La perspective de la révision ou du changement de la constitution les a titillés. Les vaincus de la présidentielle de décembre 2023 en RDC, à quelques exceptions près, font désormais bloc au sein des «forces politiques et sociales de la RDC», contre le vainqueur de la joute, Félix-Antoine Tshisekedi, et son projet de relecture de la loi fondamentale.
Mercredi 20 novembre 2024, le Centre interdiocésain de l’église catholique à la Gombe, a servi de cadre aux représentants des partis politiques de l’opposition, à l’exception notable d’Envol de Delly Sessanga.
La scène était plutôt cocasse. Autour de la même table installée en dessous d’un portrait du Pape François, trônaient ainsi le PPRD-FCC Ramazani Shadary, l’Ensemble pour la République, Dieudonné Bolengentenge, l’Ecidé Devos Kitoko et le LGD Franklin Tshamala. Tous unis contre le projet de révision ou de changement constitutionnel du chef de l’Etat en place. A tour de rôle dans une salle bondée de partisans, chacun de ces responsables de l’opposition a pris la parole pour vouer aux gémonies un projet présenté comme «diabolique et satanique», selon les expressions les plus fréquemment usités en ces lieux chrétiens catholiques.
Pour l’essentiel, ils se sont déclarés hostiles à toute modification ou changement
de la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée en 2011 pour diverses raisons, dont certaines carrément farfelues.
Pas de révision ni changement
Si pour Devos Kitoko et l’Ecidé de Martin Fayulu, «le plan diabolique de M. Tshisekedi visait à changer la constitution, à consacrer la balkanisation du pays et à lui assurer un troisième mandat», pour le LGD d’Augustin Matata, la révision constitutionnelle annoncée est «injustifiée, inopportune, illégale et anticonstitutionnelle», mais aussi «une menace contre la cohésion nationale et une haute trahison» dans le chef de son initiateur. Le parti de l’ancien premier ministre estime que la constitution en vigueur en RDC n’ayant pas prévu les mécanismes de son changement, toute tentative de la remplacer équivaudrait à un coup d’Etat.
Le FCC de Joseph Kabila vogue dans les mêmes eaux contestatrices, même s’il est connu pour avoir initié et réussi la première révision du texte constitutionnel en 2011. Ramazani Shadary, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, a clamé haut son opposition à toute modification ou changement de la constitution. Parce qu’«aucune disposition de la constitution du 18 février 2006 n’empêche M. Tshisekedi Tshilombo d’améliorer les conditions sociales du peuple Congolais. Notamment en garantissant une rémunération décente pour nos militaires, pour les policiers, les enseignants, les médecins et autres agents et fonctionnaires de l’Etat ; en donnant à la population l’accès à l’eau potable, à l’électricité, et à des soins de santé de qualités, en stabilisant le taux de change, en construisant et en réhabilitant les routes, en régulant la circulation routière pour contenir les embouteillages, en récupérant Bunagana».
Une œuvre des Congolais
Le secrétaire permanent de l’ancien parti présidentiel a également tenu à démentir les affirmations de Félix Tshisekedi au sujet de la constitution. Elle est «issue du travail des Congolais réunis à Simi-Simi dans la ville de Kisangani. Elle a été rédigée par le parlement congolais et adoptée par le peuple au referendum dans sa très grande majorité», a-t-il déclaré. Pour Ramazani Shadary, «il n’y a rien de plus faux que l’affirmation de M. M. Félix Tshilombo déclarant à Lubumbashi que l’article 217 de la constitution serait responsable de l’occupation de nos terres par l’étranger. En réalité, là, il confond la notion de souveraineté avec la notion de cession de terres». Aucun millimètre du territoire congolais ne peut être cédé à quiconque sans l’accord préalable du peuple congolais consulté par referendum, a encore vitupéré le secrétaire permanent du PPRD.
Alors que Ensemble pour la République et Bolengetenge, son secrétaire général ont pris le parti de dénoncer le projet de révision ou de changement de la constitution en parlant pêle-mêle de corruption, de détournement des derniers publics, de la souffrance du peuple congolais, «qui a atteint des niveaux tragiques et insupportables», du rétrécissement des espaces de liberté, des violations des droits de l’homme, etc. Ainsi que le contexte de crise profonde marquée par l’ingérence rwandaise et la résurgence du M23, entre autres.
Pour l’ensemble de ces œuvres attribuées, on ne sait sur base de quelle rationalité, au président Tshisekedi, son projet de révision ou de changement de la constitution est voué aux mille diables. Les opposants ont ainsi appelé les populations à barrer la route au projet présidentiel et à se préparer à la tenue de manifestations citoyennes à travers tout le territoire national et dans la diaspora.
Mercredi au Centre interdiocésain, ils ont, à l’évidence, placé la barre de la contestation très haut. Quitte aux réalités du terrain de l’affrontement politique de la faire redescendre.
La constitution prévoit sa révision
Selon plusieurs observateurs, la révision constitutionnelle proposée par Félix Tshisekedi est tout à fait légale. Notamment, non seulement parce que la constitution elle-même prévoit à l’article 218 les mécanismes de sa révision. De fait, dans un passé récent, nombre d’opposants se sont déjà prononcés sur la nécessité de réviser la loi fondamentale. On ne voit donc pas ce qui pourrait légitimement justifier leurs cris d’orfraie.
De ce point de vue, tout se jouera sur le terrain de la mobilisation des populations, un domaine dans lequel l’UDPS, le parti présidentiel a d’ores et déjà fait ses preuves. A cet égard, ce sont plutôt les forces de l’opposition, même réunies sous la même bannière, qui doivent encore démontrer de quoi ils sont capables.
Reste la perspective du changement constitutionnel, qui effarouche particulièrement les opposants à Félix Tshisekedi. Le président de la République n’aurait pas le droit de changer la constitution en vigueur, ont répété à tue-tête les représentants de l’opposition au Centre interdiocésain, mercredi dernier. Seulement, rien dans la loi fondamentale, qui verouille certes certaines dispositions limitativement énumérées à l’article 220, ne l’interdit expressis verbis. On peut arguer que ce qui n’est pas interdit est permis, font observer les partisans nombreux d’une révision. Affaire à suivre.
J.N. AVEC LE MAXIMUM