Le nombre des victimes de la fièvre hémorragique à virus Ebola, déclarée dans la zone de santé de Beni au Nord – Kivu début août 2081 n’en finit pas de faire des victimes. Samedi 3 novembre, le nombre de décès enregistrés se chiffrait à 147 morts contre 81 guérisons sur 293 cas signalés. 24 heures plus tard, dimanche 4 novembre, le nombre de décès grimpait 151 personnes. Le rapport de l’équipe de riposte à l’épidémie du jour indique que sur les cas signalés, 50 cas suspects sont en cours d’investigation, tandis que 6 nouveaux cas étaient confirmés, dont 3 à Beni et 3 autres à Butembo, une cinquantaine de km plus loin.
Dans cette région où des leaders d’opinion en mal de positionnement avaient encouragé les populations à défier l’épidémie pour des raisons politiciennes, les derniers rapports des équipes de riposte affichent une légère amélioration des statistiques des vaccinés. Depuis le lancement des opérations le 8 août 2018, 25.845 personnes ont été vaccinées, dont 13.655 à Beni, 4.436 à Mabalako, 2.062 à Katwa, 1.663 à Mandina, 1.355 à Butembo, 690 à Masereka, 434 à Bunia, 355 à Tchomia, 240 à Komanda, 387 à Kalunguta, 178 à Oicha, 160 à Musienene, 130 à Vuhovi et 100 à Mutwanga.
A Vuhovi, une localité située entre Beni et Butembo, un décès dû à la fièvre hémorragique à virus Ebola a été rapporté jeudi 1er novembre 2018, en la personne de l’époux d’un cas confirmé décédé au Centre de Traitement Ebola (CTE) de Butembo le 26 octobre 2018. La victime « … avait refusé le suivi et le transfert au CTE. (Elle) est décédée au centre de santé de Vuhovi où le prélèvement a pu être effectué », selon les rapports de l’équipe de riposte.
Propagation entretenue par des leaders d’opinion
Dans la zone de santé de Beni, l’épidémie d’Ebola est ainsi partie de Mangina non loin de la capitale administrative du Grand Nord-Kivu pour s’étendre à Beni, Butembo, Oicha, Masereka, Musienene, Kalunguta (Nord-Kivu) et à Mandina, Tchomia et Komanda (Ituri). En approchant le chiffre alarmant de 150 décès dus à la fièvre hémorragique, la 10ème épidémie du genre en RD Congo aura tué 4 fois plus la dernière en date, qui s’était déclarée dans une partie de la province de l’Equateur au mois de mai 2018. La 9ème épidémie d’Ebola n’avait atteint que 54 personnes parmi lesquelles 33 sont décédées, selon les rapports du ministère de la santé publique. Le pic des décès dus à la fièvre hémorragique Ebola en RD Congo a été atteint en 1995, lorsque l’épidémie cause la mort de 254 personnes. En 2007, 187 personnes sont également mortes des suites d’Ebola au pays.
Au Nord-Kivu, la situation devient donc plus grave au fil des jours. Le 30 octobre 2018, le conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté à l’unanimité de ses 15 membres une résolution (n° 2439) demandant à toutes les entités compétentes du système des Nations-Unies d’accélérer leur intervention face à l’épidémie, et invitant le gouvernement de la RD Congo et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à intensifier la riposte. 8 jours auparavant, le 22 octobre 2018, l’Union Européenne annonçait avec quelque pompe un don de 7,2 millions d’Euros pour l’intensification de la lutte contre le virus. Un soutien qui « comprend l’expertise technique, les services aériens humanitaires, le financement de la recherche et l’assistance humanitaire », selon le communiqué pompeux publié par la représentation de l’organisation à Kinshasa.
Coût économique exorbitant
Parce qu’Ebola, c’est 53 milliards USD que l’épidémie a coûté à l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest atteint par la flambée de 2014, selon une étude du Journal of Infectious Diseases, cité par Reuters le 25 octobre 2018. Le Libéria, la Guinée et la Sierra Léone réunis, c’est encore moins que la RD Congo.
