Selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), les dix millions USD destinés à la rénovation de Muanda, cité côtière du Kongo Central ont disparu. La Ligue congolaise de lutte contre la corruption (LICOCO) qui relaie l’information met en cause Didier Budimbu, ancien ministre des Hydrocarbures et actuellement à la tête du ministère des Sports et Loisirs «pour avoir siphonné 200.000 USD à titre personnel, tandis que Michelle Makengo, cheffe du Comité de gestion du Fonds Muanda (CGFM) qu’il a nommée, aurait perçu 132.630 USD en frais de mission fantaisistes. Entre projets fictifs, comptes opaques et violations des procédures, près de 9 millions USD se sont évaporés, plongeant Muanda dans un désastre socio-économique».
Pour la LICOCO, Didier Budimbu doit être révoqué. L’ONG exige également l’arrestation des responsables et une mobilisation citoyenne pour briser l’impunité.
Le rapport de l’IGF indique que ce fonds, issu d’un avenant n° 9 signé entre l’État congolais et la société pétrolière Perenco, était destiné au financement des projets locaux pour l’amélioration des infrastructures et des conditions de vie à Muanda. En somme, près de 90% de cet argent aurait été tout simplement dilapidé. LICOCO affirme que plus de 8 millions USD ont été injectés dans des projets «non réalisés ou inachevés tandis que 700.000 USD demeurrent introuvables dans les comptes».
Budimbu et Makengo mis en cause
L’IGF accuse Didier Budimbu de s’être «personnellement attribué les 200.000 USD sans justification». Michelle Makengo, nommée par ce dernier à la tête du Comité de gestion du fonds de Muanda (CGFM), aurait perçu 132.630 USD en frais de mission, malgré l’absence de lien concret avec Muanda. Pire, le siège du comité a été installé à Kinshasa, à plus de 300 km de la zone concernée, rendant toute supervision locale impossible.
L’enquête révèle également des violations graves des procédures: paiements en espèces non documentés, recrutements fictifs, et absence de déclaration fiscale pour le comité. «Ces pratiques violent les lois sur les marchés publics et sapent tout espoir de développement pour Muanda», dénonce la LICOCO dans un communiqué.
Face à l’ampleur de ces malversations, l’ONG réclame la «révocation immédiate» de Didier Budimbu par le président Félix Tshisekedi, ainsi que l’arrestation des responsables impliqués. Elle appelle par la même occasion les habitants de Muanda à se mobiliser pour «exiger justice et transparence».
À ce jour, ni le ministère des Hydrocarbures ni la présidence de la République n’ont réagi à ce rapport. Les démarches entreprises pour entendre Didier Budimbu à ce sujet sont restées vaines.
Ce scandale remet sur le tapis la problématique de l’impunité de certains dirigeants alors que la RDC est classée parmi les pays les plus corrompus au monde par Transparency International.
Pendant ce temps, du côté de Muanda, la population est indignée, à l’image de ce responsable local qui s’interroge «où est parti tout cet argent ?» au moment où les écoles et les routes sont délabrées.
Le dossier Muanda pourrait constituer un test pour l’engagement de la RDC dans la lutte contre la corruption. Pour rappel, après la signature de l’avenant 9 entre la Société Perenco et le gouvernement congolais, Kinshasa avait alloué un montant de 10 millions USD pour le développement de la ville de Muanda.
Le 18 mars 2022, sur décision de Didier Budimbu, alors ministre des Hydrocarbures, le Comité de gestion du fonds Muanda avait été publié et des personnes furent nommées pour la gestion de ce fonds.
C’est après que la société civile de Muanda ait dénoncé à maintes reprises la mauvaise gestion de ce fonds par les membres du CGFM que l’Inspection générale des Finances a diligenté une mission de contrôle le 26 juillet 2024.
Le rapport de la mission de l’IGF, cité par LICOCO révèle de graves révélations sur la gestion du fonds de Muanda dont les responsables sont nommément cités. Particulièrement l’ancien ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, qui avait pris la décision de créer le fameux Comité de gestion du Fonds Muanda.
Nommée présidente du Comité de gestion du fonds Muanda, Michelle Makengo qui s’est octroyé les frais de mission de l’ordre de 132.630 USD avait préféré installer le bureau du CGFM à Kinshasa au lieu de Muanda.
Entretemps, des projets conçus sur base de ce fonds restent inachevés, arrêtés ou non entamés alors que plus de 8 millions USD ont été engloutis, selon le rapport de contrôle de l’IGF.
Le CGFM n’a jusqu’à ce jour pu justifier l’usage de plus de 700.000 USD.
Plusieurs autres griefs sont retenus contre les responsables du CGFM dont entre autres, la violation du processus des marchés publics, le non-paiement de l’IPR des agents, le paiement en espèce d’un montant supérieur à 10.000 USD à certains fournisseurs et prestataires, le recrutement des prestataires fictifs, etc.
La LICOCO encourage le parquet général près la Cour d’appel de la Gombe, qui a déjà ouvert une action judiciaire contre certains membres du CGFM de procéder à l’arrestation immédiate de Michelle Makengo, de son directeur financier et de tous les responsables des sociétés qui ont perçu l’argent pour exécuter les travaux.
«Quant au ministre Budimbu, étant donné qu’il est au gouvernement, la LICOCO demande au président de la République de le révoquer dans l’immédiat et le transférer devant les Cours et Tribunaux pour justifier la gestion du CGFM qui était sous son autorité. La LICOCO demande à la population de Muanda d’exiger au président de la République de sanctionner son ministre et toutes les personnes impliquées dans le détournement de ces fonds», insiste Ernest Mpararo, secrétaire exécutif de la LICOCO.
JMK