En RDC, les forces d’agression rwandaises et leurs affidés de l’AFC-M23 ont encore marqué un grand coup en s’emparant, mardi 22 janvier 2025, de l’agglomération de Minova (Sud-Kivu), à quelques encablures de la ville de Goma. Une progression dans l’occupation du territoire du voisin congolais qui, pourtant, n’enlève rien au fait que Paul Kagame, que d’aucuns dans la région qualifient de ‘‘Hitler africain’’, n’a jamais été aussi près d’un lâchage par ses mentors occidentaux. De la bienpensante communauté internationale ultra-méditéranéenne et atlantique qui l’a porté à bout de bras depuis près de trois décennies fusent des signaux qui ne trompent guère. A commencer par les gros bras du régime rwandais eux-mêmes.
Trente années d’occupation larvée et de pillages systématiques des ressources minières de la RD Congo après, il est devenu de plus en plus difficile de justifier l’humainement inacceptable. Et de faire valoir les vieux prétextes éculés de la «menace FDLR contre Kigali» et de la protection du parrain Kagame des minorités rwandophones rd congolaises, alors que des preuves accablantes d’exploitation des riches mines stratégiques du Nord-Kivu s’accumulent. En même temps qu’il devient impossible de dissimuler les souffrances indicibles imposées aux populations civiles inoffensives congolaises contraintes à l’errance et à d’atroces souffrances du fait de l’expansionnisme et de la brutalité des troupes rwandaises déployées sur le territoire congolais.
Selon le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies, les violences en cours dans la partie Est de la RDC ont occasionné le déplacement de plus de 230.000 personnes depuis le mois de janvier 2025. Les statistiques onusiennes revèlent que pour la seule période du 1er au 6 janvier 2025, ce sont bien quelque 150.000 personnes qui ont été obligées de fuir leurs foyers suite aux incursions armées des éléments de Rwanda defense forces (RDF) qui ne parviennent plus à se cacher derrière les renégats congolais de l’AFC-M23. Dans l’ensemble, ce sont déjà 4,6 millions de personnes qui ont été contraintes de quitter leurs foyers dans les seules provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu pour chercher des abris précaires à l’intérieur de leur propre pays.
Un rapport onusien de plus
Ces statistiques alarmantes, publiées le 17 janvier courant, en rajoutent aux révélations du dernier rapport d’experts des Nations Unies sur le conflit de l’Est rd congolais, porté à la connaissance de l’opinion 48 heures plus tôt. Elles révèlent l’hégémonisme prédateur effréné du président Paul Kagame dans la région des Grands Lacs. Tous les arguments sont bons pour légitimer l’interventionnisme débridé de la principauté militaire en place à Kigali dans les provinces congolaises voisines du Nord et du Sud-Kivu.
Dans le courrier de transmission de leur rapport à mi-parcours à la présidente du Conseil de sécurité de l’ONU, le 27 décembre 2024, les auteurs sont explicites à souhait. «Au Nord-Kivu, un cessez-le-feu conclu entre la République démocratique du Congo et le Rwanda n’a pas empêché la coalition AFC-M23, disposant de l’appui constant de la Force de défense rwandaise (RDF), de s’étendre considérablement, notamment dans le territoire de Walikale, riche en minéraux», font-ils observer. Sans mettre de gants, ils relèvent les motivations économiques de cette guerre en territoire congolais. «La coalition AFC-M23 a pris Rubaya, qui possède la plus grande mine de coltan de la région des Grands Lacs. Elle a mis en place une administration parallèle, qui contrôle les activités minières, le commerce, le transport et l’imposition des minéraux produits. Au moins 150 tonnes de coltan ont été frauduleusement exportées vers le Rwanda et mélangées à la production rwandaise, donnant lieu à la plus grande contamination jamais enregistrée à ce jour des chaînes d’approvisionnement en minéraux dans la région des Grands Lacs», révèlent les experts onusiens.