L’étude qui combine à la fois, les impacts économique et social de l’épidémie, indique que le coût global de la flambée d’Ebola en 2014, est le plus important, devant l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) qui a coûté environ 40 milliards $ en 2003, et l’éclosion du virus Zika dans les Amériques en 2015-2016 (20 milliards $). Ayant tué plus de 11 300 personnes principalement en Sierra Leone, en Guinée et au Liberia, les pertes économiques créées par l’épidémie avait été estimées 2,8 milliards $ en 2016 par la Banque mondiale, contre une prévision de 32,6 milliards $ annoncée en octobre 2014. Pour leur estimation, les auteurs du nouveau rapport ont pris en compte l’impact sur les travailleurs de la santé, les conditions dans lesquels vivent les 17 000 survivants de l’épidémie ainsi que le coût de leur traitement, le contrôle des infections, le dépistage et le déploiement du personnel au-delà de l’Afrique de l’Ouest. A ceci s’ajoute le coût des décès dus à d’autres maladies (paludisme, VIH/SIDA, rougeole), dont le traitement est délaissé, ajoutant près de 18,8 milliards $ à la facture totale.
Lundi 5 novembre 2018 sont arrivés à Kinshasa, le secrétaire général des Nations-Unies chargé des opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix, et le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus dans le cadre d’une visite consacrée à la propagation d’Ebola au Nord-Kivu. « C’est une visite conjointe OMS-Maintien de la paix, centrée sur le besoin de répondre le plus rapidement possible à la nouvelle flambée d’Ebola dans l’Est du pays et d’endiguer l’épidémie pour que les populations puissent reprendre le plus rapidement possible une vie normale. Ils rencontreront ici à Kinshasa les autorités nationales, ensuite ils se rendront dans la province du Nord-Kivu, ils rencontreront également les autorités locales et provinciales ainsi que les équipes qui sont chargées de la prise en charge sanitaire des patients atteints d’Ebola. Ils vont aussi rencontrer le leadership des Nations unies en RDC et évidemment la communauté humanitaire qui est mobilisée depuis plusieurs mois maintenant afin d’endiguer cette épidémie », a déclaré à la presse la porte-parole onusienne en RD Congo, Florence Marshal.
Taux de létalité : 30 à 90 %
S’agissant de l’affection elle-même, le virus Ebola est responsable de fortes fièvres et d’hémorragies souvent mortelles pour l’homme. Le taux de létalité se situe entre 30 et 90% selon les épidémies et l’espèce virale. Le réservoir naturel du virus serait la chauve-souris. Le virus Ebola a été découvert en 1976, lors des deux flambées épidémiques au Soudan et en République Démocratique du Congo. Depuis, une vingtaine de flambées épidémiques sont apparues en Afrique Centrale. En décembre 2013, le virus a atteint l’Afrique de l’Ouest, région qui était jusqu’alors épargnée par la maladie. En 2014, il provoque la plus grande épidémie connue jusqu’à présent.
Les chauves-souris frugivores sont probablement les hôtes naturels du virus Ebola. Le virus ne les rend pas malades mais il devient pathogène lors de l’infection d’autres animaux sauvages de la forêt tropicale (singes…). L’homme se contamine en manipulant ces animaux (viande de brousse, dépeçage,…). Le virus se propage ensuite dans les populations par transmission interhumaine.
Il se transmet entre les humains par contact direct avec le sang et avec des liquides biologiques de personnes infectées, ou par contacts indirects d’environnements contaminés par ces liquides. Le risque de transmission est nul pendant la période d’incubation, modéré dans les premières heures qui suivent l’apparition des symptômes et intense lorsque la maladie est installée. En revanche, les patients ayant réussi à guérir de la maladie ne sont plus infectieux. Il convient simplement de prendre des précautions car le sperme peut continuer de transmettre le virus jusqu’à plusieurs mois après la guérison clinique.
Les épidémies sont provoquées par les transmissions secondaires interhumaines. Celles-ci peuvent être facilitées si les précautions sont insuffisantes lors du soin des malades. Les rites funéraires au cours desquels les proches du défunt sont en contact direct avec la dépouille augmentent aussi fortement le risque de transmission du virus Ebola.
Pour stopper l’épidémie et la contagion interhumaine, certaines précautions anti-infectieuses doivent être suivies : se laver régulièrement les mains, isoler les malades, éviter tout contact de la peau et des muqueuses avec les liquides infectés. Pour cela, des barrières physiques sont indispensables : gants, masques, lunettes, combinaison, bottes, etc. Depuis quelques années, un vaccin expérimental est également utilisé en vaccination en anneau pour stopper la transmission du virus.
J.N.