, et dédaigneusement, ignorés et ce ne fut pas la meilleure façon de resserrer les lignes dans les travées de l’opposition à Joseph Kabila. « Ils auraient au moins pu bénéficier d’une représentation », déplorait le week-end dernier un analyste onusien qui se confiait au Maximum. Mais, ainsi en avaient décidé les tireurs des ficelles, par ailleurs détenteurs des cordons de la bourse auxquels les porte-monnaies bien remplis semblent donner le droit de définir les critères d’admission à la « dignité » d’opposant en RD Congo depuis qu’un certain Moïse Katumbi Chapwe en a pris les rênes.
Une affaire de nantis
Genève semble avoir été une affaire des nantis de l’opposition politique radicale rd congolaise new look : au richissime dernier gouverneur de la riche province minière du Katanga s’est joint l’ancien chef rebelle et vice-président de la République, Jean-Pierre Bemba, qui ont pour la circonstance bénéficié de l’entregent de la Fondation Koffi Annan, comme pour badigeonner ce énième complot occidental contre le processus électoral rd congolais d’une couleur africaine. Moïse Katumbi voulait fébrilement obtenir des conjurés de l’Hôtel Warwick de Genève ce qu’il recherche depuis son départ « en soins médicaux » très politiciens en Occident : l’instauration d’une période de transition sans Joseph Kabila. Le préambule de l’accord politique signé le 11 novembre par les 7 leaders de l’opposition politique lui assure que « … seule l’unité de l’opposition peut (…) garantir un changement effectif ainsi que la rupture nécessaire avec la décadence actuelle du pays en provoquant une alternance à la tête du pays et dans les institutions de la République ». Le « candidat commun » de Genève a ainsi été investi de pouvoirs limités – on ne sait trop sur quelle base – à un mandat de deux ans consacrés à préparer une nouvelle élection présidentielle en RD Congo, ainsi que le révèlera par la suite Adolphe Muzito, l’ancien 1er ministre issu du parti de la gauche congolaise, PALU, mais qui s’est métamorphosé en agent patenté du capital occidental le plus arrogant en quelques années de pouvoir. Le même préambule rassure l’ancien chef de guerre, Jean-Pierre Bemba le warlord impénitent en lui garantissant la jouissance du butin de ses guerres des années ‘2000 en stipulant dès le premier paragraphe le « … ferme attachement au pacte Républicain de Sun City, consolidé par la Constitution du 18 février 2006, comme socle de normalisation de la vie politique, de la stabilité institutionnelle, du développement économique et de l’essor des conditions économiques et sociales des populations congolaises ». En fait, le retour aux acquis du partage du pays entre les anciens belligérants que ce candidat invalidé à la présidentielle de décembre 2018 a arraché à Genève.
Pas de place pour « petits prétendants … »
Dans ces conditions, peu ou pas de place pour « petits prétendants à l’orthodoxie démocratique » comme Vital Kamerhe et Félix Tshilombo Tshisekedi. Les deux leaders les plus représentatifs de l’opposition politique qui rêvaient pourtant tout naturellement de l’adoubement de leurs pairs invalidés pour faire le poids face à la machine électorale kabiliste bien huilée ont été littéralement désintégrés. Genève n’avait pas été conçu pour les beaux yeux… de leurs bases électorales respectives ni pour les populations rd congolaises en général, ainsi qu’ils s’en sont rendus compte à leurs dépens. La perspective d’une période de transition sans Joseph Kabila obtenue, le projet d’un retour aux accords de Sun City soutenu, c’est le principe de l’alternance géopolitique au pouvoir qui a prévalu.
A l’instigation manifeste du 3ème des candidats invalidés à la présidentielle de décembre 2018, Adolphe Muzito, qui n’a jamais dissimulé ses préférences pour une suprématie de « l’Ouest » sur « l’Est » et le « Centre » de la RD Congo à la prochaine présidentielle, Vital Kamerhe et Félix Tshilombo ont été proprement bernés et sacrifiés. Au nom de considérations géopolitiques qui ont la peau dure puisqu’elles font rage même au sein de la toute puissante Eglise catholique romaine rd congolaise où, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya est un de leur plus ardent défenseur.
Le vilain clivage Est-Ouest
C’est aussi au nom de ce clivage que le désormais ancien archevêque de Kinshasa était allé jusqu’à prêter les lieux de culte et même les fidèles catholiques de la capitale aux mousquetaires de l’opposition radicale engagés dans un féroce combat politicien au corps-à-corps pour « dégager » Joseph Kabila dès la mi-2017. L’engagement politique viscéral du prélat lui a valu une retraite expresse mais n’en demeure pas moins fortement encré dans certaines mentalités.
Le week-end dernier à Genève, il a suffi pour l’officiant du jour, Alan Doss, de modifier le mode de désignation du candidat commun de l’opposition pour faire pencher la balance en faveur d’un candidat de l’Ouest, plus précisément de l’ex province du Bandundu.
