A Kinshasa, capitale de la RDC, la saison pluvieuse apporte son lot de désagrément : pluies torrentielles, inondations, insalubrité. Nul n’est épargné. Le 1er citoyen de la ville-province de près de 18 millions d’habitants s’en trouve dans l’œil du cyclone. Le gouverneur Daniel Bumba Lubaki est en effet visé par des enquêtes hiérarchiques, de la présidence de la République et du ministère de l’Intérieur.
C’est donc tout sauf de la routine administrative. Le patron de l’Hôtel de Ville et de l’exécutif provincial fait face à deux audits, tous axés sur la gestion financière de la capitale. Le premier fait suite à une mission lancée par le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et sécurité, préoccupé par la gestion des finances de la capitale depuis 2024, année de l’arrivée aux affaires du 1er gouverneur UDPS de l’ère Félix Tshisekedi. Jacquemin Shabani Lukoo, membre du parti présidentiel lui-même, a exigé l’évaluation de l’exécution des marchés publics ainsi que l’état d’avancement des travaux en cours. Dans une correspondance, le 13 novembre dernier, le vice-premier ministre a mandaté l’Inspection générale de la territoriale (IGTER) pour examiner minutieusement la gestion, les modalités d’exécution de ces marchés et le degré de réalisation entrepris sous Daniel Bumba.
Opacité dans la gestion des fonds
On ne peut pas dire qu’entre les deux cadres du parti présidentiel, la confiance soit aveugle. Loin s’en faut. Le 8 novembre 2025, Jacquemin Shabani avait déjà lancé un ultimatum au gouverneur de la Ville de Kinshasa, lui enjoignant de fournir des éclaircissements sur la gestion des fonds alloués aux sinistrés des pluies dévastatrices d’avril dernier. Ce à quoi le 1er citoyen de la capitale congolaise répondit, dans une correspondance largement diffusée dans les médias, que la réponse à la crise humanitaire avait été confiée à une commission ad hoc interinstitutionnelle placée sous la tutelle directe du ministère de l’Intérieur. Donc, du vice-premier ministre Jaquemin Shabani lui-même.
«Toutes les opérations liées à l’assistance humanitaire, y compris la gestion des fonds, ont été coordonnées par cette structure nationale. Mon administration n’a été ni associée à la planification, ni à l’exécution des dépenses», écrivait en substance un Bumba défiant.
Des justifications qui n’ont guère amélioré l’état de la capitale, dont les artères sont littéralement noyées sous des torrents d’eaux pluvieuses après chaque pluie. Au cours du conseil des ministres du 14 novembre dernier, le président de la République y est revenu en tapant du poing sur la table pour dénoncer l’insalubrité de la capitale, attribuable à un manque flagrant de suivi dans la gestion de la salubrité publique. Estimant la situation «profondément alarmante, voire catastrophique», Félix Tshisekedi a annoncé la convocation urgente de tous les responsables concernés par le dossier, en annonçant des sanctions à venir s’il n’était observé aucun changement.
Félix Tshisekedi menace
Des changements, il n’y en a pas encore, de toute évidence. Le 22 novembre 2025, le cabinet du président de la République a diligenté une nouvelle enquête visant l’évaluation approfondie des opérations du Fonds d’assainissement de Kinshasa (FONAK), une institution publique chargée de financer et de promouvoir les initiatives d’assainissement ainsi que la protection de l’environnement dans la capitale. Le FONAK, c’est cette institution qui gère les fonds issus d’amendes transactionnelles, par exemple, pour soutenir des activités comme le traitement des déchets ménagers, la collecte et le curage des rivières, les campagnes de sensibilisation à la protection environnementale.
Dans les deux cas, il semble que la gestion du locataire de l’Hôtel de ville de Kinshasa s’avère rien moins qu’opaque. «Il se refuse radicalement à décentraliser la gestion financière du gouvernorat car il tient à contrôler personnellement tous les cordons de la bourse comme ses prédécesseurs qui se sont scandaleusement enrichis», confie une source proche du dossier, qui refuse d’en dire plus.
Deux audits simultanés sur la gestion financière du même homme, ça ne peut ne pas ressembler à deux bombes suspendues sur la tête du gouverneur Daniel Bumba, aux affaires seulement depuis un an et 7 mois.
J.N.