Les voiles sont tombés. Des preuves irréfutables apportés par le rapport du groupe d’experts des Nations Unies sur la RDC, transmis au conseil de sécurité fin juin 2024 indiquent que le M23 et l’AFC de Nangaa ne font nullement le poids dans les affrontements en cours à l’Est de la RDC.
Ce sont bien 4.000 hommes de troupes des Rwanda Defense Forces qui guerroient au Nord-Kivu pour conquérir des territoires qu’ils confient ensuite à leurs supplétifs. Kigali envahit donc la RDC et ne s’en cache même plus. Les experts onusiens que dirige la juriste belge Mélanie De Groof révèlent que c’est depuis 2023 que le gouvernement rwandais a mis en place des unités d’appui au combat et de reconnaissance déployées au Congo. Au départ, elles avaient intégré 250 anciens combattants FDLR-FOCA opérant sous le commandement du Département rwandais du renseignement et de la défense (DID). Ces éléments anciennement démobilisés et rapatriés au Rwanda ont été envoyés dans des centres de démobilisation/formation (Mutobo, Mukamira, Nyabihu District, Western province) avant d’être réexpédiés pour opérer au sein des RDF dans le petit Nord-Kivu. «Après ce recyclage qui a duré plusieurs semaines, ils ont été renvoyés en RDC en tant que membres de la force de réserve des RDF et ont participé activement à des recherches et/ou des opérations militaires», écrivent les experts onusiens. Qui rappellent qu’en 2011, le Mécanisme conjoint de vérification élargi (EJVM) avait également documenté le cas d’un ancien combattant FDLR/FOCA démobilisé en 2011 qui avait été remobilisé en 2023 par les services d’intelligence rwandais pour opérer en RDC.
FDLR recyclés et réservistes à la rescousse
Les 30 décembre 2023 et le 31 janvier 2024, l’armée rwandaise a convoqué 500 de ses réservistes (retraités) pour renforcer ses unités déployées au Nord-Kivu. Ces hommes ont suivi un programme de remise à niveau à la base militaire de Gabiro au Rwanda, avant d’être envoyés aux fronts en RDC. «Des troupes et des officiers RDF des 2è et 3è Divisons, des forces spéciales, des forces de réserve, des équipes d’appui au combat et de reconnaissance ainsi que d’anciens combattants FDLR/FOCA ont été déployés et ont mené des opérations dans les territoires de Nyiragongo, Rutshuru et Masisi», révèlent les experts onusiens. Les officiers RDF impliqués dans ces opérations sont connus et leurs identités révélées. Ainsi, le général Eugène Nkubito a commandé la 3ème Division RDF ; le lieutenant-colonel Augustin Ryarasa Migabo a supervisé les forces spéciales RDF relevant directement du général Ruki Karusisi. Les équipes d’appui au combat et de reconnaissance des RDF ont été commandées (ou planifiées) par le major John Nkurunziza, un officier des renseignements relevant du chef des opérations de DID, Emmanuel Ruzindana. Les lieutenant-colonels Charles Rutagisha (3ème Division) et Augustin Ryasara Migabo et le major Jean-Paul Shyaka ont également participé à la planification des opérations de combat. Tandis que le lieutenant-colonel Charles Rutagisha dirigeait la formation des troupes envoyés au Nord-Kivu.
De nombreux officiers supérieurs RDF
Les troupes RDF expédiées en opérations en RDC sont issues des 201è, 301è, 405è et 509è brigades. Il est précisé que les éléments de troupes des 3è, 4è, 7è, 19è, 25è, 37è, 41è, 67è et 101è bataillons ont été déployés dans le petit Nord-Kivu au moins jusqu’en juillet 2023.
A partir d’octobre 2023 ont été déployés dans la même région des éléments des 11è, 17e, 31è ainsi que le 83è bataillon. Mi-janvier 2024, des soldats des 201è et 305è brigades et des forces spéciales rwandaises ont été envoyés en opérations en RDC. Le rapport des Nations Unies révèle encore que les officiers ci-après ont commandé lesdites opérations en 2023 et/ou en 2024 : colonel Emery Kayumba (11è bataillon), lieutenant-colonel Emmanuel Mugabo (71è bataillon), lieutenant-colonel Alphonse Kigenza (101è bataillon), colonel Rugambwa (201è brigade), colonel Nelson Rwigema (305è brigade) et le capitaine Ibrahim Sinzabakwira des forces spéciales. Quant au lieutenant-colonel Sam Ruhunga (DID), il a été l’instructeur chargé de la formation au commandement et au leadership des cadres du M23.
Implication directe
Les conclusions des experts onusiens ne laissent donc plus de doute quant au rôle joué par l’armée rwandaise dans la guerre du Nord-Kivu. «Ne se bornant plus à apporter un simple soutien aux opérations du M23 à Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, les RDF s’impliquent désormais directement et de façon décisive, ce qui a permis aux deux groupes de dominer militairement dans le petit Nord et d’étendre rapidement leur territoire jusqu’aux rives du lac Edouard», peut-on lire dans le rapport. De même qu’ils s’appuient sur des technologies et du matériel militaire de pointe qui ont modifié la dynamique du conflit. «Ils ont notamment cloué au sol tous les moyens aériens militaires des FARDC», selon le rapport. Sur l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa créée le 15 décembre 2023, soit près de 2 ans après le déclenchement de l’agression contre la RDC, le rapport des experts onusiens est on ne peut plus clair. «Le M23 et le gouvernement rwandais ont vu en l’AFC la possibilité de légitimer le M23 et ses revendications, en minimisant le rôle du Rwanda dans la crise. De plus, si l’AFC obtenait le soutien d’une large coalition de parties prenantes congolaises, le M23 serait considéré comme un problème congolais», écrivent-ils. Avant d’ajouter qu’«au moment de l’établissement du présent rapport, l’AFC n’avait aucun impact significatif sur le paysage politique et militaire de la République démocratique du Congo».
J.N. AVEC LE MAXIMUM