A l’aube du deuxième mandat de Donald Trump, le 47ème président des Etats-Unis, plusieurs personnalités sont pressenties pour occuper des postes de responsabilité en lien avec le continent africain au sein de sa future administration.
Ces dernières semaines, John Peter Pham, ancien envoyé spécial pour les Grands Lacs puis pour le Sahel sous le premier mandat de Donald Trump, a multiplié les prises de contact avec l’entourage du nouveau locataire de la Maison Blanche. L’ancien directeur du think tank Atlantic Council qui aime bien arborer un nœud papillon fait office de grand favori pour assumer la fonction de sous-secrétaire d’État aux affaires africaines, qui lui avait déjà échappé de peu lors du premier mandat de Trump en 2016.
Le 8 janvier, il s’était notamment entretenu en marge d’une partie de golf avec le fils du vainqueur de l’élection présidentielle de novembre 2024, Donald Trump Jr. Le quadragénaire, qui montre une appétence croissante pour les sujets de politique étrangère, rentrait alors tout juste d’un déplacement au Groenland qui avait suscité de vives questions en raison des visées du successeur de Joe Biden sur ce territoire stratégique situé au Danemark. Grands amateurs de chasse, Donald Trump Jr. et son frère Eric Trump sont connus pour avoir pris part à des safaris armés dans plusieurs pays africains, notamment le Zimbabwe et la Zambie, au cours de la dernière décennie.
John Peter Pham a aussi cherché à se rapprocher de la toute puissante commission des affaires étrangères du Sénat, présidée par le républicain de l’Idaho Jim Risch. Alors que toute nomination au poste de sous-secrétaire d’État aux affaires africaines nécessite le blanc-seing de la chambre haute, l’ancien envoyé spécial de l’administration Trump pour les Grands Lacs puis le Sahel, qui observe un silence prudent, veille donc à s’assurer du soutien d’un maximum d’élus dans cette perspective.
Cercles africanistes républicains
Un tel feu vert ne sera cependant pas nécessaire pour Joe Foltz, qui, comme l’a révélé Africa Intelligence (AI du 08/01/25), est préssenti pour prendre la direction de la section Afrique au sein de National Security Council (NSC), rattaché à la Maison Blanche.
Cet ancien cadre de l’Agence américaine de développement international (USAID), au tropisme africain marqué, officie actuellement au sous-comité des affaires étrangères pour l’Afrique de la Chambre des représentants, organe piloté par le républicain John James. Il a exposé sa vision de ce que pourrait être la politique africaine du second mandat de Donald Trump à Michael Waltz, le futur conseiller à la sécurité nationale, à l’occasion d’un tête-à-tête en décembre 2024.
Avant même d’être officiellement confirmés dans leurs fonctions, Joe Foltz et John Peter Pham ont reçu, chacun de son côté au mois de décembre de l’année dernière, une délégation congolaise dépêchée à Washington par le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Bien qu’il ait été actif dans les affaires africaines pendant la campagne pour la réélection de Donald Trump, Tibor Nagy, sous-secrétaire d’État aux affaires africaines entre 2018 et 2021, devrait quant à lui s’éloigner de ces questions alors qu’il a été un temps mentionné comme le probable numéro deux ou trois du Département d’État. Mais le nom de cet ancien ambassadeur américain en Guinée et en Éthiopie circule désormais pour prendre les rênes de la chancellerie américaine à Budapest, la capitale de la Hongrie, pays dont il est originaire.
D’autres personnalités associées aux cercles africanistes républicains sont régulièrement évoquées pour pouvant rejoindre la nouvelle administration Trump. Ancien directeur Afrique du National Security Council (NSC) sous le président George W. Bush, après plusieurs années passées à la CIA, Cameron Hudson figurerait ainsi parmi les nouvelles recrues potentielles à ce niveau. C’est le cas également de Joshua Meservey, qui occupe actuellement le poste de senior fellow au Hudson Institute, après avoir officié pendant sept ans à la très conservatrice Heritage Foundation. Très proche des milieux trumpistes, le think-tank Heritage Foundation plaide depuis plusieurs mois pour que les États-Unis deviennent le premier État à reconnaître le Somaliland, ce qui serait une position à rebours de celle adoptée par l’administration de Joe Biden, favorable plutôt à une politique de la Somalie unique, selon une analyse de Africa Intelligence publiée le 02/08/2024.
Autre figure respectée des milieux républicains sur les questions africaines, John Tomaszewski, alias “JT”, devrait conserver son poste de conseiller Afrique auprès du sénateur de l’Idaho Jim Risch.
À la tête de la commission des affaires étrangères du Sénat, ce dernier exercera une influence non négligeable sur la conduite de la politique étrangère américaine sous la nouvelle administration, allant de la validation des ambassadeurs à l’adoption de sanctions contre tel ou tel autre Etat ou individu.
Courant évangélique
Adepte d’une forme de diplomatie «familiale», Donald Trump, connu pour son peu d’intérêt pour l’Afrique, pourrait en outre être amené à faire sous-traiter certains pans de sa politique à l’égard de ce continent par des membres de son clan. À ce sujet, un nom revient souvent : celui de Massad Boulos, dont le fils, Michael Boulos, n’est autre que le mari de Tiffany Trump, quatrième enfant du nouveau président. Nommé conseiller spécial pour le Moyen-Orient, Massad Boulos dispose de solides relais d’affaires au sein de la diaspora libanaise établie depuis de longues années en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
Le beau-père de Massad Boulos, le Franco-Burkinabè Michel Zouhair Fadoul, avait fondé en 1966 le groupe Fadoul Afrique, qui détient dans la région une dizaine de sociétés actives dans le BTP, l’industrie, l’audiovisuel et la distribution automobile. Outre le Burkina Faso, l’entreprise est présente en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo et au Cameroun. Michel Zouhair Fadoul est également impliqué dans la gestion de SCOA Nigeria, une société spécialisée dans la vente de véhicules, basée à Lagos et dirigée par son gendre depuis plusieurs années. Bien que son périmètre officiel demeure pour l’heure cantonné au Moyen-Orient, Massad Boulos a confié à certains proches ne pas exclure de s’impliquer sur des dossiers africains à l’avenir.
Au-delà des réseaux diplomatiques traditionnels, l’entourage de Donald Trump en charge de l’Afrique devra par ailleurs composer avec le poids du courant évangélique, dont est issue une des franges les plus importantes de l’électorat républicain. Plusieurs voix au sein de ce courant ont dénoncé au cours des dernières années la dimension supposément “woke” de la politique étrangère de Joe Biden, notamment sur le continent africain, allusion à la tendance anti-raciste qui a pris de l’ampleur après les présidences Obama et Biden dont la vice-présidente Kamala Harris était une américaine de couleur. Parmi les institutions liées à ce mouvement, on trouve la Liberty University, située en Virginie, qui montre un intérêt croissant pour l’Afrique. Ces dernières années, ses murs ont accueilli plusieurs rencontres de haut niveau qui ont rassemblé des personnalités africaines de premier plan, parmi lesquels l’ancien président ghanéen Nana Akufo-Addo et l’ex-vice-présidente libérienne Jewel Taylor.
Il faut s’attendre néanmoins à une certaine édulcoration de l’orientation anti-woke de l’administration de Donald Trump qui, dans son discours d’investiture le 20 janvier à la rotonde du congrès, a rendu un vibrant hommage au leader de la lutte anti-raciste noir américain Martin Luther King, assassiné le 4 avril 1968 à Memphis (Tennessee).
Le Maximum avec Africa Intelligence