Alors que les pelouses congolaises jaunissent sous la poussière de l’abandon et que les stades deviennent des éléphants blancs, rouillés par la pluie et les promesses creuses, la RDC est prête à conclure le sponsoring d’un club étranger, l’As monaco avec près de 5 millions d’euros des fonds publics.
4,8 millions d’euros pour afficher le logo de la RDC sur les vareuses du club de la principauté dans une opération de “nation branding” qui semble tout droit sortie d’un cabinet de communication déconnecté de la réalité du terrain.
Entre-temps, au pays, le championnat national ressemble plus que jamais à un vieux moteur calé avec des matchs annulés, des clubs fauchés et des jeunes talents en errance.
Supporters déçus
Que la RDC trouve près de 6 milliards FC à dépenser à l’extérieur, est considéré comme un non-sens. «On ne bâtit pas une maison en or à l’étranger pendant que son propre toit fuit à la moindre pluie.
Pourquoi ne pas financer les clubs locaux, moderniser la Linafoot, numériser les droits TV, et redonner à notre football sa fierté perdue ? C’est à cette priorité que nous devons penser, pas à du marketing importé», s’indigne un supporter.
«On veut “donner de la visibilité” au pays, mais visibilité de quoi ? Des stades fantômes comme celui de Matadi ? Des tribunes effondrées comme à Katoka (Kananga) ? C’est du “maquillage de façade”, pas du développement. Le branding efficace se construit sur la base d’un écosystème solide, pas sur un chèque aux clubs européens. C’est la RDC elle-même qui doit briller par ses champions, pas par son logo perdu sur une manche», reprend en échos un autre sportif désabusé.
Pour des observateurs, il est étonnant que ces sponsoring interviennent alors que le pays ne dispose d’aucune académie, centre de formation, en l’absence d’un jumelage entre la Linafoot et Monaco. Juste une promesse floue d’“image”.
«C’est du one way sponsorship, une voie à sens unique: on paye, ils encaissent.
Des hôpitaux sans pansements, des écoles sans bancs, des jeunes sans emploi, et pourtant, l’État trouve des millions d’euros pour “communiquer” en Europe ?
C’est une gifle pour ceux qui n’ont même pas de terrain plat pour taper dans un ballon. C’est une provocation silencieuse dans un pays où un enfant meurt de malaria toutes les heures. Ce n’est pas un projet, c’est un mépris institutionnalisé», s’insurge cet autre compatriote.
Alors que le parlement reste souvent silencieux face à ce dossier, Serge Nkonde Shembo, député national et ancien ministre des Sports, vient de saisir à ce sujet le bureau de l’Assemblée nationale pour que la lumière soit faite sur ce projet douteux.
Une voix qui résonne comme un sifflet à la 90ème minute. Nkonde exige des réponses. Il veut des comptes et rappelle que la fonction parlementaire, c’est aussi et surtout un bouclier contre la mauvaise gouvernance. En interpellant le ministre des Sports Didier Budimbu, il ne fait pas de la politique, il fait son travail.
Son action n’est pas isolée, elle est un signal, un appel au réveil de tous ceux qui croient encore que le sport congolais peut se relever, par le bas, mais vers le haut.
Serge Nkonde se demande ainsi où sont les clauses concrètes. Mieux, il veut savoir ce qu’il en est d’un autre contrat avec un club espagnol, gardé secret jusqu’ici. Car en fait, les Congolais méritent d’avoir des explications qui rassurent et non des slogans ministériels.
Donc, pas d’AS Monaco sans d’abord sauver l’AS Vita, DCMP, Lupopo, Don Bosco, Sanga Balende etc.
Si l’État veut aider le sport, qu’il commence par la maison. Si la RDC veut rayonner par le football, qu’elle relance ses compétitions, forme ses arbitres, paie ses joueurs, restaure ses stades.
Mettre un logo sur un maillot européen, c’est peut-être bon pour une photo, mais ce n’est pas du développement. Et ce n’est pas ce que mérite notre peuple.
Didier MBOKANDJA