C’est la panique parmi les candidats à l’élection présidentielle de décembre 2018 en RD Congo, depuis notamment que le camp du Chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, se met résolument en ordre de bataille et déploie ses biceps. Une mobilisation populaire monstre des kinois le 27 octobre 2018, suivie d’une gigantesque manifestation de présentation de l’équipe de campagne du candidat du Front Commun pour le Congo, et un assaut en règle sur Mbujimayi, le chef-lieu de la province du Kasai Oriental une ville réputée bastion de l’opposition politique : ça fait plus que trembler les murs. C’est l’édifice de l’opposition radicale (ou radicalisée), ou ce qui en tenait lieu, qui chancèle. Déjà. Au terme d’une rencontre convoquée en catastrophe, mercredi 7 novembre à Kinshasa, un groupe de 13 opposants comprenant même des candidats à la présidentielle dont les dossiers ont pourtant été invalidés par la cour constitutionnelle, a accouché d’une déclaration symptomatique. Le communiqué publié à l’issue de la réunion exige rien moins que la « radiation de la candidature du pouvoir sortant et l’annulation de la liste de tous les candidats du FCC », ce qui reviendrait ainsi à vider la compétition électorale de toute sa substance, en fait. Dans l’opinion à Kinshasa, le communiqué lu d’une voix chevrotante par le pasteur Théodore Ngoy au nom de Jean-Pierre Bemba, Moïse Katumbi, Marie-Josée Ifoku, Noël Tshiani, Vital Kamerhe, Martin Fayulu, Jean Mabaya, Adolphe Muzito, Freddy Matungulu, Seth Kikuni, Radjabho Tebabho, et Sylvain Maurice Masheke, fait… plutôt rire certains. « On les savait peu ou mal préparés à affronter les urnes, mais de là à proposer quasiment l’annulation des élections comme ils le font avec tant de maladresse, après les avoir réclamés à cor et à cri, c’est un peu fort du café », commente goguenard un étudiant en droit de l’université de Kinshasa, plutôt incrédule. « C’est la défaite électorale qui s’annonce », constate-t-il, amer.
Le communiqué du parfait rétropédalage
Le communiqué du pasteur Théodore Ngoy est, en effet, à tous égards le communiqué du parfait rétropédalage. « Nous appelons le peuple congolais d’user de tous les moyens de droit notamment de son droit de s’opposer par tous les moyens, par des manifestations publiques, à la parodie d’élections tendant à lui être imposer d’être dirigé par un président de la République, des sénateurs et des députés irrégulièrement élus et de faire échec au président de la République, au FCC, à la CENI et à tout individu ou groupe d’individus qui veut l’amener aux élections avec un fichier électoral corrompu, une machine à qui introduit un vote électronique interdit… », a-t-il déclaré. Alors qu’à Kinshasa et un peu partout en RD Congo, l’incapacité des acteurs politiques de l’opposition à mobiliser plus d’une centaine de manifestants crève les yeux depuis plusieurs semaines. « On se demande à quel peuple Congolais fait allusion ce pasteur qui tente vainement de se convertir à l’activisme politique, puisque personne ne veut plus suivre ces farceurs », s’interroge un autre étudiant, un tabloïd kinois qui affiche en première page les résultats d’un sondage qui donne le candidat du FCC gagnant à la présidentielle à la main. Et c’est peut-être là le grand dilemme que l’opposition politique a à résoudre en RD Congo : celui de sa perte de toute crédibilité, à force de verbiages creux et de mensonges grossiers cousus de fil blanc qui « donnent aux enfants du Bon Dieu l’impression qu’on les comprend pour des canards sauvages », selon la source.
Aucune crédibilité : le théâtre opposant ne captive plus
Même lorsque les opposants réunis mercredi 7 novembre à Kinshasa évoquent la violation de l’article 36 de la loi électorale relative à l’interdiction d’utilisation à des fins de propagande électorale des biens, des finances et du personnel de l’Etat pour appeler à des sanctions contre leurs adversaires du camp présidentiel, personne ne les croit plus. « La propagande ne commence officiellement que le 22 novembre prochain, de quelles preuves disposent ces opposants pour convaincre un juge que l’adversaire s’est déjà lancé dans la campagne électorale ? », s’interroge un observateur. Tandis qu’un autre avance qu’« il est plus facile d’accuser le FCC d’utiliser les fonds publics que de le prouver ».
En réalité, la situation des opposants est de moins en moins tenable sur l’échiquier politique congolais. La question de la désignation du candidat commun susceptible de faire valablement face au candidat du FCC à la présidentielle en décembre prochain demeure aussi lancinante. Un groupe de leaders politiques et de candidats à la présidentielle convié à un conclave à Genève en Suisse devrait en discuter ce week-end. De l’aveu même de Matungulu Ilankir, président d’un petit parti politique sans réelle base électorale mais néanmoins candidat président de la République, les discussions de Genève ne seront guère faciles.
Les observateurs notent, du reste, que l’UDPS/T de Félix Tshilombo Tshisekedi n’a pas participé à la réunion de mercredi dernier à Kinshasa. Un signe qui ne trompe personne.
Chez les petits candidats à la présidentielle de décembre prochain non plus ne règne pas la plus grande assurance. Au moins neuf parmi eux multiplient des réunions pour désigner leur candidat unique à la même élection présidentielle. « Parce que les autres nous ont dédaignés », se plaignent-ils. Seth Kikuni, un jeune candidat qui s’est rendu célèbre à Kinshasa en promettant de « supprimer » par un décret la radio-télévision publique aussitôt élu Chef de l’Etat pour « punir » son déficit de neutralité, ne s’en cache guère. «Quand l’autre côté a commencé les travaux pour désigner un candidat unique, ils ne nous ont pas invités. Nous ne pouvons pas aller nous coller à des personnes qui ne vous invitent pas », explique-t-il à la presse. Promettant que « dans les jours qui suivent, nous aurons notre candidat commun ». Qui vivra verra…
J.N.