Officiellement, c’est pour relayer le mot d’ordre du président de la République, chef de l’Etat et magistrat suprême Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo que certaines têtes courronées de la magistrature animent des séminaires intraprofesionnels dès la fin des états généraux de la justice organisés par le gouvernement, représenté par le jeune ministre de la Justice et garde des sceaux Constant Mutamba.
Ainsi, le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu n’a pas attendu la cristallisation dans la législation et la réglementation nationales des conclusions de ce forum pour réunir autour de lui le 16 novembre l’ensemble de ses collaborateurs procureurs généraux près les différentes Cours d’appel que compte le pays pour leur transmettre ses directives. Le n° 1 du ministère public a demandé à ses interlocuteurs de s’en tenir aux discours d’ouverture et de clôture du chef de l’État. «Il y a des résolutions qui viennent d’être lues. Je voudrais vous demander de vous en tenir aux discours du chef de l’État, Magistrat suprême, envers qui je renouvelle mes sentiments de grande gratitude, pour cette confiance qu’il fait encore en la Justice. Tout ce qui fait que vous êtes peut-être considérés comme des abrutis, comme des laissés-pour-compte depuis la nuit des temps. Mettez ça dans la gibecière du chef de l’État, qui a pris à bras-le-corps tous ces problèmes et va y accorder une solution. C’est un des messages qu’il a eu à donner aujourd’hui», a-t-il déclaré adoptant un style de syndicaliste plutôt que de l’autorité hiérarchique d’un corps aussi important que le parquet en introduisant son propos.
Le plus haut magistrat du parquet civil semble ainsi fait échos aux revendications corporatistes proférées dès l’entame des travaux des états généraux de la justice par la plupart des organisations syndicales représentant les magistrats, donnant par la même occasion du grain à moudre à ceux des critiques qui accusaient certains magistrats de vouloir insulariser la justice à leur profit exclusif.
Le professeur Tshibangu Kalala de l’UNIKIN avait dans sa communication, appelé les participants à ce forum, à faire la part de choses entre la justice et la magistrature. Quand à son collègue André Mbata Betukumeso, président de la Commission politique, administrative et juridique de l’Assemblée nationale, il avait indiqué que «la justice est une affaire trop sérieuse pour être laissée à la merci des seuls magistrats». Un autre intervenant, le député national et politologue Lambert Mende Omalanga, ne s’était pas privé d’interpeller les magistrats, particulièrement ceux du parquet à résister au «syndrome de l’hubris qui les pousse à vouloir devenir une île dans l’océan institionnel congolais». En vain, car aussitôt les lampions du forum éteints, des magistrats s’évertuent à perpétuer les mauvaises pratiques égocentriques ainsi dénoncées.
Des syndicalistes de la magistrature auraient même proféré des menaces d’arrestation du ministre de la Justice pour outrage à magistrat (sic !) alors que la politique judiciaire que le Pouvoir judiciaire et tous ses démembrements sont appelés à mettre en oeuvre est initiée par ledit ministre pour le compte du gouvernement avant d’être adoptée par le parlement. Constant Mutamba était donc bien dans son rôle constitutionnel.
Un professeur de droit constitutionnel qui a préféré garder l’anonymat a confié à nos rédactions sa déception de voir des hauts magistrats interpréter sans se gêner des dispositions constitutionnelles aussi claires que l’extraction par le pouvoir constituant de 2011 du parquet du pouvoir législatif qui est désormais l’apanage des seuls magistrats du siège. «Une telle interprétation contra legem est une abomination ainsi que l’a laissé entendre à juste titre le député national Lambert Mende dans son intervention», a-t-il ajouté.
Si, comme se gargarisent certains magistrats, le chef de l’Etat leur a demandé de se mettre maintenant au travail, comme l’a déclaré le patron du parquet près la cour de cassation Firmin Mvonde, c’est donc pour appliquer les bonnes pratiques que les autorités compétentes (président, parlement, gouvernement) vont incessamment édicter. En effet, les compétences des uns et des autres sont toujours d’attribution et cette attribution n’a pas d’autre source que la constitution, les lois et les reglèments qui proviennent des trois institutions susmentionnées.
La régénérescence de la justice congolaise passe par le renouvellement de l’homme intérieur car tout doit commencer par l’homme (magistrat), son sens de l’éthique et ses prédispositions morales, ainsi que l’a souligné à bon escient Firmin Mvonde qui a insisté sur le sens d’abnégation, de renonciation et d’apostolat.
Face aux idées qui se sont entrechoquées lors des états généraux de la justice, tous les magistrats devraient faire preuve d’humilité pour mériter de la nation en donnant aux justiciables des raisons de croire en une justice guérrie de ses tares.
Le chef de l’État qui a dans son discours rappelé que le temps du pardon était terminé, va avec les autres institutions habilitées donner forme aux résolutions pertinentes destinées à guérir ce grand corps malade qu’est la justice congolaise.
Le Maximum