Kamerhe et Fatshi avaient pourtant été gavés de promesses de soutien à leurs candidatures respectives. Chacun des deux protagonistes était assuré en se rendant en Suisse du soutien de six autres leaders présents à Genève et s’en était ouvert à des proches. « C’est ce qui explique les rumeurs de victoires vantées par chaque camp le week-end dernier dans les réseaux sociaux », explique au Maximum ce cadre de l’UNC, désabusé par la tournure prise par les événements par la suite. Mais jusqu’au dimanche 11 dans la matinée, aucun consensus ne s’était dégagé sur l’un ou sur l’autre. Seulement des promesses superficielles de soutien en aparté, qui ont littéralement plombé, et corrompu, le vote, cette seconde alternative proposée par la Fondation Kofi Annan.
Des promesses fallacieuses de Fayulu et Matungulu
Rassurés par les promesses de soutien en leur faveur, de Freddy Matungulu et de Martin Fayulu notamment, Vital Kamerhe et Félix Tshilombo sont tombés dans le traquenard en accédant à la suggestion de passer au vote après avoir signé un bien curieux engagement sur l’honneur à interrompre leurs carrières politiques au cas où ils ne se pliaient pas au résultat. Sur son compte Twitter, Fatshi larmoie sur la ruse qui l’a coulé : «Cher frère Martin, au Nom du Dieu que nous prions toi et moi au Centre Missionnaire Philadelphie, je te demande de dire à l’opinion les termes de l’engagement que tu as pris devant moi, les yeux dans les yeux, une heure avant la réunion », rappelle-t-il à Fayulu. Mais les dés sont jetés et la suite est connue : les leaders politiques poids mouche de l’ex Bandundu (Freddy Matungulu et Martin Fayulu) se sont désignés entre eux, alors que l’UNC et l’UDPS/T avaient chacun porté son second choix sur eux. Au décompte des voix, ce sont ces politiciens ’ex Bandundois qui s’en sont le mieux tirés avec 3 voix chacun… le reste, qui a consisté en la désignation de Martin Fayulu, ne fut qu’une formalité. Le plus petit commun diviseur de l’opposition était ainsi placé sur orbite pour achever l’œuvre, et une nouvelle plateforme dénommée Lamuka (Réveillez-vous) créée pour incarner de manière plus ou moins crédible la remise à plat et le report des scrutins.
Fayulu : le plus petit commun diviseur
Mais le plus dur reste à venir pour l’opposition, assurément. Martin Fayulu, le candidat des invalidés et des minus habens de Bandundu à Genève, ne paie nullement de mine. Même la MONUSCO, habituellement réservée sur les tribulations des acteurs politiques en RD Congo, est sortie de sa réserve pour déclarer ostentatoirement que la désignation du restaurateur kinois ne faisait pas l’unanimité. Leïla Zerrougui, la représentante spéciale du Secrétaire Général des Nations-Unies en RD Congo l’a déclaré ‘expressis verbis’ mardi 13 novembre au Conseil de sécurité de l’ONU. L’homme est en effet loin, très loin de faire même un semblant d’unanimité : de Martin Fayulu, on se souviendra du reste comme du principal artisan de l’autre élection à bascule qui avait fait sensation à Kinshasa en 2006. Lorsque contre toutes les estimations qui donnaient le MLC de Jean-Pierre Bemba, et son candidat à la tête de la province de Kinshasa, Adam Bombole vainqueur de cette élection au second degré. Député provincial originaire du Bandundu, c’est Martin Fayulu qui fut à la manœuvre pour renverser les votes d’autres députés provinciaux du MLC originaires du Bandundu comme lui en faveur du PPRD André Kimbuta Yango qui l’avait « arrosé », rubis sur l’ongle. « Cela lui avait valu d’être le responsable financier de l’Alliance de la Majorité Présidentielle entre le 1er et 2ème tour de la présidentielle 2006 », confie au Maximum un cadre du parti présidentiel originaire de l’ex Bandundu. Qui n’a pas la moindre confiance en l’homme.
Genève a disloqué l’opposition
Convoqué pour consolider l’opposition politique à Joseph Kabila, Genève n’aura donc ‘in fine’ réussi qu’à l’émietter. Les cocus de l’agglomération Suisse, Vital Kamerhe et Félix Tshilombo ont non seulement vigoureusement dénoncé l’arnaque mais aussi résolument décidé d’aller aux urnes le 23 décembre prochain, en violation de leurs engagements devant Alan Doss.
Même si le conclave Suisse leur a fait perdre des plumes, ils conservent des soutiens à Kinshasa, dans les provinces Kasaiennes, Katangaises et de l’Est de la RD Congo. A l’UDPS, un appel à la mobilisation a d’ores et déjà été lancé pour réserver un accueil haut en couleurs à Félix Tshilombo Tshisekedi qui a annoncé son retour à Kinshasa samedi 17 novembre. Quant à lui, Vital Kamerhe a fait savoir que son parti politique et l’UDPS/T de Tshilombo regardaient dorénavant « … dans la même direction ». La direction de… l’Est.
Et que vogue la galère !
J.N.