Un acteur politique de l’Ituri se lance dans la course à la présidentielle 2028. Gratien Iracan de Saint-Nicolas, député élu sur les listes d’Ensemble pour la République du candidat malheureux à la présidentielle de décembre 2023, Moïse Katumbi Chapwe, a annoncé sa candidature au top job en RDC, le 16 août 2024. Dans un tweet sur son compte X, le plus que bouillant élu iturien affiche ses ambitions, noir sur blanc. «Je suis député de Ensemble pour la République (bien que suspendu) jusqu’à la fin de mon mandat électif à 2028. Il n’est pas évident que je continue dans cette famille politique où j’ai acquis de bonnes expériences. Des concertations sont en cours pour que je sois plébiscité Candidat indépendant président de la République en 2028. La province de l’Ituri où je suis un grand leader et un homme politique influent, m’a déjà donné son accord favorable d’accompagnement. Je vais circuler et consulter d’autres provinces pour obtenir leur accord et leur soutien à ce projet», écrit cet acteur politique connu pour ses frasques.
Au sein du parti katumbiste, l’homme semble en avoir suffisamment appris, puisque quelques jours plus tard, il répercutait bruyamment le point de vue de son parti politique au sujet des incidents meurtriers de Kilwa. «Il est inadmissible que des paisibles citoyens perdent leur vie juste par irresponsabilité de certains éléments de nos forces de sécurité à Kilwa. J’en appelle à l’interpellation de l’administrateur du territoire de Pweto, à la suspension et arrestation immédiate des commandants FARDC et PNC de la place, en attendant l’aboutissement des enquêtes indépendantes. Nous avons besoin d’un Etat fort qui protège son peuple et sa dignité. Ma compassion va droit à toute la communauté katangaise, en particulier aux familles des victimes», postait-il sur son compte X, le 19 août. La posture est déjà celle d’un futur présidentiable, semble-t-il.
Député va-t-en-guerre
Quarante-huit heures plus tôt, le 17 août, Gratien Iracan s’en prenait vertement et manifestement aux autorités administratives de l’Ituri, coupables d’avoir effacé les mentions «Don de Moïse Katumbi», portées sur des ambulances offertes à l’hôpital général de référence de Bunia. «C’est malhonnête de recevoir un don et d’effacer le nom du donateur», peste-t-il à ce sujet, dénonçant le détournement de ces véhicules, restitués grâce à se pression. «Cette ambulance médicalisée a coûté 80.000 USD. Les frais payés proviennent de la sueur de travail de son donateur. Pourquoi effacer son nom quand tous les véhicules des ONG font référence de visibilité des bailleurs de fonds ?», s’interroge-t-il.
La veille, le 16 août donc, Gratien Iracan avait annoncé la remise à l’hôpital général de référence de Bunia, de matériels et équipements médicaux pour la modernisation du bloc opératoire en réfection, don de Moïse Katumbi à la communauté iturienne. Au total, 3 ambulances médicalisées avaient été offertes par l’ancien gouverneur du Katanga pour 3 grandes structures médicales de l’Ituri. «L’une des ambulances a failli être détournée, bien évidemment la pression de la population l’a fait retourner après 7 mois de disparition», révélait-il dans la foulée de ces actions qui traduisent une certaine docilité dans le chef du député suspendu d’Ensemble pour la République.
Opposé aux autorités de l’Ituri et à l’état de siège
Son agressivité, l’honorable Gratien Iracan la réserve pour ses adversaires politiques et les autorités politico-administratives de sa province d’origine, depuis sa suspension «de tout engagement et de toute activité de Ensemble pour la République», le 1er août 2024. Le 15 août, le bouillant élu iturien a porté une plainte à l’auditorat militaire de Bunia, contre le porte-parole des FARDC dans la région, le lieutenant Jules Ngongo. Il reproche au sous-officier des propos diffamatoires et outrageants contre un député national. «Une action vivement saluée par le peuple iturien», selon le plaignant katumbiste.