Kigali commande Makenga qui commande Nangaa
Sur l’organisation militaire des supplétifs congolais de l’armée rwandaise, pas d’ambages également dans le rapport de l’ONU. «Le M23 est resté sous le commandement militaire global du «général» Sultani Makenga, qui a continué à recevoir des instructions et un soutien de la RDF et des services de renseignement rwandais… (et) le M23 est resté la branche militaire de facto de l’AFC de Nangaa (qui) a continué de demander l’autorisation de Makenga pour chaque opération».
Le dernier rapport d’experts onusiens sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC fait également état de la présence de 4.000 soldats rwandais dans les territoires de Nyiragongo, Rutshuru et Masisi au Nord-Kivu. Il est sinalé qu’au cours de leur avancée dans le territoire de Walikale, «chaque unité du M23 était supervisée et soutenue par les forces spéciales de la RDF». Même si au sujet du nombre de militaires rwandais qui ont envahi le territoire de la RDC, des sources de la société civile du Nord-Kivu estiment qu’il peut se chiffrer à 10.000 hommes, voire plus.
C’en est trop, même pour les complices traditionnels de Paul Kagame, qui se rebiffent au fur et à mesure que tombent ces rapports dénonçant l’invasion des forces gouvernementales rwandaises au Congo assaisonnée des drames des massacres et du pillage des ressources économiques de ce pays. Washington, Londres et même Paris ont réagi, soutenant le rapport d’experts onusiens et exigeant de Kigali le retrait de ses troupes déployées sur le territoire de la République Démocratique du Congo.
Un véritable cauchemar pour un Kagame coutumier des artifices et des circonvolutions qui permettaient à ses parrains de bloquer la publication de ce type de documents accusateurs.
Des signes qui ne trompent pas
Le 16 janvier 2025 à Kigali, le président rwandais est sorti de ses gongs pour la seconde fois en l’espace de deux semaines, pour entretenir les médias et le corps diplomatique… du conflit à l’Est de la RD Congo essentiellement. Ça ne s’était jamais vu auparavant: dans un discours décousu et empreint de nervosité, Paul Kagame a alterné attaques acerbes contre l’ONU et la communauté internationale et tentatives de justification de la présence de ses troupes au Congo, le pays voisin auquel il a consacré plus d’une heure de son adresse au corps diplomatique accrédité à Kigali. Sans convaincre grand monde, selon des observateurs.
Des signes que les sols ont tendance à se dérober sous les pieds du régime dictatorial installé au Rwanda depuis le milieu des années ’90 se multiplient et hantent littéralement celui qui s’enorgueillissait d’avoir été le tombeur, au propre comme au figuré, de l’ancien président Juvénal Habyarimana. L’homme perd de plus en plus de sa superbe, ainsi qu’en attestent de récents revers diplomatiques en Europe. En effet, le 24 décembre 2024, les Pays-Bas ont opposé une fin de non-recevoir formelle à la demande d’accréditation d’Alfred Gasana, ancien ministre de l’Intérieur et chef de la sécurité du Rwanda, proposé comme ambassadeur à La Haye six mois auparavant.
Au mois de juillet 2024, c’était le royaume de Belgique qui avait déjà refusé d’accréditer Vincent Karega, un diplomate – barbouze désigné par Paul Kagame 4 mois plus tôt après son expulsion de la République Démocratique du Congo.
Au cours de la même période, le gouvernement égyptien du président Abdel Fattah al-Sissi avait éconduit le général Dan Munyunza, un autre sécurocrate rwandais (il est cité comme l’auteur du tir de roquette qui avait abattu le Falcon 50 transportant les présidents rwandais Habyarimana et burundais Ntaryamira en 1994 déclenchant ipso facto le génocide rwandais) désigné comme ambassadeur au Caire par Paul Kagame.
La publication, de plus en plus fréquente, des rapports onusiens qui documentent les crimes à charge du régime du président Paul Kagame apparaît dans ce contexte comme un signe anonciateur d’une glaciation imminente de la dictature décomplexée du Rwanda. «Il fut un temps où ils étaient systématiquement étouffés et mis au placard», note avec satisfaction Jean-Luc Habyarimana, fils du défunt président rwandais.
