Le soutien de l’Union européenne d’Ursula von der Leyen au régime de Paul Kagame n’est plus qu’un secret de polichinelle. Depuis, notamment que l’UE s’est octroyée des ouvertures pour accéder aux minéraux du Rwanda, que la principauté militaire ne possède nullement. Mais Mme Von der Leyen et l’UE ne sont pas seules aux commandes de cette gigantesque entreprise prédatrice des temps nouveaux. La France d’Emmanuel Macron tient, elle aussi, les cordons du soutien à un des régimes les plus sanguinaires après Hitler et Pol Pot. 7 procès liés au génocide rwandais d’avril 1994 se sont tenus à Paris au cours de la dernière décennie, prolongeant outre Méditerranée plus d’un quart de siècle de persécutions ethniques. Le dernier de ces procès, engagé contre un ancien médecin hutu, a connu son épilogue mercredi 30 octobre 2024. Eugène Rwamucyo, 65 ans, a été reconnu coupable d’incriminations aussi fourre-tout et militantes que «complicité de génocide, complicité de crimes contre l’humanité» et de «complot» en vue de préparer le terrain à ces crimes.
Preuves, s’il en était, lorsqu’il vise l’élimination d’adversaires réels, supposés ou potentiels, Kagame ne lésine pas sur les moyens. Le terrorisme rwandais a débordé des frontières du continent et s’étend jusque dans les travées des institutions européennes, après avoir saqué la dissidence dans les rues des capitales du vieux continent. «Même des militants africains de premier plan, tel que Paul Rusesabagina et Denis Mukwege, ne sont pas en sécurité lorsqu’ils se rendent au siège des institutions européennes», révélait à ce sujet, mercredi 30 octobre 2024, Andrew Rettman, rédacteur en chef d’EUobserver. Le journaliste n’y va pas par quatre chemins. «L’UE s’est ralliée à Kagame pour faire taire les dissidents en Belgique», affirme-t-il. Alors que la peur d’être empoisonné par les agents de Kagame est de plus en plus répandue dans la diaspora rwandaise en Belgique. Ces méthodes de mise à mort «discrète» pouvant aller d’une simple poignée de main à l’utilisation d’un vêtement préalablement imbibé de poison.
Poignées de mains toxiques
Le vieux continent découvre ainsi, trois décennies après, un aspect du drame vécu au quotidien au Rwanda, en RDC et dans la région des Grands Lacs en général. «Les Rwandais sont des maîtres empoisonneurs. Il existe une toxine qui peut être administrée par une poignée de main : l’assassin l’étale sur la paume de sa main, serre la main de la victime sous un prétexte quelconque, puis s’éloigne et prend un antidote pour se sauver», rapporte Rettman, citant des sources sécuritaires belges.L’historique d’assassinats transnationaux, voire, transcontinentaux de Kagame ne s’en trouve que plus enrichis. Un épisode révélé par les services belges autour de Rusesabagina, qui relate son séjour en terrain quasi miné à Bruxelles en août 2024. L’auteur du fil Hotel Rwanda sur le génocide (2004) déjà victime d’un enlèvement par les agents de Kagame à Dubaï en 2020, devait honorer un mariage familial. Ses conseillers, les services de sécurité belges et américains, l’ont formellement exhorté à «faire particulièrement attention». Notamment, «de ne pas voyager ou de ne pas séjourner seul, de ne pas utiliser de chauffeurs de taxi inconnus, de ne pas rencontrer d’inconnus ni d’accepter de cadeaux de leur part, de ne pas utiliser son téléphone portable habituel et de ne pas louer de voiture». Cette partie de ces conseils visait à échapper à la surveillance électronique rwandaise, révèle encore l’auteur.
Au-delà de la personne de Rusesabagina, c’est toute la famille du désormais célèbre opposant à Paul Kagame qui est placé dans le viseur des agents de l’exterminateur transcontinental.
