Coup de froid entre Kinshasa et Kampala. Mercredi 18 décembre 2024, la ministre d’Etat aux Affaires Etrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a formellement convoqué le chargé d’affaires a.i. de l’Ouganda à Kinshasa, Matata Twaha Magara. Motif : fournir des explications sur les propos tenus par le général Muhoozi Kainerugaba, commandant en chef de l’UPDF (armée ougandaise) sur les réseaux sociaux. «La ministre d’Etat a demandé à M. Magara une clarification officielle des autorités ougandaises sur cette prise de position ainsi que sur l’état des relations entre les deux pays», lit-on dans un communiqué du ministère.
Le 16 décembre 2024, Muhoozi, fils et dauphin putatif du président ougandais Yoweri Museveni, avait posté sur son compte X une déclaration pour le moins inconséquente. «Je vais donner un seul avertissement à tous les mercenaires blancs opérant dans l’Est de la RDC. A partir du 2 janvier 2025, nous attaquerons tous les mercenaires dans notre zone d’opérations» («I’m going to give only ONE WARNING to ALL white mercenaries opeating in eastern DRC. From 2nd January 2025 we will attack all mercenaries in our area of operations»).
Au sortir de l’entrevue avec la ministre d’Etat aux Affaires étrangères, le chargé d’affaires a.i. de l’Ouganda en RDC a déclaré avoir pris note des points de vue exprimés par son hôte. «Elle m’a promis de les formuler de façon officielle par écrit. Ce sont des préoccupations destinées à mon gouvernement. Ce que j’ai accepté. J’attends la suite», a déclaré M. Magara à la presse. Au sujet du conflit qui oppose la RDC au Rwanda, le diplomate ougandais a assuré que «notre position sur cette question est claire depuis le début. C’est une question qui est gérée au plus haut niveau entre les deux chefs d’Etat. A ce stade, je n’ai pas de commentaires à ce sujet».
Menaces contre la RDC
Entretemps, le général Muhoozi Kainerugaba avait renchéri en écrivant le 17 décembre que «le président Kagame est un homme extrêmement pacifique. Je sais qu’il veut la paix en RDC. Je vais rendre visite à mon grand frère, S.E. Tshisekedi pour demander la paix» (President Kagame, is an extremely peacful man. I know he wants peace in DRC. I’m going to visit my big brother H.E. Tshisekedi to request for peace»).
Mercredi 18 décembre 2024, Il avait de nouveau posté une déclaration sur son compte X. «Je rendrai bientôt visite à mon grand frère (le président Tshisekedi) à Kinshasa. Ce sera la première fois que je mettrai les pieds à Kinshasa depuis 22 ans !», a-t-il écrit. Avant d’effacer tous ces propos sur la RDC de son compte au cours de la même journée, après la réaction de Kinshasa, selon les observateurs. Et de se tourner vers Israël. «En tant que descendant direct de Jésus-Christ, je dis à mes frères d’Israël … ça suffit ! La guerre doit cesser maintenant !!!» («As a direct descendant of Jesus Christ, I say to my brothers in Israel … enough ! The war must end now !!! »).
Les déclarations du fils Museveni, par ailleurs patron de l’armée ougandaise en opérations conjointes avec les FARDC mais accusées par d’aucuns d’accointances avec les DRF – M23 ont d’autant plus surpris que les relations entre la RDC et l’Ouganda semblaient s’embellir ces derniers mois.
L’embellie d’Entebbe
Le 30 octobre 2024 en effet à Entebbe, le président Tshisekedi et son homologue Museveni avaient eut une rencontre au sommet qui leur avait permis de s’entretenir longuement en tête-à-tête. Des entretiens prometteurs, qui avaient tourné autour du processus de paix. «Je repars avec l’espoir que ce que nous nous sommes dits se réalise», avait déclaré le chef d’Etat congolais à cette occasion. Pour sa part, le président ougandais avait précisé que leurs échanges avaient porté sur «des questions sécuritaires bilatérales entre l’Ouganda et la RDC, ainsi que sur la sécurité dans la sous-région». Yoweri Museveni a également révélé que l’exploitation du pétrole du Lac Albert et la construction des infrastructures routières avaient été évoquées. Le chef de l’Etat ougandais réitérait ainsi son engagement à participer à la construction des routes Kasindi-Beni-Butembo et, éventuellement, Bunagana-Rutshuru-Goma. Une initiative qui ne déplaisait nullement à son homologue de la RDC. «C’est l’une des motivations de notre adhésion à la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Malheureusement, tout s’est arrêté à cause de l’insécurité dans cette région», avait-il déploré.
Tout semblait donc aller pour le mieux entre Kinshasa et Kampala lorsque le dauphin putatif du président Museveni s’est fendu de déclarations pour le moins suspectes sur l’agression rwandaise. D’où, de nombreuses interrogations sur la sincérité de l’engagement ougandais aux côtés de la RDC annoncée par les chefs d’Etat des deux pays lors de la rencontre d’entebbe, fin octobre dernier.
J.N. AVEC LE MAXIMUM