Elon Musk, responsable de l’efficacité gouvernementale dans l’administration Trump, l’a formellement déclaré. Washington envisage la fermeture de l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Une décision qui pourrait intervenir dans le cadre de la réorganisation de l’aide extérieure américaine, mais qui aurait des répercussions hautement négatives en RDC, un des principaux bénéficiaires sur le continent. En attendant cette fermeture de l’USAID, une suspension de 9O jours du financement de l’agence a d’ores et déjà été décidée par un décret de la nouvelle administration portant sur le gel de l’aide étrangère, à l’exception d’Israël, de l’Egypte et de l’aide alimentaire d’urgence. Elle «affecte gravement les projets de sécurité alimentaire, d’eau, d’hygiène et d’assainissement à Minova (Sud-Kivu). Elle réduit considérablement la capacité des acteurs humanitaires à répondre aux urgences dans le Sud-Kivu comme dans le Nord-Kivu pendant cette période», alerte Ocha.
Selon des données de l’Ambassade des Etats-Unis en RDC rapportées par Ecofin, l’USAID a fourni plus de 6 milliards USD d’assistance humanitaire et de développement à la RDC au cours de ces 10 dernières années, soit une moyenne de 600 millions USD/an.
En 2024, des initiatives majeures avaient été annoncées, notamment une aide supplémentaire de 424 millions USD, dont 414 millions pour l’aide humanitaire en réponse aux conséquences des conflits et des déplacements, et 10 millions pour l’assistance sanitaire contre le Mpox, selon la même source.
Deuxième plus grand bénéficiaire
Et, la RDC est devenue le deuxième plus grand bénéficiaire du financement de l’USAID en 2024 (après l’Ukraine), selon le Foreign Assistance, un portail gouvernemental américain. Du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024, Kinshasa a ainsi reçu 1,344 milliards USD. Au cours de l’année fiscale 2023, le financement pour la RDC s’est élevé à 990 millions USD, et en 2022, il s’est chiffré à 907 millions USD.
Selon des sources officielles, l’administration Trump reproche à l’agence américaine des «insubordinations» internes qui rendraient impossibles l’examen prévu de ses activités. L’agence agirait en décalage avec les priorités stratégiques des Etats-Unis, selon des médias.
Mais les ressorts de la détestation de l’USAID par Trump résident peut-être ailleurs, dans les déboires judiciaires essuyés par le nouveau président américain ces derniers mois, selon Owen Matthews, écrivain, historien et journaliste américain. La deuxième procédure de destitution de Donald Trump au cours des derniers jours de sa première présidence s’était fondé sur les enquêtes d’un groupe anti-corruption financé par l’USAID. L’OCCRP, un de ces groupes, avait reçu 20 millions USD de financement pour ses activités en Arménie, en Biélorussie, en Géorgie, en Moldavie, en Ukraine et dans les Balkans occidentaux.
Se concentrer sur les intérêts américains
L’équipe Trump explique ainsi que la politique étrangère américaine devrait se concentrer sur la promotion des intérêts américains plutôt que sur l’amélioration du monde. «La politique étrangère américaine s’est longtemps concentrée sur d’autres régions tout en négligeant la nôtre… Cela prend fin maintenant», déclare à ce sujet Marco Rubio, secrétaire d’Etat américain. Et selon Owen Matthews, «la fermeture de l’USAID marque une reconnaissance par Washington que le monde unipolaire de l’après-guerre froide est terminé – et que l’Amérique se désengage de son rôle vieux de 😯 ans de gendarme mondial et d’arsenal de la démocratie».
Ça se murmurait, en fait. Pour ses détracteurs, l’agence américaine de développement n’était rien d’autre qu’un «nid d’espions», ou de façon plus commode, un soft power très efficace. Doté d’un budget annuel de 50 milliards USD, l’USAID a systématiquement financé des activités de l’opposition et des médias dans le monde entier qui n’existeraient pas autrement. Ses programmes ont joué un rôle déterminant dans l’incitation aux manifestations et aux révolutions en Ukraine, en Moldavie, en Géorgie et en Roumanie. Et, selon les critiques, les groupes financés par Washington furent en réalité une cinquième colonne de l’influence américaine à travers le monde. «L’USAID, qui est une façade de la CIA, a investi 5 milliards USD pour financer les émeutes de 2014 en Ukraine», a déclaré Carlson Robert F. Kennedy Jr – dont l’oncle, John F. Kennedy, avait fondé l’agence en 1961, révèle Owen Matthews.
Néanmoins, s’agissant de la RDC, selon Jacques Mukena, spécialiste en gouvernance et économie à Ebuteli, l’hypothèse selon laquelle les Etats-Unis pourraient chercher à négocier pour maintenir ces aides n’est pas à écarter. «Il y aura peut-être une obligation pour le pays de s’aligner davantage sur les intérêts stratégiques des Etats-Unis. Ils pourraient exiger une réduction de l’influence chinoise, notamment sur le contrôle des minerais stratégiques», explique-t-il à RFI.
J.N. AVEC LE MAXIMUM