Carine Kanimba, orpheline depuis le génocide qui l’a vue perdre ses parents encore bébé, est fille adoptive de Rusesabagina. Elle fait l’objet de menaces de mort à peine voilées, proférées sur des réseaux sociaux. «L’un des principaux collaborateurs de Kagame a déclaré sur X que je méritais une machette dorée, ce qui m’a profondément choquée, car mes parents ont probablement été tués à coups de machette [pendant le génocide]», a-t-elle déclaré. En 2021, sont téléphone a été pirate avec le logiciel espion Pegasus de fabrication israélienne. Il s’agit d’un logiciel qui n’est vendu qu’aux services de renseignements d’Etats.
Un chauffeur rwandais de l’UE pour Mukwege
Même le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, n’échappe pas aux préoccupations exterminatrices de Paul Kagame.
Au cours d’un voyage à Bruxelles en 2015, «il a reçu une voiture de courtoisie du Parlement européen, mais lorsqu’il est arrivé aux bureaux du journal belge Le soir pour une réception de bienvenue, les journalistes ont reconnu son chauffeur comme étant un membre du personnel de sécurité de l’ambassade du Rwanda et ont conseillé à Mukwege d’insister pour avoir un autre chauffeur», révèle encore Rettman.
Le gynécologue congolais a raconté à des amis belges de l’époque comment le faux chauffeur, qui avait infiltré le covoiturage du parlement, s’était comporté sur le trajet. «Il avait supplié Mukwege de garder son téléphone portable et de parler à ses amis parce qu’il était très célèbre, ce que Mukwege a refusé de faire … Mais le même faux chauffeur lui a également proposé une cravate suspecte sous le même prétexte, selon un contact de sa Fondation Panzi en RDC».
Et, selon deux sources de sécurité belges qui ont requis l’anonymat, la cravate, que Mukwege a également refusé de toucher, avait été imprégnée de poison. «Il [Mukwege]est monté dans une voiture avec un chauffeur qu’il ne connaissait pas, et le type lui a dit: «Dr Mukwege, vous êtes mon héros ! Veuillez accepter cette cravate comme un humble cadeau. Ma famille et moi serions si fiers si vous la mettiez».
Les gouttelettes de Munyunza
Insipide, incolore, inodore, apparemment, puisque les victimes n’en réchappent que miraculeusement, et ne peuvent en témoigner. Ce poison vise le commun des mortels, qui n’en sont donc que plus vulnérables, particulièrement en Belgique. L’ancienne métropole qui abrite jusqu’à 30.000 personnes d’origine rwandaise éparpillée en région flamande. Parmi elles, des réfugiés du génocide de 1994, divisés et traumatisés, selon Rettman. A l’instar de Natacha Abingeneye, qui vit à Alost, et pense que les agents de Kagame ont assassiné son père à Bruxelles en 2005. Ancien ministre du gouvernement rwandais, il témoignait devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda de l’ONU lorsqu’il a disparu, et son corps mutilé a été retrouvé plus tard dans un canal de la capitale de l’UE. Elle en est devenue, ipso facto, une cible de Kigali. «Son nom a été diffamé dans des dizaines d’articles dans des médias liés à Kagame, affirmant, par exemple, qu’elle avait financé des escadrons de la mort rwandais en 1993, alors qu’elle avait sept ans à l’époque».
Les empoisonnements ne relèvent pas du mythe, assure Natacha Abingeneye. «C’est une méthode qu’ils ont tellement utilisée au Rwanda qu’elle a même un nom en rwandais: ‘utuzi twa Munyuza’, qui signifie ‘gouttelettes d’eau de Munyuza’». L’expression fait référence à Dan Munyuza, qui est aujourd’hui ambassadeur de Kagame en Égypte, et qui a été dénoncé dans une conversation divulguée sur Youtube pour avoir planifié des empoisonnements de dissidents rwandais à l’étranger. «Tout le monde sait que s’ils veulent vous éliminer, nous partageons un café, vous rentrez chez vous, je rentre chez moi, je suis mort, et personne ne sait ce qui s’est passé», a déclaré Abingeneye à EUobserver.
Et Andrew Rettman de trancher : «Mais même si les dirigeants de l’UE eux-mêmes sont physiquement en sécurité, ils devraient néanmoins se soucier de leur hygiène morale, car chaque fois qu’ils rencontrent Kagame, ils l’encouragent à commettre de nouveaux crimes en lui donnant un sentiment d’impunité».
J.N. AVEC LE MAXIMUM