En RDC, et sans doute beaucoup moins au Rwanda parce que la guerre ne s’y déroule pas, les immenses espoirs nés de la signature, le 27 juin 2025 d’un accord de paix entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays, sous l’égide de l’administration Trump, disparaissent sous les détonations et les bombardements. La guerre a repris droit de cité dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, malgré les négociations et les accords.
La seule chose qui semble mettre les anciennes colonies du Royaume de Belgique d’accord, manifestement, c’est la reprise des hostilités. Le langage des armes a repris le dessus sur la diplomatie, qatarie ou yankee, depuis la signature de l’accord-cadre de Doha entre la RDC et les rebelles de l’AFC/M23, le 15 novembre 2025.
Il n’y avait pourtant pas lieu de se leurrer outre mesure, Doha n’a réussi qu’accoucher, dans la douleur, de la poursuite de l’organisation des négociations en vue d’un accord de paix global et durable à l’Est de la RDC. D’accord de paix attendu, notamment pour permettre la signature de l’accord entre la RDC et le Rwanda dans le cadre du processus de Washington, il n’y en a point eu.
Le document signé se contente de mettre l’accent sur un cessez-le-feu (qui demeure théorique), il prévoit le rétablissement de l’autorité de l’Etat dans les zones occupées, il aborde la relance économique, la réinstallation des personnes déplacées, ainsi que les questions d’identité et de citoyenneté…
Lancé tambours battants par l’administration Trump avec la signature-surprise d’un pré-accord de paix entre Kinshasa et Kigali en juin dernier, le processus dit de Washington pour le retour de la paix en RDC se heurte, lui aussi, à d’immenses désaccords. La signature d’un accord économique régional, qui devait avoir lieu entre les présidents Tshisekedi et Kagame, a été reporté en raison d’obstacles persistants sur le terrain. Particulièrement, la présence des troupes et des mesures défensives du Rwanda sur le territoire congolais, dont Kinshasa ne veut pas entendre parler avant de s’engager dans des accords économiques avec son voisin rwandais.
Rien qui fasse bouger les lignes
Prévue le 23 octobre dernier, avant d’être reportée au 13 novembre puis au 21 du même mois, la signature de l’accord économique se heurte au refus de Kigali de retirer ses troupes et ses mesures défensives de la RDC avant l’anéantissement des FDLR.
La quatrième réunion du Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire, tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Washington pour tenter de surmonter ces obstacles et faire progresser les négociations sur l’avancement de l’ordre opérationnel de désengagement des forces (CONOPS) ne semble pas avoir réussi à faire bouger sensiblement les lignes, y compris sur le terrain des affrontements dans les territoires de l’Est rd congolais. Pour l’instant, Doha et Washington ont abouti à la nécessité de la poursuite des affrontements sur le terrain. Une sorte d’accord de guerre et donc, tout le contraire de l’accord de paix attendu.
Progression rebelle en territoire de Mwenga
Ces dernières 24 heures ont ainsi été marquées par une nette progression des rebelles sur le terrain des affrontements au Nord et au Sud-Kivu. Mardi 25 novembre 2025, l’AFC/M23 soutenue par l’armée rwandaise a conquis Kilungutwe, un village du territoire de Mwenga, après que les FARDC soutenus par les Wazalendo se furent repliées sur Kasika et Mwenga. De nombreux habitants de Mulanga, Chiyeshero et Kwirtwabaluzi, des villages riverains, ont dû abandonner leurs domiciles pour se réfugier dans les forêts alentours.
Mercredi 26 novembre, la coalition RDF/M23/AFC a attaqué la localité martyre de Kasika, devenue tristement célèbre depuis le massacre de 1000 civils par les rebelles du RCD/Goma soutenu par le même Rwanda en août 1998. Comme les habitants de Kilungutwe et de Kalama, ceux de Kasika (territoire de Mwenga) ont été contraints de trouver refuge dans les montagnes riveraines pour se mettre à l’abri des affrontements, ont rapporté des sources locales.
Mardi 25 novembre, les FARDC ont dénoncé le massacre de 8 civils à Katana par les rebelles de l’AFC/M23. Les faits sont survenus dans la nuit du dimanche 23 au lundi 24 novembre 2025, selon le communiqué rendu public à cet effet.
Dans un tweet sur son compte X, le Dr Denis Mukwege fait état de l’exécution sommaire de 22 personnes à Irhambi Katana «en représailles à des affrontements ayant opposé des groupes d’autodéfense locaux au groupe armé M23/RDF. Ces jeunes hommes, d’abord arrêtés, ont ensuite été exécutés par les éléments du M23. Parallèlement, filles, garçons, mères ou pères, subissent quotidiennement des sévices corporels en plein jour : certains succombent à leurs blessures, dans ce qui s’apparente à un nouveau royaume négrier en Afrique, dont Kigali tient les commandes», écrit le Nobel de la paix 2018.
Le 26 novembre dans la soirée, des sources locales ont signalé le redéploiement des FARDC et des Wazalendo sur les lignes de front vers Kasika, une localité réputée stratégique pour la conquête de la région.
Sur l’axe Mwenga, d’intenses bombardements des forces loyalistes ont également été rapportées, qui ont visé et touché Kilungutwe, Tubimbi et Kasika, même si la situation demeurait critique et susceptible d’évoluer à chaque instant. Le Rwanda renforce ses troupes et envoie de nombreux soldats sur la ligne de front à Mwenga, ont rapporté les mêmes sources. Kigali tente de contourner et d’encercler Uvira et se dirige, pour ce faire, vers Kindu et Kalemie, pense-t-on.
J.N.