The Humanitarian a poursuivi la publication de ses reportages sur le calvaire des Congolais des territoires sous occupation de la coalition RDF/AFC/M23, coaché, il n’y a même plus de doute sur le fait, par Kigali. En territoire de Rutshuru, dans la partie du Nord-Kivu sous contrôle des envahisseurs, ce n’est pas le paradis. Loin s’en faut.
Accaparement des terres, assassinats… tout y passe. «On nous dit qu’ils traquent les FDLR, mais ce sont les paysans congolais qui sont dans leur collimateur», déclare Jean-Jacques (nom d’emprunt pour préserver sa sécurité), un journaliste de la région martyre. La méthode d’extermination des masses, amplement décrite par l’auteure britannique Michaela Wrong, n’a rien d’une innovation. Puisqu’elle porte la signature, facilement identifiable, du FPR de Paul Kagame, qui en fit largement usage lors de son épopée sanglante à travers le pays des Mille collines, dès les années ’94. C’est du nettoyage ethnique en règle.
Rutshuru, c’est là que l’insurrection a commencé, rappelle The Humanitarian. «C’est là que les rebelles ont construit l’un de leurs plus grands camps d’entraînement. C’est là qu’ils livrent encore certains de leurs combats les plus acharnés contre les groupes armés rivaux». En principe. Dans la pratique et la réalité, les populations locales survivent la peur au ventre. «Les organisations qui défendaient les droits et libertés fondamentaux ont déjà cessé leurs activités, et les militants des droits humains encore présents vivent dans la peur et le désespoir face à l’avenir», a déclaré un militant de Rutshuru, un territoire majoritairement rural.
Rebelles hutu, plus mythiques que réels
Ici, le M23 sévit depuis 2021. «Le groupe, armé et soutenu par des milliers de soldats du Rwanda voisin, est particulièrement sensible à la présence des FDLR», à en croire le discours officiel, de Kigali et de ses supplétifs congolais. Il a «lancé des offensives répétées qui ont durement touché les habitants : des massacres de civils et des restrictions d’accès aux terres agricoles où les rebelles hutu seraient actifs ont été signalés». C’est connu dans la région : le prétexte de la présence des rebelles hutu, ressassé depuis trois décennies, n’est qu’un leurre caricatural. Ce sont des populations civiles de cette ethnie que l’on retrouve des deux côtés de la frontière qui sépare la RDC et le Rwanda, qui sont ciblés. Systématiquement. Les interdictions d’accès aux champs n’ont d’autres buts que de tuer à petit feu ces paysans qui vivent de leurs cultures champêtres. La méthode compte, elle aussi, parmi les stratégies d’extermination mise en œuvre par les armées de Paul Kagame. «Des prisonniers détenus par le M23 à Rutshuru ont décrit des conditions de vie effroyables et des cas d’exécutions sommaires, tandis que certains agriculteurs ont affirmé que leurs terres avaient été confisquées par les rebelles pour nourrir leurs combattants», révèle à ce sujet The Humanitarian.
Pourtant, à Rutshuru, «certains civils espéraient que la proximité géographique de la région avec le Rwanda leur permettrait d’obtenir plus de clémence sous le M23 et les troupes rwandaises, mais ils ont subi l’un des plus lourds fardeaux de la rébellion», apprend-on encore. De nombreux paysans cultivant leurs champs ont été tués par le M23, selon des témoignages recueillis. «Ils nous disent qu’ils traquent les FDLR dans la brousse, mais ce sont les paysans qui meurent», déclare cet agriculteur. «De nombreux habitants d’ici sont allés travailler dans les champs et ne sont jamais revenus», révèle-t-il encore. Ajoutant que les familles des victimes qu’il connaît «n’avaient pas été autorisées à offrir aux défunts un enterrement digne ni à organiser une cérémonie de deuil».
Des terres confisquées, des populations affamées
A Kiwanja, dans le même territoire de Rutshuru, la coalition RDF/M23/AFC est allée plus loin que l’interdiction d’accès aux champs. Les habitants ont confié à The Humanitarian que «les chefs rebelles se sont appropriés des terres, privant les petits exploitants agricoles de leur principale source de revenus». Et les habitants sont convaincus que les terres ainsi confisquées servent à nourrir les combattants et à générer des profits. «Plusieurs d’entre eux ont déclaré avoir vu des officiers rebelles arriver en jeep pour délimiter les parcelles avant d’amener des tracteurs pour démarrer les activités agricoles».
De rebelles hutu des FDLR capturés par l’armée rwandaise et ses supplétifs, peu en ont aperçu à Rutshuru, 4 ans après le déclenchement des hostilités théoriquement destinées à les éradiquer en lieu et place du gouvernement et des forces loyalistes congolaises.
J.N.