Multiplication des rapports dénonciateurs
L’année 2025 pourrait s’avérer encore plus cauchemardesque pour l’homme fort de Kigali, dont un des plus grands soutiens, les Etats-Unis d’Amérique, paraît de plus en plus imprévisible. Selon plusieurs observateurs, le retour Donald Trump à la Maison blanche ne serait pas de bon augure pour Kigali.
Le successeur de Joe Biden a nommé le sénateur républicain Marco Rubio au poste de secrétaire d’Etat en remplacement d’Antony Blinken. Cet élu de la Floride est notoirement connu pour ses critiques virulentes contre le président rwandais dont il n’a eu de cesse de contester les méthodes brutales de gouvernance. Rubio, qui s’était véhémentement elevé avec d’autres de ses collègues contre l’enlèvement et l’embastillement arbitraire de l’opposant rwando-américain Hutu Paul Rusesabagina, ne peut certainement pas être compté parmi les admirateurs du dictateur rwandais.
La composition de la nouvelle équipe de l’administration Trump paraît d’autant moins rassurante pour Kagame et ses phalanges qu’on y attend également des personnalités comme Peter Pham au poste de sous-secrétaire d’Etat chargé de l’Afrique. Dans un article publié en novembre 2024, ce spécialiste de l’Afrique, qui avait déjà servi deux fois pendant la première administration Trump, a laissé entrevoir l’orientation de la future politique africaine du nouveau locataire de la Maison Blanche : elle sera fonction des menaces russe, chinoise et accessoirement, iranienne pour les intérêts américains. En conséquence, «là où il est stratégiquement judicieux de s’engager, les Etats-Unis doivent être prêts à offrir une meilleure proposition de valeur que les rivaux de l’Amérique», estime Peter Pham. La politique du président Donald Trump qui se concentrera plus sur le commerce plutôt que sur l’aide humanitaire, incluera donc selon cet expert, «la poursuite de l’investissement américain majeur de Biden dans le corridor de Lobito, la liaison ferroviaire qui vise à assurer que les minéraux essentiels de la Zambie et de la République démocratique du Congo circulent vers l’Ouest et non vers l’Est, en direction de la Chine».
Trump et le Corridor de Lobito
Or, c’est connu depuis une semaine grâce aux révélations de Molly Phee, la Madame Afrique de l’administration sortante de Joe Biden, les Etats-Unis ont proposé d’étendre le projet de cet investissement africain emblématique à l’Est de la République Démocratique du Congo en tant qu’incitation à la conclusion d’un accord de paix, mais le Rwanda de Kagame s’y est opposé dans le but manifestement de protéger ses rapines au Congo qui ne peuvent pas prospérer sous le regard du grand frère américain. «Nous avons proposé aux deux parties que si nous parvenions à stabiliser l’Est de la RDC, nous pourrions travailler au développement du couloir de Lobito à travers l’Est de la RDC. Nous avons essayé d’offrir des incitations positives, un véritable cadre – bien négocié par les parties – existe, et pour l’instant, le Rwanda semble s’en être éloigné», a déploré la diplomate américaine.
L’expansionnisme et le bellicisme qui sont devenus une seconde nature chez Paul Kagame, se dressent donc en porte-à-faux face à la politique de la nouvelle administration américaine qui privilégie les investissements lourds de l’Oncle Sam, lesquels passent inévitablement par l’instauration de la paix dans la région des Grands Lacs pour s’assurer que tout aille pour le mieux dans le circuit des approvisionnements des minerais stratégiques de la RDC et de la Zambie dont les Etats-Unis ont besoin.
C’est une raison suffisante pour que Washington, sous le leadership d’un Donald Trump sans état d’âme, envisage de lâcher Paul Kagame et son brigandage à la petite semaine, selon des observateurs.
J.N. AVEC LE MAXIMUM