Le même jour, le futur candidat indépendant à la prochaine présidentielle dénonçait sur son compte X, l’attitude du gouverneur militaire de l’Ituri qui aurait refusé de le rencontrer, alors qu’il était porteur d’un message de paix, de soutien aux FARDC et de désolidarisation avec les ennemis de la République en province de l’Ituri. «Je suis très surpris et choqué par cette méfiance et déconsidération envers le peuple iturien que je représente valablement aujourd’hui en toute qualité. Dès mon retour à Kinshasa, nous allons saisir le président de la République et le gouvernement par rapport à ce comportement qui n’honore pas la République», s’est-il plaint.
Quelques semaines auparavant, le 1er août 2024 précisément, ce député Ensemble pour la République avait publié un communiqué dénonçant ce qu’il qualifiait d’exactions des FARDC contre des civils au littoral sur le lac Albert. Alors que les autorités militaires provinciales dénonçaient des attaques des miliciens Zaïre contre leurs positions, en prélude à une attaque d’envergure des terroristes du M23 à partir de la frontière ougandaise dans les jours à venir.
Sous sanctions disciplinaires au sein du parti
Le 1er août 2024, c’est également la date de la suspension de l’honorable Gratien Iracan par le secrétaire général Dieudonné Bolengetenge qui lui reproche de lancer sur la place publique des appels à la mobilisation de tous les cadres et militants du parti sans avoir consulté la hiérarchie et de mettre en garde et de traiter des cadres du parti de «manipulateurs» et de «gangsters». Une commission ad hoc, placée sous l’autorité du directeur du service juridique du parti, a été mise sur pied pour auditionner l’élu de l’Ituri qui, du reste, est sous la menace d’une exclusion.
En fait, le candidat indépendant à la présidentielle 2023 avait posté sur son compte X, le 29 juillet 2024, un message relatif aux élections au bureau du Sénat. «Je mets en garde ceux qui veulent manipuler notre respectée honorable sénatrice Christine Mwando pour l’amener dans un front dont elle n’est pas responsable. Le candidat accepté de Ensemble pour la République est Salomon Idi Kalonda au poste de Rapporteur adjoint au Sénat et personne d’autres. Ce choix découle d’une logique où le Grand Katanga occupe déjà 2 sur les 3 grandes fonctions institutionnelles réservées à Ensemble dont le rapportariat adjoint de l’Assemblée nationale et la présidence du groupe parlementaire. En outre, la sénatrice Christine Mwando est la sœur biologique du député Christian Mwando. Nous leur devons du respect au lieu de les manipuler au nom du président national avec des fausses informations. Ensemble n’accepte pas le népotisme et le clientélisme en son sein. Nous sommes saisis d’un groupe de voyous qui voudrait induire la sénatrice en erreur en allant déposer frauduleusement sa candidature. Seul le président national est habilité à signer une lettre d’investiture. Toute personne qui osera procéder à un acte contraire sera chassé de son poste et du parti dans les minutes qui suivent la signature par les militants engagés sous ma conduite pour la réforme profonde de Ensemble pour la République. Il est temps de regarder la souffrance du peuple, y trouver des solutions à travers un parti politique organisé sans des infiltrés jouant le double jeu. Je demande une mobilisation totale de tous les membres du parti dès ce lundi matin au siège à partir de 10 h pour aller accompagner notre candidat Salomon Kalonda à déposer son dossier au sénat. Je serai moi-même présent», ordonnait cet acteur politique iturien. Le futur candidat indépendant à la prochaine présidentielle donnait ainsi, plusieurs jours avant son annonce du 15 août, l’impression d’accaparer les rênes du pouvoir au sein du parti katumbiste. Ou d’inspirer une rébellion, un phénomène plutôt courant dans son Ituri natal, notent des observateurs.
Néanmoins, s’agissant de la candidature de l’élu de l’Ituri à la prochaine présidentielle, Gratien Iracan n’est pas le premier à manifester des ambitions concurrentes à Moïse Katumbi. 24 heures avant l’ouverture du Congrès d’Ensemble pour la République, en décembre 2022, Me Laurent Onyemba Djongandeke avait annoncé son intention de briguer la présidentielle 2023. Néanmoins, c’est sur son président, Moïse Katumbi, que le parti avait jeté son dévolu quelques jours plus tard.
J.N. AVEC LE MAXIMUM